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Centrafrique: l’archevêque et l’imam donnent l’exemple

A deux, ils personnifient la cohabitation pacifique entre chrétiens et musulmans qui fut toujours de mise en Centrafrique. Depuis un an, Mgr Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, et l’imam Oumar Kobine Layama, président de la Communauté islamique centrafricaine, luttent ensemble pour la rétablir, comme on construit à mains nues un barrage contre le fleuve qui sort de son lit.

 

l archeveque et l'imam de Bangui, centrafrique

“Le pays a certes connu des conflits internes, mais sur une base ethnique ou régionale. C’est l’ex-président François Bozizé qui a créé la tension religieuse en affirmant, lors de la formation de la coalition d’opposition des Seleka fin 2012, que c’étaient des ‘jihadistes’ et qu’il fallait former des milices pour s’en défendre“, explique l’archevêque d’une voix grave et calme.

Dès cette époque, il s’entend avec l’imam Kobine et l’Eglise protestante pour prêcher la paix ensemble aux communautés. “La rumeur disait alors que les Seleka attaquaient les chrétiens. Nous avons été à l’intérieur (en province) et nous nous sommes aperçus que ce n’était pas vrai : les Seleka s’en prenaient à tout le monde, aux musulmans aussi. L’amalgame venait du fait que les Seleka avaient, parmi eux, de nombreux mercenaires tchadiens et soudanais, qui ne parlaient pas les langues du pays mais l’arabe et qui se sont appuyés sur les musulmans arabophones de Centrafrique. Qui étaient rackettés quand même ! Souvent, cependant, l’imam et le prêtre local ne partageant pas leur malheur, ils ne se rendaient pas compte des malentendus”, poursuit le prélat.

Depuis les années 90

Quant aux milices chrétiennes “anti-balaka”, elles existent depuis les années 90, pour lutter contre les bandits (“coupeurs de route”) qui se sont multipliés en brousse à la faveur du désintérêt de Bangui. Voire avant cela, quand les paysans cherchaient à défendre leurs champs des destructions dues au bétail des éleveurs tchadiens en transhumance.

Arrivés au pouvoir, les Seleka ont ouvert les prisons et recruté d’anciens commerçants. Le racket s’est répandu, la population pleurait et ne cherchait plus qu’à se défendre. Beaucoup de jeunes se sont alors engagés dans les milices anti-balaka et ont attaqué des musulmans innocents. Ils étaient parfois instrumentalisés par d’anciens militaires de Bozizé à la recherche de chair à canon prête à combattre la Seleka pour eux”, dit encore Mgr Nzapalainga.

L’imam Kobine approuve : les autorités, depuis l’indépendance, “ont failli à leur devoir, semant la division, la corruption, le tribalisme – que nous payons aujourd’hui. Il faut profiter de ce moment de prise de conscience pour en finir avec les erreurs du passé.”

L’imam loge chez l’archevêque depuis le massacre de musulmans du 5 décembre à Bangui. “Cela nous a beaucoup rapprochés et cela sert d’exemple.” Et les deux hommes de citer des cas où chrétiens et musulmans se sont aidés, face aux exactions religieuses – à St-Pierre Bouali, à St-Joseph Mobayi, à Bangassou, à Bambari. “Nous voulons répandre cette manière d’agir, qui nous donne une plus grande autorité morale”, précise l’archevêque.

Et de raconter que le président de facto Djotodia, qui a dû démissionner il y a deux semaines sur pression régionale, “avait envoyé des messagers à Bambari pour y inciter les gens à manifester contre l’intervention armée de la France, en affirmant que de telles manifestations avaient eu lieu à Bangui – ce qui n’était pas vrai. Quand, à deux, nous avons vu l’imam et le prêtre, nous les avons détrompés. C’était une manipulation par laquelle les seigneurs de la guerre voulaient repousser l’intervention française pour continuer à faire ce qu’ils veulent dans le pays.”

Une province du Tchad ?

L’imam Kobine, attentif, approuve. Partage-t-il l’avis de nombreux musulmans centrafricains qui voient un protecteur dans le contingent tchadien de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (Misca) ? “Nous avons nos réserves en raison des réalités sur le terrain”, répond-il. “Il y a chez les Seleka de nombreux mercenaires tchadiens, avec lesquels nous voyons que les officiers tchadiens de la Misca ont des connivences. Si l’on envoie le contingent tchadien de la Misca vers le nord-est, comme il a été annoncé (après des accusations de soutien à des Seleka arrêtés), ne vont-ils pas répandre là-bas l’esprit de division ? Nos frontières seront-elles respectées ?”

Faut-il comprendre que les deux hommes redoutent une prise de contrôle de leur pays par le Tchad ?“Oui !”, répond l’archevêque. “On ne veut pas devenir une région du Tchad !”

Et les deux hommes de rappeler que le général Bozizé avait été amené au pouvoir, en 2003, par l’armée tchadienne. “Beaucoup de Tchadiens ne sont jamais rentrés chez eux”, sans compter que “leur président se débarrasse chez nous de certains de ses rebelles. Après, nous les voyons fraterniser avec les officiers du contingent tchadien de la Misca…”, souligne l’imam. “Vous le voyez : c’est une situation très complexe.”

source : lalibre

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