Dans un contexte marqué par le chômage et la flambée des prix du bétail atteignant parfois 200 000 F CFA pour un mouton moyen, la question devient inévitable : immoler un bélier le jour de la fête est-il une obligation religieuse ou une simple recommandation ?
Ce rituel puise ses racines dans un épisode fondateur de la tradition islamique. Le Prophète Ibrahim (Abraham), après avoir reçu en songe l’ordre divin de sacrifier son fils Ismaël, s’apprêta à obéir avec une foi absolue. À l’instant décisif, Dieu substitua l’enfant par un bélier, récompensant ainsi leur soumission sincère.
Cet événement, rapporté dans le Coran (Sourate As-Saffat, versets 102 à 107), est également présent dans les traditions juive et chrétienne, bien que des variations existent.
Depuis lors, les musulmans du monde entier commémorent cet acte de foi à travers le rituel du sacrifice pendant l’Aïd al-Adha, connue sous le nom de Tabaski en Afrique de l’Ouest.
Ce geste symbolise la foi profonde, même face à l’épreuve, le renoncement à ce qui est précieux et la confiance totale en Dieu, au-delà de la logique humaine.
Un devoir ou une recommandation ?
Une fois la portée spirituelle du sacrifice comprise, une autre interrogation demeure : est-il impératif pour chaque musulman de sacrifier un mouton ?
Au Mali, de nombreux leaders religieux s’accordent à dire que ce rituel n’est pas une obligation stricte, mais un acte recommandé. Seuls ceux qui en ont les moyens sont encouragés à le pratiquer.
Lassine Diakité, religieux basé à Hippodrome I, l’exprime clairement.
« Si tu peux sacrifier un mouton sans mettre ta famille en difficulté, c’est une bonne chose. Mais si tu n’en as pas les moyens, tu ne commets aucun péché. Ce qui compte, c’est ton intention et ta relation avec Dieu. »
Cette pensée est largement relayée dans les mosquées, en particulier dans les quartiers populaires et les zones rurales où les préoccupations économiques l’emportent souvent sur les traditions festives.
Malgré ces rappels religieux, la pression sociale reste lourde. Certains ressentent le besoin de se conformer aux attentes du voisinage, quitte à s’endetter ou à faire des sacrifices financiers importants pour ne « pas faire honte ».
Or, comme le rappellent souvent les prêcheurs maliens : « Dieu ne demande jamais plus que ce que tu peux offrir. »
Ce qui importe véritablement, ce n’est pas l’acte matériel en lui-même, mais la sincérité de l’intention, la volonté de bien faire et le respect de ses propres capacités.
Nènè Mah Zasso Thera
(Stagiaire)