AES : Le ciel sahélien se dote d’ailes souveraines
Du 13 au 17 avril 2025, Bamako a été le théâtre d’une rencontre inédite et hautement stratégique entre les Chefs d’État-major des armées de l’air du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Cette réunion, la première du genre, s’inscrit dans une dynamique nouvelle portée par la Confédération des États du Sahel (AES), un cadre de coopération interétatique décidé à redéfinir les contours de la souveraineté régionale face aux défis sécuritaires persistants.
Bamada.net-C’est sous l’égide du Général Oumar Diarra, chef d’état-major général des armées maliennes, que les travaux ont débuté, marquant un tournant décisif dans la mise en place d’une défense aérienne commune. Plus qu’un simple regroupement technique, la réunion incarne une ambition politique claire : bâtir un bouclier sécuritaire sahélien sans tutelle étrangère, à partir des airs.
Une doctrine aérienne sahélienne en gestation
Le thème retenu – « Coopération aérienne au sein de l’AES : vers une défense intégrée et une souveraineté renforcée » – annonce la couleur. Les échanges ont jeté les bases d’un concept militaire régional basé sur la mutualisation des moyens aériens, la coordination des frappes, la fusion du renseignement, et la formation croisée des pilotes.
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Autrement dit, les armées de l’air sahéliennes entendent parler désormais d’une seule voix, voler sous une bannière commune, et frapper avec la précision d’une machine huilée. Dans un contexte où les groupes armés non étatiques multiplient les incursions transfrontalières, une telle réorganisation apparaît comme un impératif historique.
L’arme aérienne devient le levier de riposte rapide, ciblée, et surtout sans délai de concertation inutile. Cela exige des systèmes compatibles, des procédures unifiées, et une confiance réciproque. Et c’est exactement ce qui s’est joué à Bamako.
Une rupture assumée avec les logiques anciennes
Au-delà de l’aspect purement militaire, cette initiative traduit une volonté affirmée : tourner le dos aux anciennes formes de coopération, marquées par la dépendance aux partenaires extérieurs. L’AES se veut une réponse endogène aux défis du moment, un espace où la solidarité régionale prévaut sur les injonctions exogènes.
C’est un choix audacieux, mais assumé. En consolidant leurs appareils sécuritaires sur la base de principes partagés, le Burkina Faso, le Mali et le Niger veulent prouver qu’il est possible de sortir du cycle assistance-dépendance, pour construire une architecture de sécurité qui soit du Sahel, pour le Sahel.
Contexte diplomatique houleux avec l’Algérie : un catalyseur involontaire ?
Cette rencontre de haut niveau intervient dans un climat diplomatique tendu entre Bamako et Alger. L’affaire du drone abattu le 31 mars 2025 par l’armée algérienne, suivie d’un échange de démentis, a ravivé les tensions. S’est ensuivie une valse de rappels d’ambassadeurs, accompagnée de la fermeture mutuelle des espaces aériens.
Face à cette montée de fièvre, l’alignement immédiat de Ouagadougou et Niamey en soutien à Bamako n’est pas passé inaperçu. Il traduit un resserrement stratégique au sein de l’AES, qui apparaît de plus en plus comme un bloc de souveraineté face aux anciennes puissances tutélaires de la région.
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Ainsi, paradoxalement, la crise diplomatique pourrait avoir accéléré un processus de cohésion militaire et politique, jusqu’ici encore balbutiant.
Visite sur le terrain : la vitrine d’une armée en pleine mutation
Les Chefs d’état-major ont profité de leur séjour malien pour aller au contact de la réalité opérationnelle. À Sévaré, dans la région de Mopti, ils ont visité la Base aérienne 200 et le Centre de coordination des opérations du Théâtre-Centre. La présentation des installations, des équipements et des techniques en usage a mis en évidence la montée en puissance silencieuse de l’armée malienne, bien loin de l’image poussiéreuse souvent véhiculée par certains médias internationaux.
Le passage au camp Hamadoun Bocary Barry, puis les échanges avec le gouverneur régional, ont mis en lumière la convergence des efforts civils et militaires dans la lutte contre l’insécurité. Le général Abass Dembélé n’a pas mâché ses mots : « La sécurité ne se mesure pas uniquement en victoires militaires, mais au sentiment de confiance retrouvé chez les populations. Et ce sentiment renaît. »
Le détour par Siby : là où passé et futur se croisent
Dans une séquence symbolique et hautement significative, la délégation a effectué une visite à Siby, berceau historique du Mandé. Guidés par l’éminent professeur Ibrahim dit Iba N’Diaye, les officiers ont revisité les hauts lieux de l’histoire malienne : l’arche de Kamandjan, le puits sacré de Taboun, les récits des fondateurs du grand empire.
Ce retour aux sources n’est pas anecdotique. Il incarne un lien profond entre l’identité sahélienne et la souveraineté à défendre aujourd’hui. Le passé devient ressource, la mémoire devient boussole. Pour ces chefs militaires en quête d’une nouvelle vision stratégique, s’adosser à l’histoire n’est pas romantique : c’est politique.
Vers une Force Unifiée de l’AES : le puzzle se complète
Parallèlement à Bamako, Ouagadougou accueillait les experts militaires chargés de finaliser les modalités pratiques de la future Force Unifiée de l’AES (FU-AES). Le document issu de leurs travaux prévoit l’installation d’un État-major intégré à Niamey d’ici le 31 mai 2025, ainsi que la création de bataillons conjoints et d’une radio militaire dédiée.
Les efforts de communication, la fusion du renseignement, l’harmonisation des outils radios, ou encore la création d’insignes et de médailles communes : tout cela révèle un projet mûrement réfléchi, structuré, et résolument tourné vers l’autonomie stratégique.
Conclusion : une marche résolue vers une souveraineté défendue des airs
La rencontre de Bamako ne fut pas un simple sommet militaire. C’est une affirmation. Une déclaration de volonté. Une promesse collective. L’espace aérien sahélien ne sera plus un no man’s land livré aux incursions. Il sera balisé, sécurisé, surveillé, et surtout, défendu par les siens.
La Confédération des États du Sahel vient de franchir un palier stratégique. Et si l’avenir d’une région repose souvent sur ses fondations terrestres, c’est désormais dans les airs que se joue une bonne part de son destin.
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Moussa Keita
Source: Bamada.net