Le rôle et les missions de la Ccim doivent être redéfinis pour lui permettre de jouer son rôle de médiateur entre l’Etat et le secteur privé
Le monde des affaires doit renforcer ses capacités pour relever les défis. Les entreprises seront alors le vecteur performant du développement socio-économique dans tous les domaines d’activité. Les observateurs et experts économiques nationaux et internationaux sont unanimes. La Ccim doit être reformée pour jouer son rôle fondamental de médiateur entre le secteur public et le secteur privé, entre les investisseurs et les entreprises, entre le formel et l’informel.
Le Mali sort d’une crise sans précédent marquée par une récession économique qui avait entraîné l’effondrement du secteur privé, principale source de création et d’accumulation de richesse. Aujourd’hui grâce aux soutiens constants des partenaires techniques et financiers, notre économie reprend de la vigueur. Les efforts de restauration de l’appareil de production et de relance des activités économiques sont entamés. Les experts estiment que cette relance économique reprendra progressivement. Mais elle ne sera pas totale sans l’implication d’un secteur privé fort et dynamique.
Malheureusement, la Chambre de Commerce et d’Industrie, structure technique, par nature médiatrice entre les secteurs public et privé, dont le rôle est primordial dans la promotion de ce secteur privée, peine à donner une image de dynamisme et de créativité.
Et cela depuis des décennies. La Ccim a été énormément affaiblie par les guerres intestines qui entachent chaque élection consulaire. La structure faîtière est très convoitée à cause des privilèges qu’elle confère à ses animateurs. Peu à peu, la Ccim s’est détournée de sa vocation professionnelle. Aujourd’hui , l’état de dégradation institutionnelle de la Chambre est telle que beaucoup doutent de son utilité.
Un tremplin. Les prétendants à la direction de l’institution considèrent la chambre comme un tremplin pour accéder à la notoriété publique. Elle est perçue comme une passerelle commode pour se retrouver dans le sillage du pouvoir d’Etat. La Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali est un Etablissement public à caractère professionnel, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière.
Elle a une mission d’organisation et de représentation professionnelle des personnes physiques et morales exerçant dans les différentes branches d’activités commerciales, industrielles et les services. Elle propose au gouvernement toutes les mesures, les avis et informations favorisant le développement des activités des maliens dans les domaines du commerce, des industries et des services.
Cette mission fondamentale de la Ccim a longtemps été occultée à cause de la capacité d’analyse limitée et du manque de vision politique des dirigeants. Depuis sa création en 1906, l’institution consulaire a connu plusieurs changements quant à ses missions, son organisation et ses ressources. Les défis actuels imposent des transformations. Mais elles tardent à venir. Ce handicap empêche la CCIM de remplir sa mission première, la promotion du secteur privé. A ce jour, la Ccim ne possède aucune base de données fiables sur les entreprises maliennes. L’institution n’a jamais été en mesure de fournir à ses ressortissants les informations dont ils ont besoin sur les opportunités d’affaires au Mali et à l’étranger. D’où cette nécessité criarde de refonder l’institution.
Le président du Collège transitoire de la Ccim, Mamadou Tiéni Konaté reconnaît la nécessité de reformer la Ccim. « Le rôle et les missions de la Ccim doivent être redéfinis. La chambre est une structure d’assistance technique au secteur privé. Elle n’est pas un instrument politique ou de propagande ni même un instrument folklorique ou un syndicat. Aujourd’hui, notre secteur privé doit faire face aux multiples défis de la mondialisation. La chambre doit être mieux outillée pour fournir au monde des affaires les informations techniques sans lesquels les affaires ne pourront marcher ni prospérer.
Dans le cadre de la refondation de ses missions et à l’instar de la modernisation qui s’opère dans toutes les chambres de commerce à travers le monde, la Ccim a vocation à être un outil d’appui-conseil aux entreprises pour leur développement. En même temps qu’elle les organise et les représente en qualité d’interface entre l’Etat et le secteur privé. Cette redéfinition stratégique des missions intègre l’évolution du contexte national, sous-régional et international des affaires sans cesse en mouvement. Ce travail nécessite une fourniture de services appropriés et toujours innovants, afin d’assurer un environnement viable pour l’entreprise », explique le patron de la Ccim.
Mamadou Tiéni Konaté assure que « pendant cette période transitoire, nous avons travaillé à donner une nouvelle assise à notre institution. Nous y travaillons avec le département du commerce. Ces reformes doivent permettre à notre institution de s’adapter au rythme du monde, à la rapidité et au flux des informations économiques qui y circulent à une vitesse phénoménale.
La chambre doit être dotée d’expertise technique nécessaire pour lui permettre d’accompagner le développement des activités commerciales, industrielles et de services, bref la relance de notre économie de façon durable. Il est temps pour notre institution de rompre avec les pratiques archaïques dont les négociations injustifiées entre les services fiscaux et les opérateurs dans les paiements des droits et taxes à travers les trafics d’influence et la corruption ».
Le conseil transitoire a entamé le travail de refondation de Ccim six mois seulement après sa mise en place. Après la réorganisation administrative interne, le service comptable de la Ccim connaît une restructuration technique pour s’adapter aux outils modernes de comptabilité informatisée. Sur le plan infrastructure, la Chambre a entamé la construction de représentations régionales à Koulikoro, Sikasso et Kayes. La reforme concerne également le centre de formation de la Ccim. Il s’adaptera aux besoins de ressources humaines des entreprises en refondant ses filières de formations.
Toilettage des textes. Un fichier consulaire fiable dans 4 mois. La dotation de la Ccim d’un fichier consulaire informatisé est une innovation majeure dans notre pays. En réalité, l’institution n’a jamais réussi à élaborer un fichier clair et fiable de ses ressortissants. Conséquence : absence de données sur les entreprises aux Mali, leurs secteurs activités économiques, des acteurs économiques et des élections consulaires très contestés et avec tous les conséquences que ceux-ci engendrent. La réalisation d’un fichier consulaire constitue une mission fondamentale du vaste champ de réformes initiées par le collège transitoire depuis son installation. « Le fichier consulaire est la base fondamentale de la chambre.
Il permet de connaître la composition de la famille du secteur privé et le domaine d’activité de ses membres. Malheureuse-ment, de sa création à ce jour, la Ccim n’a jamais possédé cet outil fondamental qui constitue un répertoire de toutes les entreprises individuelles et de personnes morales qui adhèrent à la chambre.
Le fichier identifie les adhérents, connaît les domaines d’activité, les localisations géographiques, les tailles des entreprises, les besoins. Bref toutes les informations permettant à la chambre de les accompagner ». Le président Konaté insiste sur le rôle fondamental du fichier dans les élections consulaires.
« Quand on sait que le fichier actuel a été maintes fois contesté lors des élections passées, il était nécessaire que ce chantier soit ouvert et cela dans les meilleurs délais. Pour mener à bien ce travail, nous avons fait appel à l’expertise de la chambre de commerce et d’industrie sœur du Burkina Faso.
Elle est aujourd’hui une référence mondiale dans ce domaine. Ainsi, juste après la signature d’une convention d’assistance technique avec la chambre de commerce du Burkina Faso en début novembre. Le travail est en cours. Dans 4 mois, notre institution sera dotée de base de données fiables et disponibles sur son site web », développera t-il
Selon Mamadou Tiéni Konaté, à partir de ce nouveau ficher d’autres réformes seront mener notamment l’identification des besoins sectoriels des différentes corporations membres de la Ccim et la fourniture d’informations économiques sur les différents secteurs d’activités économiques du pays aussi bien aux investisseurs étrangers qu’aux ressortissants de la Ccim à travers le site web de la chambre en construction.
« La Chambre, dont j’assume la présidence pour cette période transitoire, doit s’adapter au rythme du monde, à la rapidité et au flux des informations économiques. Elle doit apporter une assistance technique aux entreprises en vue de faciliter l’accomplissement par elles de différentes formalités et promouvoir leurs activités économiques », confie le président. Il est convaincu que ces objectifs seront atteints. Il est très confiant.
Le grand chantier des reformes nécessite un toilettage des textes régissant la chambre et l’organisation institutionnelle et administrative. Cependant, l’institution manque de cadres hautement qualifiés pour apporter des analyses techniques pointues sur la promotion des différents secteurs.
La Ccim depuis une décennie s’est illustrée par une absence de profils de leaders visionnaires et compétents, comme feu Abderrahmane Baba Touré « Dahrat ». Aujourd’hui le niveau des représentants des entreprises et du secteur privé est faible pour animer les forums et les grands débats au Mali ou à l’étranger. Les stratégies pensées par le nouveau gouvernement mettent en évidence, la nécessaire réfondation de la Ccim.
La réussite de ces réformes est tributaire du degré de maturité, d’expertise de l’institution et de la capacité des acteurs qui l’animent à tirer le__s leçons des crises antérieures. La crédibilité se construit et se mérite. Elle ne s’octroie pas. En effet, si elle est octroyée par l’État ou par des sympathisants, elle n’est ni réelle, ni convaincante.
Il revient à la Ccim de cesser de reproduire les anciennes pratiques et les comportements parfois ostentatoires et improductifs de ses responsables. Elle a hérité, en bien des endroits, de la lourdeur bureaucratique et d’une hiérarchisation poussée à l’extrême et paralysante. Il est urgent de mettre à niveau la Ccim. Elle peut parfaitement jouer le rôle d’interface de proximité avec les entreprises.
D. DJIRE