Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

Boycott actif des examens de fin d’année: le revers de la désobéissance civile

Débutée en retard à cause de la crise sanitaire liée au Coronavirus, l’année scolaire 2020-2020 connaît actuellement une perturbation consécutive au bras de fer entre les enseignants et les autorités de la transition. Ce, suite à la décision d’harmoniser la grille salariale de tous les fonctionnaires. Une décision considérée par les enseignants comme une remise en cause des acquis de l’article 39. Après des négociations avec la partie gouvernementale soldées par des échecs, la Synergie des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre a déclenché, hier lundi, une grève sur désobéissance civile qui coïncide avec le démarrage des épreuves du BT1 et BT2. Ainsi, déterminés à boycotter les examens de fin d’année, les enseignants se sont rendus dans plusieurs centres d’examen pour empêcher le déroulement des épreuves. A certains endroits à Bamako et à l’intérieur du pays, ils ont été dispersés à coup de gaz lacrymogène.

 

Plus de 38 000 candidats à l’assaut du sésame
Le coup d’envoi des épreuves a été donné par madame la ministre de l’Éducation nationale, SIDIBE Dédeou Ousmane, au lycée privé Carnot sis à Banankabougou en commune VI du district de Bamako. Pour cette session 2021, ils sont au total 38 984 candidats répartis entre 1 666 salles pour 116 centres à travers le territoire national. Avant d’ouvrir la 1re enveloppe contenant les sujets, elle a prodigué des conseils aux candidats et aux surveillants par rapport à la fraude et la tricherie.
«Vous êtes l’avenir de ce pays et vous devrez travailler pour être des citoyens bien formés, la nation compte sur vous » s’est-elle adressée aux candidats.
Si le coup d’envoi des épreuves a été donné dans le calme dans un centre fortement sécurisé par les forces de l’ordre, la même accalmie ne régnait pas dans beaucoup de centres d’examen à Bamako tout comme à l’intérieur du pays.

Appel au boycott lancé par la synergie
Dans une lettre circulaire, signée le 7 août, la synergie des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 accuse les autorités de ne pas vouloir appliquer l’article 39 qui est une loi de la République ; de ne pas respecter le statut des enseignants. Aussi, la synergie s’insurge contre les intimidations et les menaces à l’égard des enseignants et la violation de l’espace scolaire par les forces de l’ordre dans certaines localités du pays.
Face à ces situations et dans le cadre de la désobéissance civile conformément à l’article 121 de la Constitution, la synergie a appelé à la mobilisation générale et totale de tous les enseignants pour la fermeture jusqu’à nouvel ordre de toutes les structures de l’éducation à compter du lundi 9 août.
Une action qui se traduit par le déplacement en masse des enseignants vers les structures pour demander au chef leur fermeture. Elle recommande également la non-provocation des forces de l’ordre ; le suivi au quotidien des structures fermées…

Altercations entre enseignants et forces de l’ordre
Conformément au mot d’ordre de boycott des examens de fin d’année lancé par la synergie des syndicats de l’Éducation signataires du 15 octobre 2016, des enseignants ont pris d’assaut des centres d’examen, hier matin. L’objectif était d’empêcher le déroulement des épreuves. Dans certains centres, la situation a viré à l’affrontement avec les forces de l’ordre.
Au Lycée Fily Dabo SISSOKO de Djélibougou, en commune I du district de Bamako, beaucoup d’enseignants du public se sont présentés, non pas pour surveiller, mais pour empêcher le déroulement des épreuves. Sur les affiches que tenaient certains d’entre eux, on pouvait lire les messages suivants : ‘’L’article 39 ou rien’’ ; ‘’L’école n’est pas un dépotoir’’ ; ‘’Non à la remise en cause des acquis syndicaux’’ ; ‘’Non à la banalisation de la fonction enseignante’’…
Un enseignant se présentant comme Sékou COULIBALY a expliqué que l’objectif de cette mobilisation est de montrer à l’opinion nationale et internationale qu’il y a désaccord entre la synergie des syndicats de l’éducation et le gouvernement par rapport à l’application de l’article 39. Selon lui, les enseignants ont décidé de boycotter les examens de manière pacifique.
« Nous nous sommes d’abord adressés aux forces de sécurité de manière respectueuse pour expliquer le but de notre mission. L’objectif est de faire sortir les élèves. Il n’y aura pas d’examen. Il faut que les enseignants soient respectés. L’on ne peut pas construire le Mali Koura sans les élèves et les enseignants. Aucun pays ne peut se développer sans la valorisation des enseignants », a expliqué M. COULIBALY, avant d’appeler son collègue à la non-violence conformément à l’appel de la synergie.
« C’est une lutte d’idées et non de force. Choguel Kokalla MAIGA et la présente ministre de l’Éducation nationale étaient dans nos rangs pendant la saison 1 de cette lutte. Ce qu’ils ont dit hier et ce qu’ils pratiquent aujourd’hui sont différents. Au Mali, les citoyens ne sont pas égaux devant la loi. Nous voulons juste le respect de l’article 39 », a déclaré le jeune enseignant.
À Sikasso, apprend-on, la situation a dégénéré tournant à un affrontement entre les forces de l’ordre et les enseignants. Les enseignants ont été gazés par les forces de l’ordre. Pendant toute la matinée d’hier lundi, l’atmosphère était très tendue dans la capitale du Kénédougou. La situation a mal tourné quand des enseignants ont décidé de faire sortir les candidats des salles d’examen.
Selon une source contactée à l’académie de Sikasso par nos soins, il y a eu des affrontements entre les Policiers et les enseignants et entre enseignants. Une situation qui a fortement déconcentré les candidats, nous a-t-il rapporté. Selon notre source, la situation très tendue à Sikasso s’explique par le fait que les enseignants et le Directeur de l’Académie d’enseignement se regardent en chiens de faïence.
En plus des affrontements, les centres d’examen de Sikasso étaient confrontés à des problèmes de surveillants. Selon la même source, des mécaniciens, des commerçants ont été sollicités pour combler l’insuffisance de surveillants.
À Koutiala également, nous a-t-on fait savoir, les enseignants se sont présentés à la porte du lycée public qui abritait un centre d’examen. L’objectif était d’appliquer la décision de désobéissance civile. Selon nos sources, il n’y a pas eu d’incident et les enseignants ont remis un document contenant leurs doléances au chef du centre.
À l’Académie d’enseignement de Kati, des enseignants ont tenté de fermer les lieux. Après des négociations avec les forces de l’ordre qui étaient à la porte, une délégation est rentrée pour échanger avec les responsables de l’Académie.
Très en colère, un syndicaliste a déclaré :
« La loi s’applique elle ne se négocie pas. Les élèves doivent examiner avec leurs enseignants. C’est une loi votée par l’Assemblée et promulguée par le Président de la République et pourquoi les autorités actuelles veulent interrompre son application ? Nous allons faire ce combat jusqu’au bout ».
La liste des localités où il y a eu des altercations entre les enseignants et les forces de l’ordre est loin d’être exhaustive. Les échauffourées de cette première journée des examens de BT1 et BT2 ont été soldées par la blessure de plusieurs enseignants et des arrestations dans leurs rangs.

Qu’est-ce que la désobéissance civile
La désobéissance civile n’est pas un terme étranger aux Maliens. Elle a été utilisée par le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques dans son combat contre le régime IBK. Les syndicats d’enseignants qui étaient aux côtés du M5 dans cette lutte ont décidé de s’approprier cette stratégie. Le paradoxe est que cette désobéissance civile est mise en œuvre pour protester contre les autorités de la transition qui étaient leurs compagnons de lutte dans un passé récent.
Dans son idée originale, la désobéissance civile est une forme de résistance passive qui consiste à refuser d’obéir aux lois ou aux jugements d’ordre civil. Elle a pour objectif d’attirer l’attention de l’opinion publique sur le caractère inique ou injuste d’une loi avec l’espoir d’obtenir son abrogation ou son amendement. On juge raisonnable de désobéir aux lois lorsque celles-ci vont à l’encontre de l’intérêt de tous. Il s’agit donc de bien distinguer l’intérêt particulier de l’intérêt commun, afin d’agir pour le bien de tous, et non pas pour son propre bien qui s’accorde rarement avec celui des autres.
La désobéissance civile a cependant des limites dont la première tient à la faiblesse de mouvements qui n’ont généralement pas de relais de pouvoir et se décident hors (voire contre) les organisations politiques établies.
Le premier mouvement contemporain de la désobéissance civile connu est celui initié par l’avocat indien Mohandas Karamchand Gandhi.

PAR MODIBO KONÉ

Source : Info-Matin

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance