Les « Djélis », maîtres de la parole et historiens du Mandé, ont pleinement animé la cérémonie sous l’accompagnement musical de Fanta Doumbia et sa troupe. Le maire de la commune de Narena, Daouda Nambala Keïta, ses homologues de Siby, Daouda Keïta, Niagadina, Dr Lansiné Traoré et le représentant de la commune de Bangoumana, Nouhoum Camara, y étaient présents. On notait également la présence de nombreux représentants de Chefs de village environnants et de fortes personnalités dont le Général Zoumana Kouyaté de Badougou Djoliba.
Après son intronisation dans son vestibule, selon les rites royaux d’usages du Mandé, le nouveau Chef de village, Yamoudou Keïta et ses Conseillers ont lentement marché, sous le rythmique des chansons royales du Mandé, pour se rendre à l’Ecole Fondamentale où les attendait une foule nombreuse. Sur place, le Chef Yamoudou fût installé sur la loge officielle. Les « Djélis » ont alors défilé, les uns pour faire l’éloge du nouveau Chef et de son prédécesseur, les autres pour rappeler, par la généalogie, les faits historiques de Karan mais aussi l’épopée mandingue sous le règne de Soundjata Keïta, le Premier Empereur du Mandé.
Le nouveau Chef de village a été solennellement présenté à sa population par El Hadji Bomoro Koman Keïta. Comme il est d’usage, c’est ce ressortissant d’Abaladougou Kéniéba (ce village est consanguin et fraternel de Karan ; Karan étant l’ainé, Kéniéba, le cadet) qui a eu l’honneur de faire cette présentation. Bomoro Koman n’a pas manqué de lui prodiguer de bons conseils et de lui rappeler la gravité de sa charge de Chef coutumier. Ensuite, ce fût le tour du Premier maire de Karan d’intervenir. Il a rappelé que ce sont les Konaté qui ont l’honneur de procéder rituellement à l’intronisation du Chef de village de Karan. Il a vivement demandé à Allah de permettre à ce que le règne du nouveau Chef de village soit couronné de succès. Il n’a pas manqué de lui recommander d’être juste et loyal comme son prédécesseur.
Djibril Naman Keita, l’actuel édile de la Commune urbaine de Karan a eu l’honneur d’avoir les mots de la fin. Tout en répétant le Premier maire, il a fait un bref aperçu sur l’historique de la succession des Chefs de village de Karan. Le maire a aussi vivement remercié les autorités coutumières, religieuses, administratives et sécuritaires, les invités et tous ceux qui ont fait le déplacement pour venir participer à la cérémonie.
Gaoussou Madani Traoré, Envoyé spécial à Karan
(Encadré) A propos de Karan et sa Chefferie !
Karan est actuellement une Commune urbaine composée de 64 campements. Elle est essentiellement habitée par des populations mandingues mais on y retrouve toutes les ethnies du Mali. Ses activités principales sont l’agriculture et l’orpaillage. Distante de moins de 100 km de Bamako, on peut rejoindre Karan par la route nationale qui passe par Siby, Narena, Kourémalé (frontière guinéenne). De même que celle passant Badougou Djoliba, Bangoumana, Kangaba, Dioulafoundo (frontière guinéenne).
Karan, à l’origine était occupée par des clans de patronymes Doumbia et Traoré. Des chasseurs du Clan des Keita sont venus s’installer auprès des premiers habitants. Par la suite, les trois patronymes : Doumbia, Traoré et Keita se nouèrent une alliance de mariage et ont convenu en toute intelligence de confier la Chefferie aux Keïta. Ainsi, selon la tradition du Mandé, la Chefferie de Karan est exercée par le plus âgé de la lignée des pères du Clan des Keita. De sa création au jour d’aujourd’hui, Karan est à son 37è Chef de village, Yamoudou Keïta.
A l’état civil, le nouveau Chef est né le 31 décembre 1940 à Karan. Il est cultivateur de profession et domicilié dans le campement de Djounkoula à Karan. Il appartient à la génération des « Bokarés). De nature calme et respectueuse, le nouveau patriarche est marié à deux femmes et père de 20 enfants. Du haut de ses 80 ans, le Chef Yamoudou succède à Noumoumorydjan Keïta, 36è Chef mort à l’âge de 115 ans, le 09 juin 2019. Ce dernier avait été intronisé le 17 juin 2002 après la mort de son prédécesseur Arafan Keïta, le 05 novembre 2001. « Il est communément reconnu que le Chef Arafan, était un Chef de village de comportement exemplaire qui a su reconnaître l’importance et la nécessité d’être un bon complice de l’autorité communale. Puisque, bien qu’analphabète, il a avait très tôt compris que le rôle du Conseil de village n’est autre actuellement que d’aider le Conseil municipal à développer la collectivité dans le respect des textes législatifs. Il avait ainsi privilégié la concertation et la voix majoritaire avant toute prise de décision », révèle le maire de la commune urbaine de Karan.