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Chine : la France pourrait accompagner la transition énergétique d’une région minière

PREMIUMLes autorités chinoises doivent fermer des milliers de mines de charbon pour tenir leurs engagements climatiques. Peut-être bien avec une expertise française.

La “Mecque de la houille” : pendant des décennies, c’est ainsi que la province de Shanxi en Chine a été surnommée, le paradis du charbon, en quelque sorte. Entre 1949 et 2016, cette ­région située au sud-ouest de Pékin et qui s’étend au nord vers la ­Mongolie en a extrait 261 ­milliards de tonnes! Il fallait se développer, et les ressources aussi bien que la main-d’œuvre ne manquaient pas. Et puis tout a changé, marche arrière toute. Depuis les accords de Paris sur le climat, il a fallu inverser la vapeur. Et pourquoi pas, pour aller plus vite, en “coopérant” avec ceux qui avaient pris de l’avance.

Le Nord-Pas-de-Calais en exemple

Dans la grande salle de conférences de la mairie de Qixian, le patron des débats n’est autre que l’un des pontes du Parti communiste local, qui règne sur 35 millions d’habitants. Sur la table, un projet crucial : la reconversion de la ville de Yangquan. Quelque 1,5 million d’habitants, “le berceau chinois du charbon et du fer”. Un carrefour de l’industrie minière si prometteur que les ancêtres de la banque française BNP Paribas y avaient fait construire une gare et une ligne de chemin de fer entre 1907 et 1933. La mine n°3, la plus grande au cœur de la cité, n’est que l’une des 53 situées dans cette zone urbaine. Elle a déjà fourni 248 millions de tonnes de charbon, et fait maintenant partie des sites répertoriés au patrimoine industriel chinois. Mais le temps est compté. En novembre 2019 le plan de reconversion édicté par les autorités provinciales devra être enclenché. C’est là qu’entre en scène Liqiang Zhang.

Le chef de district de la mine a préparé un exposé avec diapos à l’appui. On y voit de belles photos du Nord-Pas-de-Calais, avec de beaux terrils sous un ciel bleu. “Ce bassin minier français est devenu un site du patrimoine mondial, une destination touristique et un formidable succès de reconversion économique”, récite l’expert avec juste ce qu’il faut d’admiration polie devant les notables du Parti. Avant d’énumérer les défis à relever pour la mine n°3 : réinsérer dans le tissu économique plus de 3.000 mineurs, restaurer le site sur le plan écologique car les dortoirs des ouvriers sont devenus des taudis et les infrastructures de l’installation minière sont dégradées. Mais surtout, souligne Liqiang Zhang, “il faudra rétablir du lien social”.

On pourrait même envisager de financer ce projet avec la Banque mondiale et la Banque chinoise de développement, ce serait une première

De l’autre côté de la table, la délégation française a sagement écouté. Ces dernières heures, le maître Xi Jinping en personne a évoqué l’impératif de “­reconversion énergétique”. Rémy Rioux, le directeur de l’Agence française de développement (AFD), rappelle qu’au début de sa carrière, il avait participé à la Cour des comptes à la ­rédaction d’un rapport sur le bilan de la reconversion industrielle de la Lorraine. Puis il mentionne que l’AFD vient de proposer à la Banque de développement sud-africaine un partenariat sur l’avenir économique du secteur minier. La mention de l’Afrique du Sud n’est pas inutile devant un public chinois, car le pays de Mandela fait partie des Brics, les grands pays émergents réunis autour de la Chine et de l’Inde.

Le Français propose donc de financer une étude sur la mine n°3 afin que sa reconversion serve de modèle de transition dans tout le pays. Si ça marche, dit-il, “on pourrait même envisager de financer ce projet avec la Banque mondiale et la Banque chinoise de développement, ce serait une première”. Mais lorsqu’il parle de la nécessité d’avoir accès aux informations, chiffres et données relatifs à ce chantier, on voit bien que les inspecteurs du Parti tiquent un peu.

Un peu plus tard, face à Hu Yuting, l’un des autres vice-­gouverneurs de la province, qui le reçoit à Taiyuan, siège de la préfecture, le chef de l’AFD flatte à nouveau son interlocuteur. Rémy Rioux, qui fut aussi l’un des négociateurs de la COP21, est bien placé pour savoir à quel point la Chine a été un élément moteur dans l’adoption des accords de Paris, et il le dit. Gage de confiance, il promet de transmettre aux autorités locales les résultats de l’étude française menée en Afrique du Sud. Le dignitaire chinois sait également de son côté que l’AFD a bien travaillé lorsqu’elle est parvenue à faire rénover le système de chauffage urbain de Taiyuan, il y a une dizaine d’années déjà. Le vice-gouverneur promet qu’il va promouvoir le projet de reconversion de la mine n° 3 auprès du chef du Parti communiste de la province et de son supérieur.

Des millions d’habitants impactés

C’est donc la politique des petits pas et une goutte d’eau dans l’océan car le chantier est tout de même colossal. Dans le Shanxi, plus de 3.000 petites mines ont déjà été fermées, des centaines d’autres sont tout simplement épuisées. La reconversion vers une économie non carbonée, rien que chez les mineurs, affectera des millions d’habitants. Sont-ils prêts à payer le prix, à changer de travail, à se former à une autre compétence, et à quelles conditions? Les autorités, on le devine, voient bien qu’on touche ici à davantage qu’un symbole du prodigieux développement chinois. Il s’agit de désamorcer à l’avance toute contestation possible, de maintenir une discipline et l’ordre public. Une autre version du “lien social” à la chinoise qu’il faut préserver.

Revenu à Pékin, Rémy Rioux explique à des journalistes chinois, dont les questions sont déjà toutes écrites, qu’il s’agit aussi pour la France de parier sur un “monde en commun” à construire avec la Chine. C’est d’ailleurs le thème du livre qu’il publiera la semaine prochaine. Mais c’est une expression ce jour-là qui était apparemment intraduisible en chinois pour le service d’interprétariat. Ce sont des choses qui arrivent.

Rémy Rioux, naïveté ou longueur d’avance ?

Reconduit le mois dernier à la tête de l’Agence française du développement (11,5 milliards d’euros d’engagements annuels) pour un nouveau mandat de trois ans, Rémy Rioux va pouvoir amplifier son plan d’orientation stratégique qui prévoit de mettre l’accent à l’international sur la lutte contre le changement climatique et les objectifs de développement durable. Lorsqu’on lui demande s’il n’est pas “naïf” de “coopérer” avec une Chine au pouvoir répressif et à la politique étrangère conquérante, le fils de l’historien Jean-Pierre Rioux passé par le cabinet de Pierre Moscovici et le Quai d’Orsay de Laurent Fabius répond : “Je ne suis que l’un des instruments du gouvernement français mais ce serait imprévoyant de refuser le dialogue avec un pays qui compte autant pour sauver les biens communs de l’humanité”, allusion très claire à l’urgence du défi écologique.

Source: lejdd

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