Le Mali, à l’instar des autres pays du Sahel, a une économie basée sur l’Agriculture. Ainsi l’embellie habituelle de plus de 5% de taux de croissance économique dans la zone UEMOA demeure sérieusement et constamment menacée par le dérèglement climatique. Cette menace persistante pousse les bras valides à tenter de plus en plus l’immigration.
Si nous considérons la logique de la tendance, la production agricole va baisser à cause de la perte de main d’œuvre et d’un certain désintérêt vis-à-vis de l’agriculture. Et la déforestation va s’accentuer à cause d’une demande de plus en plus forte en bois d’énergie. Aussi, des facteurs comme l’insécurité alimentaire, la baisse de la pluviométrie et la déforestation sont inéluctablement très ficelées. Moins d’arbres il y a, moins il pleut, et plus de populations seront vulnérables à la famine.
Au Mali, on considère que la forêt couvre encore 32 millions d’hectares repartis entre parc nationaux et réserves fauniques. Mais, il est à noter que l’agriculture et les besoins énergétiques (bois de chauffe) sont les principales causes de la déforestation. Ainsi, le bois de chauffe et le charbon occupent (81%) de la part totale de consommation énergétique du pays, le reste provenant de produits pétroliers (16%) et l’électricité (3%). Cette tendance n’est pas prête à fléchir vu que la demande est en constante augmentation (+1,6% par an pour le bois de feu et + 4,1% pour le charbon de bois). Aussi, 90% des besoins énergétiques des ménages proviendraient des combustibles ligneux (bois et charbon de bois) : Source Plan d’Actions Technologiques (PAT).
Face à cette problématique, quelques solutions ont notamment été soulevées dans le Plan d’Action Technologiques dont le reboisement et en filigrane la Régénération Naturelle Assistée (RNA). Pourtant, depuis un certain temps, la RNA comme solution captive et même fascine les paysans et certaines ONG, particulièrement celles évoluant dans le sahel.
Qu’est ce que la RNA et en quoi consiste-t-elle ?
Dr. Oumar Senou, Délégué du Programme Ressources Forestières, explique d’abord le contexte. Le Mali, selon lui, est sérieusement confronté à un grave processus de dégradation de l’environnement et des ressources naturelles aussi bien que les écosystèmes qui les abritent. Ainsi, la faiblesse de la couverture végétale est une des principales contraintes des parcs dans les zones arides exondées. Pour cela, la question de la gestion durable du couvert végétal des champs se pose plutôt en termes de Régénération Naturelle Assistée (RNA) pour renforcer l’existant car, le parc arboré constitué par le producteur lui-même est insuffisamment pourvu d’arbres et d’arbustes. Ceci est d’autant plus urgent dans le contexte du changement climatique en vue de renverser la tendance de la désertification et de la pauvreté en milieu rural. En raison du rôle socio-économique que jouent les arbres dans le sahel et compte tenu des obstacles (déficit pluviométrique, divagation des animaux…..), empêchant la réussite des plantations, il s’avère donc nécessaire de promouvoir la RNA.
Pour Dr. Oumar Senou, la RNA est une pratique qui permet d’enrichir les parcs agroforestiers en termes de diversité mais aussi d’augmenter le nombre de pieds d’espèces ligneuses. Elle s’effectue soit par ensemencement des champs avec des espèces choisies ou par l’entretien de la régénération naturelle. Par ailleurs, certaines dispositions concourent à favoriser la régénération naturelle. Ainsi le labour à sec (avant la saison des pluies) et le labour de fin de cycle sont importants. Le séjour des animaux dans les champs aussi car, leurs déjections contiennent des graines prétraitées dans leur appareil digestif dont le taux de germination est très élevé. La dissémination des semences par l’action du vent et des oiseaux est un facteur positif aussi. Mais surtout il faut épargner les jeunes pousses lors des labours.
Quels sont les avantages de la RNA ?
Selon Dr. Oumar Senou, la RNA a des avantages environnementaux, socio-économiques, et même culturels. Tout d’abord, elle permet de reconstituer le couvert végétal en luttant contre la déforestation. Ce faisant, elle augmente la fertilité du sol et contribue à la hausse de la productivité agricole. Elle lutte contre la famine et la pauvreté par la mise à disposition de produits forestiers ligneux (bois de service et bois de feu) et non ligneux (fruits, biomasse médicinale, fourrage, gomme, huile, etc.). Ainsi la RNA accroît véritablement les revenus des paysans. Elle aide aussi à la préservation de sites sacrés et de certaines coutumes.
Dr. Oumar Senou relève qu’à l’IER, dans le cadre des activités du projet jachère, la superficie totale ayant été enrichie par la RNA par 6 paysans collaborateurs dans le cercle de Bankass pendant une campagne s’élevait à 15,62 ha. Les paysans de la commune rurale de Tori ont enrichi 9,6 ha soit en moyenne 3,2 ha par paysan et ceux de Diallassagou 6,02 ha soit 2,0 ha par paysan (Yossi et al. 2005). Dr. Oumar Senou ajoute qu’en 2011, dans les cercles de Bla, San, Yorosso etTominian, le Programme Ressources Forestières a installé des parcelles vitrine de RNA dans les exploitations agricoles paysannes. Toutefois certaines ONG sont aussi très impliquées dans les cercles de Bandiagara, Bankass et Koro, où les paysans pratiquent actuellement la RNA intensive. Mais, il convient de noter que malgré les avantages de la RNA, son adoption par les paysans demeure faible sur l’ensemble du Sahel.
D’après un rapport, les forêts perdent environ 4,7 % de leurs surfaces au détriment des superficies cultivées par an. Cela est dû au fait que les cultivateurs abandonnent leurs champs dont les sols ont été appauvris pour de nouvelles terres. Pendant leur implantation, ils défrichent et coupent tous les arbres qui peuvent créer de l’ombre à leurs plantes agricoles. Or, la déforestation amplifie les effets du dérèglement climatique. Ainsi pour un pays comme la Mali où les rendements agricoles sont tributaires des aléas climatiques, la RNA peut être la solution. Au-delà de son faible coût opérationnel, elle permet de lutter contre la dégradation des terres. Elle permet aussi d’accroitre, la sécurité alimentaire et les revenus des paysans, d’augmenter durablement la productivité agricole, de renforcer la résilience des systèmes de production au changement climatique et de réduire les gaz à effet de serre.
Souleymane SIDIBÉ
Chroniqueur,Bloggeur :
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