Accompagné de quatre ministres, le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maiga a effectué, vendredi et ce samedi, une visite à Tombouctou. Après la prière de vendredi à la mosquée Djingayerber, il a présidé à l’Institut Ahmed Baba une conférence des cadres venus des régions de Taoudéni et de Tombouctou. Il leur a annoncé le renforcement des moyens des Forces Armées et de Sécurité, du corps préfectoral et des services de santé, ainsi que la création d’un corps de garde-frontières.
Auparavant, Maiga avait visité plusieurs localités des régions de Kidal, de Gao et de Mopti. C’est un fait : le Premier ministre semble tenir l’Etat bien en main. Certains croient savoir que contrairement à 2012 où Cheick Modibo Diarra gouvernait sous la férule de la junte militaire, Maiga est devenu un vrai « Premier ministre de pleins pouvoirs ».
Des pleins pouvoirs que le chef de l’Etat, soucieux de tranquillité, lui aurait donnés pour qu’il gère les innombrables problèmes qui assaillent le pays.
Ces allégations ne manquent guère de pertinence quand on sait que Maiga est en train de boucler 12 mois de primature sans qu’on songe à son départ. De surcroît, aucun ministre n’ose contester son autorité, ce qui ne s’est jamais produit depuis 2013.
Il faut dire que le Premier ministre est un vieux gestionnaire de crises. Directeur de la Sécurité d’Etat (services secrets) sous le mandat d’Alpha Oumar Konaré, il a affronté un grand nombre de crises créées par des acteurs extrêmement puissants :l’ADEMA, ce parti au pouvoir auquel Konaré refusait la primature et qui était résolu à l’arracher de force ; l’Association des élèves et étudiants qui, après avoir fait chuter le parti unique UDPM, était utilisée par des adversaires politiques pour renverser le président Konaré ; le COPPO, ce conglomérat d’opposants décidés, en 1997, à faire chuter le régime de Konaré accusé de fraudes électorales.
On ne devrait donc pas s’étonner qu’en venant à la primature, Maiga ait adopté une stratégie de maintien d’ordre susceptible d’enrayer les mouvements de rue engagés par l’opposition.
Une stratégie qui paraît porter des fruits et qui incite le régime de gagner l’opposition à l’usure en refusant tout dialogue, synonyme de partage du pouvoir. Sa stature de gestionnaire de crises, Maïga l’a renforcée en mettant fin à la grève des magistrats sans débourser un sou vaillant. Mais le Premier ministre ne s’arrête pas en si bon chemin.
Son parti (l’ASMA) est subitement devenu le refuge de tous les nomades politiques de la saison 2018.
De 4 députés à l’avènement de Maiga à la primature, l’ASMA affiche aujourd’hui 21 députés et ne connaît plus le nombre des conseillers communaux qui ont migré vers elle. La plupart des nouveaux-venus ont quitté le RPM, parti au pouvoir, dont le président, Bocari Tréta, ne veut plus voir le Premier ministre en peinture.
Le report des législatives, vainement combattu par Tréta, ne fera qu’amplifier le mouvement de migrations vers l’ASMA et renforce les chances de cette formation de conquérir la majorité des sièges dans le futur parlement. Le comble, c’est que nul n’a entendu le chef de l’Etat se plaindre de la montée en puissance de l’ASMA aux dépens du RPM.
Toutes choses qui laissent penser que Soumeylou Boubèye Maiga est le véritable gagnant de la crise postélectorale. Faut-il en déduire qu’il est le dauphin secret d’IBK et qu’il a d’ores et déjà distancé ses potentiels rivaux dans la succession du président ?
En tout état de cause, il devrait se méfier de deux périls : le front social qui ne cesse de bouillonner et le dossier du nord qui constitue une bombe à fragmentation.
Le Combat
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