L’ESSENTIEL – Face à la colère de la population, le président Blaise Compaoré a annoncé la dissolution du gouvernement et décrété l’état de siège dans le pays.
LES TROIS INFORMATIONS
• Blaise Compaoré a dissous le gouvernement et décrété l’état de siège.
• Manifestations, affrontements, pillages, le peuple a pris possession de bâtiments publics. Un mort à Ougadougou, des heurts à Bobo Dioulasso, la deuxième ville du pays.
• En voulant modifier la Constitution pour se représenter, Blaise Compaoré a déclenché la contestation.
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L’ESSENTIEL
Compaoré dissout le gouvernement. Pour la première fois, il cède. Le président Blaise Compaoré a annoncé jeudi la dissolution du gouvernement et l’ouverture de négociations avec l’opposition. Il a également décrété l’état de siège dans le pays. Le chef de l’Etat a ajouté qu’il allait ouvrir des négociations avec l’opposition et a appelé cette dernière à mettre fin aux manifestations. “L’état de siège est déclaré sur l’ensemble du territoire national. Le chef des forces armées est chargé de mettre en oeuvre cette décision qui entre en vigueur aujourd’hui”, affirme le communiqué. Une annonce qui n’a pas apaisé la colère des manifestants et n’a pas adouci les leaders politiques de l’opposition. Zéphirin Biabré, l’un de ses meneurs, conteste l’état d’urgence et réclame la démission du président.
• Le film de la révolte
Trois jours de manifestations. Après une journée d’accalmie à Ouagadougou, des protestataires ont pris d’assaut l’Assemblée nationale avant de saccager les lieux ce jeudi. Depuis le début de la semaine, le pays est secoué par une vague de protestation sans précédent dirigée contre le président Blaise Compaoré. Mardi, plusieurs centaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues pour protester contre le pouvoir sans partage du président Compaoré sur le pays.
Démonstration de force du peuple. A Ouagadougou, ils sont plus d’un millier à avoir forcé un barrage de police jeudi. Les manifestants se sont introduits dans l’Assemblée nationale qui a été mise à sac. Les forces de l’ordre se sont retirées des lieux après avoir vainement tenter de repousser les opposants. Plus d’une dizaine de voitures garées dans la cour et à l’extérieur du bâtiment ont été brûlées, du matériel informatique pillé et des documents brûlés. Chaque bureau a été méthodiquement visité.
Finalement, l’Assemblée nationale a été incendiée. Un député de l’opposition, présent au parlement au moment de l’arrivée des manifestants, a déclaré que tous les parlementaires avaient été exfiltrés, sans plus de précisions.
Quelques minutes après, c’est la télévision publique qui a été prise d’assaut. Elle a cessé d’émettre dans la matinée. Du matériel a été endommagé mais les studios n’ont pas été dégradés. Contacté par Europe 1, Ladji Bama, journaliste politique burkinabè, décrit des scènes de guerre civile. “Dans la rue c’est un champ de ruines, toutes les grandes institutions ont été brûlées. Des jeunes qui transportent des tables, des matelas, c’est la désolation. Tout le monde en a gros sur le coeur, depuis longtemps la population grogne. Blaise Compaoré a fait la sourde oreille, voilà ce qui arrive”, explique-t-il au téléphone.Le journaliste politique sent “la fin du règne du président arrivée”. Les gens étaient fatigués de cette justice qui laissait les gens agir en toute impunité”, conclut-il.
Après s’en être pris à l’Assemblée nationale, les manifestants se sont dirigés vers les bâtiments de la présidence. Selon Reuters, des coups de feu ont été entendus à proximité du palais présidentiel. Les maisons des caciques du parti de Blaise Compaoré et du gouvernement ont été incendiées, un hôtel de luxe pillé, le frère du président, François, arrêté. Dans la cohue qui semble régner à Ouagadougou, une personne a trouvé la mort, a constaté un journaliste de l’AFP. A Bobo Dioulasso, la deuxième ville du Burkina Faso, la mairie et le siège du parti présidentiel ont été incendiés par des manifestants hostiles au régime.
Le rôle prépondérant de l’armée. Le général en retraite Kouamé Lougué, à qui des dizaines de milliers de manifestants ont demandé jeudi à Ouagadougou de prendre le pouvoir, a rencontré dans l’après-midi l’état-major des armées, qui devrait s’exprimer très prochainement. Les militaires burkinabés ont d’abord combattu la révolte, tirant à balles réelles sur la foule. Mais Bénéwendé Sankara, un des leaders de l’opposition, assure que l’armée s’est “soudée avec le peuple”.
Très apprécié des troupes et de la population, Kouamé Lougué, ancien chef d’état-major et ministre de la Défense jusqu’à son limogeage en 2003, s’est imposé au coeur du jeu.Il a ainsi rencontré le Mogho Naba, le “roi” des Mossi, une autorité coutumière très respectée dans le pays. Le chef de l’Etat appartient à cette ethnie, la plus importante du Burkina.
• Les raisons de la colère
Des révisions constitutionnelles à répétition. A l’origine de cette contestation sans précédent dans le pays, un amendement voulu par le gouvernement burkinabé, pour permettre à Blaise Compaoré de se représenter. Le président au pouvoir depuis 1987 a voulu modifier la constitution pour entamer un cinquième mandat après les élections de 2015. Il avait déjà changé les textes fondateurs de la république brukinabè quatre fois depuis 1991. Les députés devaient voter ce projet de loi jeudi, quand les manifestants se sont rués dans le bâtiment.
Les manifestants dans une des salles d’assemblée du Parlement. © Reuters
Selon le site d’informations Burkina 24, le gouvernement a décidé de retirer le projet de loi controversé. “Le gouvernement informe l’ensemble des populations de l’annulation de l’examen du projet de loi portant révision de la Constitution”, indique un communiqué, qui “appelle les populations au calme et à la retenue”. Un porte-parole a simplement indiqué à l’AFP que le gouvernement “annule le vote” de la loi, sans plus de précisions.
• Les réactions internationales
L’ONU réagit. Paris appelle “toutes les parties à la retenue” et Washington se dit “très inquiet”. L’ambassadeur de France à Ouagadougou a d’ailleurs rencontré les chefs de l’opposition pour trouver une solution pour une sortie de crise, affirme France 24. Mais c’est surtout l’ONU qui a réagi au tumulte qui agite le pays. Le secrétaire général Ban Ki-moon va envoyer jeudi un émissaire au Burkina Faso. pour tenter de mettre fin aux violences. A Paris, une manifestation de la diaspora burkinabè s’est également tenue, demandant à Blaise Compaoré, mais aussi à d’autres chefs d’Etats africains installés depuis longtemps au pouvoir, de “dégager”.
Source: europe1