L’Union européenne (UE) compte donner ce montant au Cameroun. La nouvelle est tombée lundi le 19 octobre 2015 à l’issue de la première session ordinaire annuelle du dialogue politique structuré entre le Cameroun et l’Union européenne.
La question sécuritaire au Cameroun a été au centre de la première session annuelle du dialogue politique entre le Cameroun et l’Union européenne. La rencontre s’est tenue lundi le 19 octobre à Yaoundé. Elle a permis d’échanger sur la menace Boko Haram. Les deux parties ont salué l’augmentation de l’allocation totale de la Facilité Paix pour l’Afrique qui passe de 750 à 900 millions d’euros pour la période 2014-2016. Cette hausse, a-on-appris, va permettre, entre autres, de soutenir la Force multinationale Mixte à hauteur de 50 millions d’euros (soit 32 milliards de F Cfa). Ces fonds destinés à la Force Multinationale Mixte chargée de combattre Boko Haram, ont été décidés de commun accord par l’ensemble des Etats de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) en janvier dernier dans la capitale politique du Cameroun. D’après Françoise Collet, Ambassadeur, chef de la délégation de l’Union européenne au Cameroun, ces fonds seront disponibles avant la fin de cette année.
Conformément à l’article 8 de l’accord de Cotonou de 2000 régissant les relations entre l’UE et les pays Afrique-Caraïbes et Pacifique (ACP), l’Union Européenne a pris l’engagement de venir en aide au Cameroun, engagé depuis plus d’un an dans la guerre contre la secte islamique Boko Haram. Un Soutien de l’UE qui intervient au moment où mardi le 20 octobre dernier, de violents affrontements ont opposé l’armée camerounaise et des combattants présumés ladite secte au lieu-dit Souéram dans l’Extrême-Nord du pays, selon des sources militaires. Il se rapporte que des unités du groupe terroriste ont mené une incursion dans cette bande du territoire camerounais située non loin d’une position des forces de défense et de sécurité, lesquelles ont aussitôt réagi par des tirs d’artillerie pour contrer la progression de l’ennemi, précisent ces sources faisant état de “violents combats” entre les deux camps. Le soutien de l’Union européenne aux hommes en tenue qui se battent au front arrive à point nommé.
RÉACTIONS
Camille Nelle, Journaliste : « L’UE a des intérêts en Afrique…Il ne s’agit pas de la philanthropie »
Il s’agit d’une aide que l’Union européenne apporte au Cameroun. Ce n’est pas un prêt. On a bien parlé d’une aide dans la lutte contre Boko Haram. Il faut comprendre que l’UE est un ensemble de pays européens qui ont des intérêts en Afrique. Voilà pourquoi dans le cadre de la lutte contre Boko Haram, l’Union européenne se mobilise. Il n’y a pas que le Cameroun, il y a aussi le Tchad, le Nigéria, le Niger…L’argent qui est débloqué vise à ramener et assurer la sécurité dans ces pays en Afrique. Maintenant, s’agissant de Boko Haram, il s’agit là d’un problème qui va non seulement contre les intérêts de l’Afrique mais aussi des pays européens. On peut penser qu’il s’agit de la philanthropie via cette aide de l’UE, que non ! Il ne s’agit pas de la philanthropie dans la mesure où le Fcfa qui est adossé à l’euro par le biais de la France rapporte non seulement de l’argent à la France mais aussi à l’Union Européenne. Il faut tenir compte des investissements de tous les pays de l’UE qui ont des intérêts en Afrique. S’il y a la guerre au Cameroun, au Tchad ou ailleurs en Afrique, il y aura beaucoup de conséquences car le pétrole, l’uranium et beaucoup d’autres richesses vont être compromis. Il faut savoir que l’Union européenne en donnant de la main droite, récupère quelque chose de la main gauche. Un autre facteur est que la Force Multinationale est composée des soldats africains et européens qui se battent contre Boko Haram.
Alex Gustave Azebaze, Conseiller au Redhac : « Les relations interétatiques qui fondent la coopération internationale sont assises sur des partenariats stratégiques entre Etats »
Au-delà des idéologies, le Cameroun est lié, depuis son indépendance formelle, à l’Europe – comme du reste les pays dits ACP (Afrique, Caraibes et Pacifique) dont la plupart sont d’anciennes colonies ou territoires administrés par différents pays d’Europe – par différents accords devenus un partenariat historique. Le dernier est l’accord de partenariat économique entre l’UE et les ACP (APE UE-ACP), en cours de négociation depuis 2008/2009. Manifestement, étant le seul des pays concernés par la crise sécuritaire installée par les attaques terroristes attribuées à la nébuleuse Boko Haram, à avoir déjà signé et ratifié un APE dit d’étape, je comprends parfaitement notre pays soit celui par lequel l’Union Européenne convoite son appui financier destiné à la force multinationale africaine. D’un point de vue des bons principes de gouvernance publique, c’aurait été compliqué pour les exécutifs européens d’expliquer à leurs opinions notamment au parlement européen à Strasbourg, la base de cet engagement financier avec un groupe de pays, qui, avec le Nigeria en tête, rechigne depuis un peu plus de 5 ans, à signer ces APE perçus par leurs opinions comme une menace pour le tissu industriel local.
L’appui européen intervient pratiquement au même moment que celui des Etats-Unis d’Amérique, dont le Président Obama vient de confirmer le plus officiellement auprès du Congrès, l’instance nationale de contrôle de toute action du gouvernement américain ayant des implications financières et ou budgétaires – et qui semble avoir surpris pas mal de monde au sein de l’opinion camerounaise, arrive au lendemain de la 70ème Assemblée générale des Nations-Unies. Certes, il n’y a pas d’explication officielle à cette accélération de l’engagement de l’UE et des USA, deux partenaires occidentaux du Cameroun, qui, contrairement à leurs pairs chinois et russes, sont réputés très regardants sur les questions de bonne gouvernance, y compris sécuritaire. Mais une analyse froide des acteurs et de notre système ne manque de suggérer un lien même ténu sur ces évolutions, qui ne me surprennent pas. Elles ouvrent en tout état de cause une période de vigilance sur la qualité de gestion des opérations sécuritaires où les droits de l’homme ne seront pas passés par pertes et profits. D’où notre intérêt national à mettre davantage nos forces à niveau pour éviter des rapports comme ceux récents d’Amnesty international. Lesquels vont se multiplier avec le déploiement sur le territoire national de « marines américains »
Source : © La Nouvelle Expression