Depuis plusieurs jours, je me programmais pour ouvrir, cette semaine, la saison des bilans, perspectives, vœux et résolutions pour le nouvel an. C’est une tradition convenue et on n’a pas le droit d’y couper. Pourtant, pour la présente chronique, j’ai décidé de remiser au placard mon projet et de vous en proposer un autre dont je ne suis pas coutumier.
Exceptionnellement, je voudrais vous parler de ce qui se passe entre un homme et une femme, légalement unis, dans l’intimité de leur foyer : faire l’amour. Avouez que c’est un sujet délicat qu’il ne convient pas de porter sur la place publique dans certaines sociétés où ces questions restent du domaine du tabou. Même dans les sociétés dites développées, la pudibonderie de bon aloi enseignée par l’éducation traditionnelle ou religieuse interdit de parler de sexe en public.
Je vous préviens donc, je ne suis pas du genre à porter des coups en dessous de la ceinture, tout comme le grivois ne fait pas partie de mon lexique. Mais « quand faut y aller, faut y aller », quitte à écorcher quelque sensibilité… pour la bonne cause.
Le sujet dont je vais vous entretenir dans la présente chronique s’est donc imposé à moi comme une évidence douloureuse qu’il ne faut pas remettre à plus tard. Non pas que ce soit immédiatement une question de vie ou de mort, mais parce que je ne voudrais pas participer à une conspiration du silence lourde de conséquence pour l’avenir de notre espèce. Le sujet est donc suffisamment grave et appelle, de notre part, une prise de conscience qu’il vaudrait mieux ne pas différer. De façon crue, selon les résultats d’une enquête menée par David Spiegelhalter, un chercheur anglais, nous ne ferons presque plus l’amour en 2030. Avez-vous bien lu ou voudriez-vous que frappe un second coup plus fort ou que je marque votre cerveau au fer rouge ? A l’horizon 2030, presque que plus aucune progéniture ne sortira de nos couches !
Mais qui est donc ce David Spiegelhalter qui se permet de nous « choquer » par une charge si abrupte ? Rassurez-vous : il est tout ce qu’il y a de très sérieux et de très crédible. David Spiegelhalter est un statisticien britannique et professeur Winton de la compréhension publique des risques au Statistical Laboratory de la prestigieuse Université de Cambridge (Angleterre). Faites un tour sur n’importe quel moteur de recherche et vous découvrirez que ce chercheur est bardé de références académiques tout aussi prestigieuses les unes que les autres et, a priori, ne peut être suspecté de charlatanisme ou de manipulation. Rassurez-vous encore, on est loin de cette autre affaire peu glorieuse, le scandale Cambridge Analytica, qui révéla que cette entreprise avait collecté illégalement les données personnelles de plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs de Facebook en marge de la campagne présidentielle américaine en 2016.
Venons-en à présent à l’enquête du Professeur Spiegelhalter. Elle révèle que nos « lits » ne seront pas « féconds » à l’horizon 2030 à cause de « l’invasion des écrans dans nos vies, les réseaux sociaux et les séries ».
Morceau choisi : « De nombreux couples âgés de 16 à 64 ans ont été interrogés sur la fréquence de leurs rapports sexuels tous les mois. Le constat est flagrant : au fil des années, les couples font de moins en moins l’amour. En 1990, la moyenne était de 5 rapports sexuels par mois, en 2000 le chiffre passe à 4 et enfin à 3 en 2010 ». La déduction fatidique qui s’impose est qu’en suivant cette « régression progressive », on sera autour du 0 pointé à l’horizon 2030.
N’ayez crainte, diront de brillants esprits africains ! Tout ça se passe loin de nos latitudes tropicales et nous seront toujours chaleureusement entourés de nos mioches qui nous éviteront l’addiction aux écrans. Cela relève de la malhonnêteté intellectuelle puisque, de toute évidence, les habitudes de consommation sont « décidées » là-bas et « imposées » ici.
Revenons aux interprétations de l’enquête du Pr. David Spiegelhalter. L’hyper-connectivité serait notre ennemi mortel. En effet, « nous sommes bien trop souvent sur notre smartphone et toujours sollicités par l’extérieur. Notre manière de consommer à outrance les informations sur tous les supports possibles, les séries disponibles sur les plateformes de streaming qui nous poussent à pratiquer le binge-watching…Bref, nous n’aurons plus le temps de faire l’amour ». Arrêtons-nous une seconde sur le Binge-watching pour prendre la mesure du psychodrame. Prenons trois séries très célèbres qui ont tenu en haleine les téléspectateurs maliens pendant de longs mois : Roots (Racines), Dynasty et Cercle de feu. Imaginons que vous ayez en votre possession, à la maison, la totalité de ces séries et que rien ni personne ne vous interdise de les regarder. Les regarder d’une traite, « cul-sec », pour plonger dans l’étymologie de l’expression. A votre avis, qu’adviendrait-il ? Vous vous couperez du monde, vous vous emmurerez dans un univers virtuel où vous n’accepteriez personne. Même pas une conjointe ou un conjoint ! Voilà le sens de la recherche du Pr. David Spiegelhalter qui omet probablement de façon volontaire d’attirer notre attention sur les conséquences collatérales d’une telle pratique, d’une telle hygiène de vie détestable : la sédentarité. Bienvenue à l’obésité, l’hypertension artérielle, le diabète… et toutes les formes de pathologie cardiaque.
Oui aux écrans puisque, pour le moment, il n’existe presque pas d’autres alternatives, mais tâchons de rester des humains. Il y va de la survie même de notre espèce.
Serge de MERIDIO
Source: Infosept