Basé à Bamako depuis 2012 après de bons et loyaux services de 14 ans en qualité d’Ambassadeur et 5 ans comme Secrétaire général adjoint des Nations-Unies, Cheick Sidi Diarra sort de sa réserve. Il se signale par la création du Mouvement Anw Bè Faso Do, une plateforme qui a une revendication spécifique: celle d’assumer notre part de responsabilité dans la recherche de solution à la crise, dans le processus de réconciliation nationale et la reconstruction du pays. Son crédo : amener les gouvernants à faire preuve d’inclusivité, à changer de direction stratégique du pays, et à changer de gouvernance. L’arme du combat n’est pas de créer le désordre par les manifestations de rues ou le dénigrement, mais la force de la vision et des arguments.
Rappel utile : Cheick Sidi Diarra est titulaire d’une maîtrise en droit public international et en relations internationales décrochée à l’Université Cheick Anta Diop de Dakar, au Sénégal. Durant dix ans, de 1993 à 2003, il fut Ambassadeur du Mali en Algérie, avant de poser ses valises aux Nations-Unies comme Représentant du Mali auprès de l’institution onusienne de 2003 à 2007. Le 6 juillet 2007, Cheick Sidi Diarra est nommé secrétaire général adjoint pour les pays les moins avancés (dont le Mali), les pays en développement sans littoral (dont le Mali)et les petits États insulaires en développement par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. En cette qualité, il a parcouru tous les pays ayant les mêmes problèmes de développement et même de sécurité que le Mali.
A la fin de sa mission aux Nations-Unies en 2012, il rentre au bercail et s’installe. Six ans durant, il observe la scène politique nationale. Notons que malgré son expérience et son carnet d’adresse très riche, il n’a jamais été sollicité par les autorités, même comme facilitateur, ou Haut représentant, ou même faire partie des missions de haut niveau. Mais, d’emblée, Cheick Sidi Diarra lève toute équivoque : l’avènement du Mouvement Anw Bè Faso Do va au-delà de sa propre personne, comme nous le verrons plus bas.
Pour l’initiateur du Mouvement, Anw Bè Faso Do est une Plateforme politique, qui a une revendication spécifique: celle d’assumer notre part de responsabilité dans la recherche de solution à la crise, dans le processus de réconciliation nationale et la reconstruction du pays.
« Ce n’est pas un parti politique, car il ne veut pas s’enfermer dans des carcans partisans pour défendre cette cause qui transcende les différences politiques et doit mobiliser toutes les forces vives de notre Nation, à savoir sauver notre pays. II ne s’affiliera pas à un parti politique, car se situant au dessus des contingences idéologiques; toutefois l’on peut militer au sein du parti de son choix et adhérer au Mouvement Anw Bè Faso Do », précise le fondateur du Mouvement.
Anw Be Faso Do, selon Cheick Sidi Diarra, est à cause de trois constats majeurs : la polarisation du pays, le manque de vision, et la mauvaise gouvernance. Sa raison d’être n’est donc ni plus, ni moins que d’aller à l’inclusivité, aux bons choix stratégiques et à la bonne gouvernance.
Le diplomate explique : « Ce mouvement est né d’une somme de frustrations du fait que des enfants de ce pays, par milliers, sont laisses à la marge à un moment où notre Nation traverse une des pires crises de son histoire, si ce n’est la pire. A un moment où elle a besoin de l’apport de tous ses enfants. En effet, le pays est assailli par les incertitudes concernant son intégrité et son avenir. Les solutions proposées se sont avérées inadaptées pour répondre aux défis de l’heure. En quatre ans et demi, le sort du Malien s’est détérioré. L’insécurité s’est installée au Nord et au Centre et dans plusieurs autres parties du pays. La ménagère n’a pas connu de pire moment. Le niveau de l’élève s’affaisse. Le diplôme est destiné au chômage sauf coup de pouce. On dit que l’économie du pays progresse. Quel en est l’impact? »
Pour l’Ambassadeur Diarra, les problèmes sont multiformes ; donc les solutions doivent être recherchées.
« Le pays est plus polarisé qu’il ne l’a jamais été. L’apaisement n’est pas dans notre vocabulaire. Tout est fait, sciemment ou non, pour exacerber les tensions en qualifiant les autres “d’aigris” quand ils ne sont pas simplement “petits”. Les dirigeants persistent et signent. Les mêmes politiques sont reconduites sans se soucier des cris de détresse. Les mêmes hommes se relaient dans un cercle d’affidés, malgré l’incurie. Est-ce dans l’intérêt de notre Nation?
Cette frustration, manifestée dans les “grins” de thé ou entre les cadres en privé, a provoqué un sentiment d’impuissance et de dépit vis-à-vis de la chose publique, de renonciation et d’abandon. Le résultat en est que le contrat social est brisé. Les dirigeants sont de leur côté et les populations sont de leur côté. Tous les programmes mirobolants engagés précipitamment au cours de la dernière année n’y feront rien. Le ressort a cédé. C’est là où le Mouvement Anw Be Faso Do intervient pour canaliser toutes ces frustrations en une énergie positive autour de la mission la plus noble de notre génération: Reprendre la main pour contribuer à sauver notre pays. C’est pourquoi le Mouvement a proposé au Peuple Malien ses Quatorze Propositions pour stabiliser le Mali a partir de 2018 », détaille Cheick Sidi Diarra.
Dans ce document, le Mouvement expose sa vision sur comment stabiliser le Mali.
Quels types de dirigeants pour le Mali alors? Pour l’Ambassadeur Diarra : « Nous avons besoin de dirigeants qui ont le sens de 1’Etat et de la mission plus que tout. De dirigeants qui écoutent les compatriotes même s’ils ne sont pas d’accord. De dirigeants qui ont l’empathie et la compassion vis-à-vis de leurs compatriotes et de tous les hôtes de ce pays. De dirigeants qui ont la diligence de bons pères de famille. De dirigeants qui ont une vision et ont l’humilité de reconnaitre qu’ils peuvent se tromper. De dirigeants qui consultent leur peuple, mais qui savent faire montre d’autorité quand il le faut. De dirigeants qui font appliquer les engagements pris. De dirigeants irréprochables dans leur attitude vis-à-vis de la chose publique. De dirigeants qui nous ouvrent les portes sur le reste du monde pour faire valoir notre richesse et notre diversité. De dirigeants qui sont animés de bon sens. De dirigeants qui sont pondérés dans leur réflexion et dans leur décision. De dirigeants qui nous donnent à tous le sens d’appartenir à ce grand pays de manière inclusive, d’être utiles et fiers, toutes choses rares aujourd’hui ».
Enfin, Cheick Sidi Diarra se dit convaincu que le Mali va se stabiliser, mais au prix de sacrifices que « nous devons tous consentir dans l’unité, le consensus et la transparence ».
Sékou Tamboura
Source: Infos Soir