Le centre du Mali est devenu l’hypercentre des violences, s’alarment la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et l’association malienne des droits de l’homme (AMDH) dans un rapport publié mardi 20 novembre.
Trois dynamiques se conjuguent pour détruire la cohésion sociale dans les régions de Mpoti et Segou.
Bien sûr, on le sait. Le Mali est en train de se désintégrer de l’intérieur et cela, en dépit de l’intervention française de 2013, de la présence de 15 000 Casques bleus (14 000 militaires et policiers, 1 100 civils) et des millions de dollars déversés par la communauté internationale.
Mais, on a du mal à y croire. À la lecture du rapport de la Fédération internationale des ligues des droits (FIDH) et de l’association malienne des droits de l’homme (AMDH), impossible de se voiler la face. Le Mali court à l’abîme. Si le nord du pays (Kidal, Gao et Tombouctou) est toujours instable et l’autorité de l’État, une fiction à laquelle personne ne croit sérieusement, c’est désormais le centre qui se fracture à une vitesse saisissante.
Le centre, hypercentre des violences
« L’escalade des violences au centre du Mali est en passe de devenir hors contrôle », alerte l’un des auteurs du rapport, Maître Moctar Mariko, avocat président de l’AMDH. 40 % des attaques djihadistes cible, désormais, les régions de Mopti et de Ségou.
Ces deux dernières années, 1 200 civils ont été tués dans le centre, une cinquantaine de villages brûlés, au moins 30 000 personnes ont fui la région. « Évoquées comme une hypothèse probable en avril 2018 par le SimonSkjodt Center for the prevention of genocide158, les atrocités de masse sont désormais une réalité : des villages entiers sont ravagés par les milices armées ; leurs habitants sont tués pour leur seule appartenance communautaire ; des hommes sont arrêtés et exécutés, sur la base de dénonciations ou simplement parce qu’ils sont issus de la communauté peule. », conclue le rapport.
Trois dynamiques sont en place qui, conjuguées, dissolvent la société civile dans une guerre de tous contre tous.
La dynamique djihadiste
La pression djihadiste n’est plus périphérique et ne se concentre plus dans le nord du Mali. Elle s’est installée, durablement, dans le cœur du Mali, isolant de plus en plus, le centre et, par ricochet, accentuant le décrochage entre le Nord et Bamako.
Cette dynamique est illustrée par la katiba Macina dirigée par le prédicateur Amadou Koufa, et membre de la nébuleuse djihadiste Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) regroupée depuis mars 2017 au sein du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM) d’Iyad Al Ghaly. Cette katiba a pris possession de « vastes espaces ruraux, essentiellement dans la zone inondée du Delta intérieur », des « dizaines de villages vivent aujourd’hui sous leur joug », signale le rapport.
La dynamique des milices
Face à l’absence de l’État, de nombreuses milices se sont constituées depuis trois ans, souvent sur une base communautaire (Peuls, Bambaras, Dogons), et parfois dans le cadre de la confrérie des chasseurs traditionnels (Donzos). Parmi ces groupes, celui des Dogon fondé en décembre 2016, « Dan Na Amba Sagou103 » : constituée de chasseurs donzos, cette milice s’attaque principalement aux Peuls au nom de la lutte contre le djihadisme.
En réaction, ces derniers se sont regroupés au sein de l’Alliance pour le salut du Sahel (ASS), début 2018.
Ces milices ont des soutiens à Bamako, voire au sein du gouvernement et de l’armée comme en témoigne le rôle de supplétifs endossé par les Donzons auprès de l’armée malienne (Fama). Ces milices « se sont rendues coupables de nombreux massacres ces derniers mois, essentiellement dans les cercles de Djenné et de Koro. »
La dynamique des forces de sécurité
Le retour de l’armée dans les régions de Ségou et Mopti, en janvier 2018, et la multiplication des opérations anti-terroristes ont été marqués par des exactions. À partir du mois de février, le rapport note que les Fama ont commis de nombreuses exécutions sommaires.
L’enquête de la FIDH et de l’AMDH « a permis de documenter et de recueillir des informations fiables sur au moins six tueries perpétrées entre février et juillet 2018 à Sokolo, Dioura, Finadje, Nelbal, Dogo, Boulikessi et Nantaka et au cours desquelles 67 personnes majoritairement peules ont exécuté sommairement. »