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Cameroun – Islam : la bataille des imams contre Boko Haram

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les autorités, administratives et religieuses, sont inquiètes.

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Du coup, ils tentent de mieux contrôler les prêches et les enseignements dispensés dans les mosquées et les nombreuses écoles coraniques de la région. Mieux, ils lancent des tracts sur lesquels il est inscrit “Non à Boko Haram”.

Un travail de sensibilisation des populations

A Kourgui, à une vingtaines de kilomètres de la frontière entre le Cameroun et le Nigéria, l’imam Malloum Baba, assis sur une moto, discute avec des villageois. Originaire de l’Extrême-Nord, il fait régulièrement le voyage depuis Yaoundé où se trouve sa mosquée. “Nous sensibilisons la population dans nos mosquées à travers les prêches du vendredi. Nous les exhortons à essayer de comprendre l’islam vrai et à ne pas tomber dans le piège de ces terroristes”, explique-t-il. “Boko Haram prétend prêcher l’islam alors qu’ils ne connaissent rien de l’islam. Le problème ici, c’est l’ignorance. Les gens n’interprètent pas forcément bien notre message”, ajoute-t-il.

Problème : les frustrations sont trop grandes

Dans cette région frontalière, le taux de pauvreté atteint un niveau record : 65%. Conséquence : les jeunes, peu ou pas instruits, n’ont souvent d’autre choix que de cultiver un lopin de terre qui leur rapporte de maigres ressources. “Les gens sont coincés par le système parce qu’il ne sont pas allés à l’école et ne peuvent accéder à l’emploi. C’est toute cette masse là à laquelle il faut aujourd’hui prêter attention”, explique un banquier appartenant à l’élite intellectuelle musulmane dans le Nord mais aussi lamido, c’est à dire chef traditionnel.

Combien rejoignent Boko Haram ?

Cité par l’AFP, les sources sécuritaires locales parlent de “centaines de jeunes” qui auraient rejoint depuis plusieurs mois, les rangs de Boko Haram. “Rien qu’à Kolofata, ville camerounaise frontalière du Nigeria, environ 450 jeunes ont été recrutés en deux mois”, avait affirmé le vice-Premier ministre Ahmadou Ali, juste avant l’attaque de son domicile et l’enlèvement de son épouse (libérée depuis) en août. Il y a deux mois, Amadou Bachirou, un jeune commerçant de Maroua, la capitale de l’Extrême-Nord, a vu partir son ami d’enfance, à 25 ans. “Il était très pauvre et il a entendu que Boko Haram donne beaucoup d’argent. Il m’a dit “si tu veux on part ensemble”. Moi je ne peux pas. Mais je sais qu’il envoie l’argent à sa famille”, raconte-t-il. Un témoignage d’autant plus crédible que des sources proches des services de renseignements indiquent que Boko Haram propose jusqu’à 500.000 Francs CFA (environ 760 euros) de “prime de recrutement” et un “salaire” mensuel de 100.000 FCFA. Une fortune pour des jeunes souvent sans ressources ou dont les revenus habituels dépassent rarement les 40.000 FCFA.

Un islam tolérant payé au prix fort

En première ligne dans cette “guerre” de communication, les dignitaires musulmans sont confrontés à un dilemme dans les localités frontalières les plus vulnérables et où Boko Haram multiplient les attaques sanglantes depuis des mois. “Au départ nous avons encouragé les imams à dénoncer directement Boko Haram dans leurs prêches, mais beaucoup de prédicateurs et d’enseignants se sont faits égorger, donc il a fallu revenir à un message plus général sur la paix et la tolérance pour ne pas les exposer”, explique une haute autorité religieuse de Maroua. “Ici, tout le monde est touché par Boko haram”, rappelle un imam. “Nous ne connaissons pas l’idéologie de ce mouvement. Mais il ne faut pas confondre ces barbares avec notre islam tolérant. Malheureusement, beaucoup de gens tombent dans des explications simplistes qui voudraient que l’école coranique soit une porte d’entrée vers Boko Haram”, déplore-t-il.

“Islam de convivialité”, dit le gouvernement

Le porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary, parle même d’un “islam de convivialité”. “L’islam au Cameroun est cet islam où les imams vont dans des églises pour des prières oecuméniques, c’est ça l’islam au Cameroun. C’est notre modèle sociétal et pour rien au monde nous sommes prêts à l’abandonner”, dit-il. Et le message semble passer. Ces derniers mois ont vu se développer des “comités de vigilance” un peu partout dans les villages afin d’éviter d’éventuelles infiltrations de Boko Haram. “Souvent les villageois ne sont pas armés. Ils font surtout du renseignement. S’ils repèrent des comportements suspects, ils nous préviennent”, explique un officier camerounais. Et de poursuivre : “Il y a quelques cas où des gars de Boko Haram se sont pris des coups de machette!”. Une manière de rassurer et de se rassurer. Mais ici, tout le monde sait pour contrer Boko Haram, il faudra beaucoup plus que des coups de machette.

Source: afrique.lepoint.fr
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