Alors que la capitale burkinabè, Ouagadougou, a été le théâtre de violences jeudi, l’armée a annoncé la dissolution du gouvernement et de l’Asemblée et instauré un couvre feu. De son côté, le président contesté Blaise Compaoré s’accroche au pouvoir. Que peut-il se passer dans les prochaines heures?
Les jours de Blaise Compaoré à la tête du Burkina Faso sont-ils comptés? Vendredi, Ouagadougou, la capitale du pays, est toujours le théâtre de violences et d’émeutes, alors que la veille devait être voté un projet de révision constitutionnelle portant de deux à trois le nombre maximum de quinquennats présidentiels. Blaise Compaoré, arrivé aux affaires il y a 27 ans, a déjà fait deux septennats, de 1992 à 2005, et deux quinquennats, de 2005 à 2015.
Les militaires sont-ils aux côtés de Blaise Compaoré ou roulent-ils pour eux-mêmes?
“Blaise Compaoré est un militaire, et il avait une garde extrêmement proche de lui. Ceci étant, il y a beaucoup de symptômes qui montrent que l’armée, ou au moins un certain nombre de ses responsables, se sont plutôt mis du côté des manifestants. Dans la mesure où ils n’ont pas voulu tirer sur la foule et ont permis que le Parlement soit incendié, que la télévision soit occupée et également incendiée, il semblerait qu’il y ait eu un accord entre la rue et l’armée, ou que l’armée n’ait pas voulu aller jusqu’au soutien du président Compaoré. Je pense qu’il y a eu un accord entre une partie des dirigeants de l’opposition et l’armée, qui elle-même est divisée”.
Blaise Compaoré est-il hors jeu?
“Compaoré est un fin politique mais c’est quand même quelqu’un qui est là depuis 27 ans. On sait très bien que les jeunes ne veulent plus de gérontocrates et de présidents à vie. Blaise Compaoré a fait une erreur en voulant faire passer son texte de révision constitutionnelle. Il a échoué. Je pense qu’il a peu de chances de rester au pouvoir. Il y a déjà eu, en 2011, des mutineries de l’armée et des oppositions au pouvoir. La société civile burkinabè est organisée, a une tradition politique et de vraies règles démocratiques. Il n’y a pas d’ethnicité ni de phénomène religieux qui domine les partis politiques. Aussi, je pense que l’armée se montrera plutôt républicaine, en signant, par exemple, un accord avec l’opposition. Et Blaise Compaoré sera alors obligé de partir.”
Quel peut-être le rôle de la France et des Occidentaux dans le règlement de cette crise?
“Il est évident que la France, ou les Etats-Unis, ne doivent pas intervenir, et ne doivent pas soutenir les parties. C’est un problème de Burkinabè. Mais on ne peut effectivement pas oublier que le Burkina Faso est stratégique, qu’une partie du dispositif Barkhane de l’armée française se trouve actuellement à Ouagadougou, que des militaires américains s’y trouvent aussi, que les Français et les Américains sont des alliés du pays, et que Blaise Compaoré a toujours été un médiateur stratégique dans plusieurs crises africaines, notamment les crises ivoirienne et malienne. La France comme les Etats-Unis ne peuvent donc pas se désintéresser de la situation, et ne peuvent en aucun cas permettre un chaos. Je pense qu’il y aura une très grande réserve, et que la solution sera celle d’un gouvernement transitoire sur fond d’accord avec l’armée.”
Blaise Compaoré est arrivé au pouvoir par un coup d’Etat. Place aujourd’hui à la démocratie?
“Si l’armée s’engage, elle est crédible. Au Burkina Faso, il n’y aura pas un maintien au pouvoir de militaires. C’est d’ailleurs sûrement la solution la moins souhaitée par l’armée, je ne pense pas qu’elle tienne à faire un coup d’Etat. Elle veut avant tout la stabilité et la sécurité du pays, d’autant plus que le Burkina Faso se trouve géographiquement dans une zone très instable.”