Après la composition du gouvernement, le compte à rebours est commencé pour l’équipe transitoire qui a du pain sur la planche. Certes les défis sont énormes vu la durée de la transition, mais il y a des priorités qu’il faut gérer. Le point de vue du sociologue et l’analyste politique Bréma Ely Dicko. Entretien.
Mali-Tribune : Le Gouvernement Ouane comprend une équipe de 25 ministres. Quelles sont vos impressions? Quels sont les défis à relever ?
Bréma Ely Dicko : Concernant le gouvernement, moi je me réjouis d’abord qu’il ait enfin un gouvernement parce que depuis le 11 juin 2020, les Maliens étaient en attente d’un gouvernement. Boubou Cissé à son temps avait eu un mini cabinet, mais ce n’était pas un gouvernement donc dans un pays en crise c’est important d’avoir des ministres sinon ça paralyse l’économie. Mais le nombre de 25 ministre n’était pas forcément nécessaire parce que 25 ça été proposé lors du Dialogue national inclusif (Dni) et nous sommes dans un contexte de transition avec une économie qui est plombée. On aurait dû peut-être réduire cela à 15 ministres par exemple. Le gouvernement ne respecte pas la loi 052 de 2015 relative au 30 % de quota accordé au genre. Là où on a 25 ministres, on n’a que quatre femmes. On aurait dû avoir au moins 30 % des femmes. Il y a ensuite les militaires qui se sont arrogé des postes les plus importants, ils sont surreprésentés au gouvernement, mais on a l’entrée de quelques technocrates qui occupent quelques postes important.
En soi en terme de défis c’est d’abord une meilleure coordination de l’action gouvernementale. L’autre défi c’est avoir les ressources nécessaires pour pouvoir conduire les actions.
Mali-Tribune : Quels sont les défis et attentes des Maliens?
B E. D. : Il y a énormément des défis pour le gouvernement Ouane. Le premier défi c’est le défi sécuritaire. Vous savez 80 % du territoire qui sont occupés par les groupes terroristes et narcotrafiquants avec beaucoup de milices d’auto-défense qui sont formées çà et là. Le second défi important c’est la lutte contre l’impunité parce que la corruption est devenue pratiquement culturelle au Mali, le troisième défi c’est la question de l’école, le quatrième défi c’est arriver à réviser la constitution, créer assez d’organes qui vont organiser les élections, sortir de cette multitude de structures qui s’occupent de ces élections et à organiser des élections crédibles et transparentes.
S’agissant des attentes, les Maliens aujourd’hui aspirent à un changement de gouvernance. Ils souhaitent que la lutte contre l’impunité soit une réalité, qu’on ait la refonte du système éducatif, qu’on ait un seul organe qui s’occupe des élections et qui puisse organiser des élections libres et transparentes et puis lutter contre la dégradation de la situation sécuritaire.
Mali-Tribune : La junte est fortement représentée dans ce gouvernement et dans des postes très sensibles comme la Défense, la Sécurité, l’Administration territoriale et la Réconciliation nationale. Pourquoi la junte a opté pour ces portefeuilles stratégiques mais aussi régaliens ?
B. E. D. : S’agissant de la surreprésentation de la junte dans le gouvernement, quelque part c’est de bonne guerre. Si la transition ne réussit pas, se serait l’échec de la junte donc ils ont la responsable de la réussite et c’est pour ça qu’ils se sont arrogés des postes importants notamment la Défense, la Sécurité, l’Administration territoriale et la Renonciation nationale.
Mais c’est vrai qu’au niveau de la renonciation, on aurait pu mettre un civil parce que certains militaires sont cités dans des exactions à Nantaga, Boulkessi et à Sokolo. Mais ça dépend aussi de la volonté de celui qui est là-bas. S’il est ouvert et qu’il écoute les gens, il pourra aussi relever le défi. Comme on le dit “a charité bien ordonnée commence par soi-même”, donc les militaires veulent aussi éventuellement s’assurer que la transition puisse leurs être bien bénéfique tant soit peu et qu’ils puissent avoir les moyens qu’il faut pour remettre en place un système de défense et de sécurité adéquat.
Mali-Tribune : Pourquoi le M5 n’est pas rentré dans le gouvernement?
B E. D. : Le M5 n’est pas rentré dans le gouvernement, le problème c’est que le M5 est un mouvement hétéroclite composé des religieux, partis politiques et de la société civile. Ils n’ont pas forcément les mêmes agendas. Il y a ceux qui sont dans la conquête du pouvoir, mais il y a ceux qui aspirent à un changement. La jeunesse du M5 notamment préférait être quand même plus jouir et plus mis en avant et souhaitait que les anciens puissent rester dans l’ombre. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé, on a vu des tiraillements internes et c’est ce qui a affaibli le M5.
Il y a deux personnes du M5 dans le gouvernement même s’ils sont partis à leurs propres noms. Le ministre de la Communication et celui de l’Emploi et de la Formation professionnelle. C’est dommage parce que si le M5 était davantage soudé, s’il s’était accordé sur une feuille de route et sur la nécessité des personnes devant figurer dans le gouvernement, dans le CNT et même au niveau du choix du Premier ministre, on n’en serait peut-être pas là.
Propos recueillis par
Ousmane M. Traoré
(Stagiaire)
Source: Mali Tribune