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Campagne 2021 : Sauver le soldat Coton

Après un accroissement assez régulier sur les sept dernières campagnes, la production cotonnière vient d’enregistrer une baisse drastique, passant de 680 151 (2019 / 2020) à 147 000 tonnes en 2020 / 2021. Principal facteur de cette chute : le refus des producteurs de cultiver du coton, à cause d’un prix abaissé de 75 FCFA inacceptable. Pour rapprocher les points de vue et trouver une issue favorable aux problématiques du secteur, les acteurs se réunissent autour des Assises du coton, lancées le 18 janvier 2021. Une occasion d’envisager les pistes de relance de la filière et surtout des solutions durables pour un secteur vital pour la vie socioéconomique du Mali.

 

Avec un apport estimé à 15% du PIB, le secteur du coton représente la deuxième source de recettes d’exportation du Mali après l’or. Source de revenus monétaires pour les producteurs et facteur essentiel de sécurité alimentaire dans les zones de production, il soutient différentes activités, dont les industries textiles et de trituration de la graine de coton, ainsi que les banques ou les transporteurs, entre autres. Autant dire que le secteur est au centre de l’économie et de la vie de millions de Maliens. C’est pourquoi les crises qui le frappent ne sont pas anodines et appellent des réactions adaptées.

Absence d’anticipation

Troisième du genre entre 2000 et 2020, la crise actuelle « découle de l’avènement de la pandémie de Covid-19 », selon les termes de référence des Assises nationales  sur le coton. Cette pandémie a eu un impact sur le cours de la fibre, passé de 1 013 FCFA/kg à 772 FCFA/kg entre mi-février et fin mars. Une situation qui a eu une « répercussion directe sur la détermination en avril 2020 du prix d’achat du coton au titre de la campagne 2020 / 2021 ».

C’est le 30 avril 2020 que le prix du coton a été fixé à 200 FCFA le kilogramme et celui de l’engrais  à 18 000 FCFA le sac. Annonce qui a fait l’effet d’une véritable douche froide chez les producteurs. Le gouvernement s’est empressé d’annoncer un bonus de 15 FCFA/kg, en supprimant  la subvention de 10 milliards de FCFA prévue pour les intrants.

Ce prix de 215 FCFA et l’engrais non subventionné ont suscité le mécontentement général des producteurs qui se sont regroupés et ont exprimé leur désir de boycott, « ne pouvant pas cultiver de coton dans ces conditions », explique Seydou Coulibaly, Président de la Coopérative des producteurs de coton de Sougoula, village situé à 17 km de Ouéléssébougou, Vice-président de l’Union Nièta, regroupant les coopératives du secteur et Délégué à l’approvisionnement du Bureau national de la Confédération des  sociétés coopératives des producteurs de coton (C – SCPC).

C’est donc une véritable course contre la montre qui s’est engagée à partir de ce mois d’avril. Les paysans souhaitaient le maintien des prix de la campagne passée, c’est-à-dire l’engrais à 12 000 FCFA et le kilo de coton à 275 FCFA. Ils ont à cet effet envoyé une lettre en demandant que sa réponse arrive avant le 20 mai, pour ne pas être pris de court par la campagne de production, qui doit se préparer. Une réponse attendue jusqu’en juin, où une relance a été envoyée pour une réponse avant le 10 juin. Peine perdue. Ce n’est que lorsque les autorités ont constaté que les semences n’étaient pas enlevées qu’elles ont proposé 240 FCFA, pour finalement  arriver à 250 FCFA avec de l’engrais non subventionné. Les producteurs ont exigé la subvention pour l’engrais. Le gouvernement n’a cédé qu’au mois de juillet, trop tard pour beaucoup.

« Au-delà du 10 juillet, cultiver le coton ne sert à rien. C’est au début des négociations qu’il fallait agir », regrette Coulibaly. Les raisons de cette campagne catastrophique sont donc à chercher dans « la négligence des autorités », selon lui. « Nous n’avons pas été entendus au moment opportun. Nous voulions atteindre au moins 240 000 tonnes, mais nous n’avons eu que 147 000 tonnes. Même lors du premier boycott nous n’avions pas atteint un tel chiffre ». Depuis toujours dans le secteur du coton et après 30 ans d’activité syndicale, « c’est la première fois que je vois cela ».

Pourtant, d’autres pays de l’Association des producteurs de coton africains (APROCA) s’en sont bien sortis. « Aucun n’a demandé une diminution de la production, pourtant ils connaissent aussi la maladie. Certains ont même augmenté leur prix aux producteurs ou ont obtenu l’engrais à un prix plus bas ».

Mesures urgentes

Pour circonscrire rapidement les effets de cette crise et ses dommages collatéraux, les autorités ont décidé d’organiser les Assises nationales du coton. Une initiative destinée à « contribuer à la relance de la culture cotonnière, en vue de la rendre compétitive, rentable, stable et durable ». Un objectif ambitieux, qu’il faut  rapidement mettre en œuvre pour la campagne 2021 / 2022. Même si les délais pour s’y préparer et y prendre part ont été courts, les producteurs espèrent que ces assises permettront de « mieux organiser les producteurs » et surtout d’écouter « les acteurs à la base », pour « agir à temps », indique le délégué à l’approvisionnement de la C-SCPC.

Améliorer la gouvernance

Pour protéger durablement la filière coton, les techniciens insistent sur un certain nombre de défis. Le premier est l’amélioration du rendement, selon le Dr Fagaye Sissoko, Chef du programme coton à l’Institut d’économie rurale (IER) de Sikasso. Tant que le rendement moyen n’atteindra pas 1,3 tonne, il sera difficile d’obtenir  un prix satisfaisant pour les parties. Mais cela ne peut se faire « sans le respect des itinéraires techniques », insiste-t-il. Pointant du doigt « le comportement humain », il rappelle que même avec de bonnes semences ou intrants, lorsque les consignes de l’encadrement ne sont pas suivies, les résultats ne sont pas à la hauteur.

Le prix d’achat du coton graine, dont la fixation doit intervenir très tôt, grâce un échange entre « partenaires » et « les problèmes d’organisation des leaders paysans » sont aussi d’importants challenges. Auxquels s’ajoute l’amélioration du financement de la recherche, pour laquelle « certes, la CMDT fait beaucoup », mais où d’autres acteurs doivent intervenir.

Les effets de cette année particulière, qui « se feront sentir chez tous les acteurs », sont à redouter, selon le Dr Sissoko. Car l’insuffisance en fertilisants sur les parcelles dont les sols sont déjà appauvris constitue un problème supplémentaire. Le manque d’argent dans la zone cotonnière provoque déjà « l’exode des jeunes qui devaient faire la fumure organique » et crée une rupture au niveau de  la chaîne. La faible emblavure dans la culture du maïs est aussi un manque à gagner et menace l’autosuffisance alimentaire. L’aviculture, qui souffre, le transport et le petit commerce sont autant de domaines qui seront aussi marqués par cette campagne, caractérisée aussi par un retard dans l’installation des pluies par endroits et une mauvaise répartition de ces pluies dans le temps et l’espace, entraînant des perturbations dans les cultures.

Très attendues par l’Association des jeunes pour la valorisation du coton (AJVC), les assises seront l’occasion d’une « discussion franche entre les acteurs de la filière », espère M. Abdel Rahamane Sy, Président de l’AJVC. Faire le bilan de la campagne, évaluer les manquements et surtout éviter de répéter ce qui s’est passé, en arrêtant « la spéculation autour des prix ». Il s’agit aussi « d’ouvrir le débat entre les organisations syndicales, pour unir les producteurs de coton », afin de stabiliser « le pays, qui dépend de la filière ».

Si l’on ne peut compter pour le moment sur la transformation locale, peu encouragée par nos décideurs, il faut œuvrer à « proposer un prix au producteur qui lui permette de subvenir à ses besoins », suggère-t-il.

Fatoumata Maguiraga

Source : Journal du Mali

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