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Bla : brouilles entre le préfet et la population au sujet d’une centrale solaire, une dizaine de personnes arrêtées

Un projet de centrale solaire de la société Phanes Group de Dubaï prévu sur 200 hectares provoque un soulèvement. Les occupants du site repéré suggèrent sa délocalisation dans un endroit improductif. N’ayant pas été écoutés, une dizaine d’entre eux, opposés au projet, sont déjà emprisonnées suite à une plainte du préfet de Bla.

A Bla, dans la région de Ségou, la cohésion sociale et la stabilité sont sérieusement menacées. Et pour cause, un projet de production d’électricité pour renforcer l’interconnexion Mali-Côte d’Ivoire. Les autorités administratives et communales veulent l’installer sur un site agricole très important pour la ville. Une position qui n’est pas partagée par les paysans.

Les faits

Vendredi 25 janvier 2019, une mission composée du représentant de la société Phanes Group de Dubaï, du représentant du ministre de l’Energie et celui de la direction de l’énergie de Ségou, s’est rendue à Bla pour un premier contact avec les autorités. Au menu des échanges, un projet d’électricité (75 MW) sur 200 ha pendant 25 ans. La société Phanes Group fera une production à vendre à l’EDM enfin de renforcer l’interconnexion Mali-Côte d’Ivoire. Mais les conditions d’installation étaient liées à l’aval de l’ensemble des agriculteurs qui vont perdre leur champ pour ce projet d’envergure. L’indemnisation devait se faire en nature ou en espèce selon les procédures de la Banque mondiale et celle de la loi foncière du Mali.

Lorsque les discussions ont eu lieu, les agriculteurs concernés ont adressé une lettre au préfet et au maire pour dire leur désapprobation sur le projet de champs solaires dans leurs espaces de culture. En contrepartie, une proposition de délocalisation a été faite sur un terrain improductif.

Du 9 au 11 mars 2019, ils ont effectué une deuxième mission qui avait pour objet de rencontrer les autorités, les agriculteurs et toute personne concernée afin de convaincre les agriculteurs à céder leur champ contre indemnisation. Les ayants droit sont restés sur leur position initiale.

La position des agriculteurs a provoqué une visite sur le site concerné à la demande du préfet. Les agriculteurs, qui, depuis une semaine, avaient l’information que la mission devrait implanter les bornes dans leur champ pour délimiter le site de la centrale, alors que les discussions n’avaient pas abouti à une position claire, se sont opposés à toute activité dans leurs champs.

Au lieu d’épuiser toutes les voies de recours, le préfet a préféré l’usage de la force contre les agriculteurs. Au finish, la mission a été annulée. Seulement, quelques jours après, la gendarmerie a procédé à la convocation et à l’intimidation. Objectif : faire abandonner les champs concernés par les propriétaires.

Le faux-fuyant des autorités

Le 20 mars, une autre réunion a été provoquée. Cette fois-ci, avec les autorités et la chefferie traditionnelle. Le gouverneur était même annoncé pour cette occasion. Alors que les villageois s’attendaient à une vraie discussion, tout a été mis en touche. Seulement des questions de chefferie, des antécédents politiques et des problèmes personnels qui n’ont rien à voir avec la centrale solaire, étaient au menu.

La dernière rencontre avec la société a lieu du 5 au 6 avril. Au cours de cette dernière réunion, beaucoup de contrevérités ont été démantelées. Il s’agissait entre autres de l’intox faisant croire à une alimentation de la ville de Bla par la centrale. Il a été clairement précisé que la production électrique de la centrale n’est pas destinée à la ville de Bla.

A la veille de cette réunion une deuxième lettre des agriculteurs est arrivée au préfet lui demandant de délocaliser le site sur un terrain inculte. La jeunesse a proposé de rencontrer la société Phanes Group dont le représentant est Guillaume Ayral.

Cette rencontre avec la jeunesse a eu lieu dans salle de réunion de la mairie. D’autres propositions ont été faites. Le plan B pour la centrale était de faire un nouveau site pour éviter des désagréments.

Odeur de retro commission

La mission et les jeunes se sont rendus sur le nouveau site. Arrivé, le promoteur a fait survoler le site par une caméra drone et a capturé beaucoup d’images à des fins d’analyse pour un éventuel changement de site.

Il est ressorti unanimement de cette réunion qu’aucun agriculteur présent n’était d’accord pour céder son champ moyennant une indemnisation quelconque. Par contre, ils étaient tous favorables à ce projet sur un terrain non agricole. Mais derrière l’engagement des autorités, on sent une odeur de retro commission. Vrai ou faux ? En tout cas, à la fin de la mission, les représentants du projet ont demandé à prendre des photos avec les agriculteurs et cette demande n’a pas tardé à être acceptée. Ils ont également rencontré les autorités loin des regards indiscrets avant de quitter la ville.

Chasse à l’homme !

Le 16 avril dernier, les agriculteurs ont été convoqués à la gendarmerie pour être, placé, un à un, en garde à vue. Le juge les a interrogés suite à une plainte déposée par le préfet à leur encontre pour injures et menace à l’égard du préfet le 11 mars lors de sa visite dans les champs.

Les personnes détenues sont Mama Tangara, Issa Tangara, Seydou Tangara, Souleymane Tangara, Timissi Tangara, Bourama Djan Tangara, Bourama Bilen Tangara, Yacouba Tangara, Karamoko Ba Tangara et Madou Diabaté. Curieusement, parmi les emprisonnés, 4 étaient absents le jour de la visite du site.

Les agriculteurs rejettent ces accusations formulées contre eux. Malgré tout, le juge a ordonné de les enfermer à la prison le temps qu’il termine son enquête.

Les enquêtes ayant pris du temps, les organisations féminines de Bla ont protesté devant le tribunal le mardi 23 avril. Au sortir, le juge avait promis de diligenter le dossier, mais à la grande surprise de tous, les détenus ont été aussitôt transférés à Ségou.

Les organisations des jeunes invitent le gouverneur de la région de Ségou à réagir pour mettre fin à la violence.

Le préfet de Bla, Boikary Traoré, joint par nos soins, a reconnu des difficultés dans l’exécution du projet mais n’a souhaité commenté ses actions. “… Par principe, je ne me prononce pas au téléphone comme ça. Je préfère ne pas m’exprimer sur le sujet pour le moment…”.

Bréhima Sogoba

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