Avant-hier, il était 15 heures lorsqu’enfin nous avons pu avoir au téléphone la mère du pauvre enfant, Dramane Sangara, dont la photo circulait sur les réseaux sociaux. Âgé de 13 ans, il aurait été grièvement blessé par les policiers déployés pour réprimer la manifestation interdite. Ladite manifestation remonte au mercredi 13 courant, dans la ville de Mopti. Ce brave garçon, originaire du quartier de Gangalé, fait du Karaté et est titulaire d’une ceinture rouge. Le plus marquant dans cette histoire, c’est qu’il a tout simplement été victime d’une violence volontaire.
Toute personne sensible ne pouvait regarder cette blessure avec une plaie aussi béante sur le crâne du gamin. Son bras gauche a également été touché. Nombreuses vidéos le montrent sur les réseaux sociaux, la tête ensanglantée. On peut y voir l’empreinte de l’engin bien tracé sur la blessure. Baignant dans son sang, c’est grâce à un passant qu’il a pu être sauvé et finalement évacué vers l’Hôpital de Sévaré.
Sa mère Fanta en témoignage
Avec une voix douce, mais remplie de mélancolique Fanta, raconte : « Ce jour-là, Dramane, mon fils a quitté la maison accompagné de son petit frère qu’il devrait déposer chez sa grand-mère pour ensuite rejoindre son père au boulot. Mon mari est réparateur de motocyclistes et les temps sont durs. Donc chaque jour Dramane va prêter main à son papa afin de faire rentrer un petit plus d’argent dans le foyer. Alors, quand il a pris le chemin pour se rendre au lieu de travail de son père, il est tombé sur les participants de la manifestation dispersés, les policiers à leur trousse. Pris de peur, mon fils dit avoir eu le réflexe de se cacher sous une voiture qui était à proximité. Un court instant, ces hommes en tenues sont arrivés à son niveau et l’un d’eux a crié en disant « il y a quelqu’un sous la voiture ». Du coup, plusieurs se sont dirigés vers lui. Paniqué Dramane leur a répondu « Walaye (je jure) , je n’ai rien à avoir avec eux, je ne suis pas avec eux. Walaye, je vais rejoindre mon père au boulot ». Mais rien à faire, ils ne l’ont pas écouté. Tout ce qu’il voit, une personne surgit et s’agenouille près de la voiture pour tirer directement sur sa tête et ensuite le groupe a continué son chemin comme si de rien n’était. Pourtant ils ont bien vu que c’était un enfant. Juste après, un passant a vu mon fils baigné dans son sang, il s’est approché de lui et vu la gravité de ses blessures il l’a amené de suite à l’hôpital. Nous, nous ignorons tout jusqu’au moment où nous avons reçu la mauvaise nouvelle. Dans la foulée, affolés, nous nous sommes rendus à son chevet à l’hôpital. N’ayant pas assez de moyens pour ses frais médicaux, mon mari a couru de gauche à droite, partout pour chercher un emprunt. Et Dieu merci, nous avons pu faire l’essentiel. Mais, actuellement, nous sommes à court d’argent et nous ne pouvons pas assurer pleinement les soins quotidiens, comme les bandes de pansements ou quelques médicaments. Personne n’est venu nous voir. On a reçu le message d’une ONG qui nous promet de venir voir l’enfant et, éventuellement, s’occuper de ses frais médicaux. Mais, pour l’instant, rien, on attend ».
Quand on lui demande ce qu’elle a à dire aux autorités, sa réponse est la suivante : «Je me remets à Dieu et je leur dis que c’est le Bon Dieu qui est le plus Puissant».
En effet, ce qui est plus dramatique et déplorable, ce n’est ni le fait que le petit a été blessé ni le fait que les manifestants ont été poursuivis, malgré qu’ils se sont dispersés, mais c’est surtout le fait que ces Hommes de maintien de l’ordre sont dans la nature avec des armes et matériels qu’ils ne maîtrisent pas presque ou pas du tout et sans aucune formation professionnelle digne de ce nom.
Normalement, dès lors qu’un attroupement est dispersé, le délit qu’il représentait n’est plus constitué et le recours à la force n’est plus justifié. Alors, dans ce cas, qu’est-ce qui justifie d’aller sous une voiture pour employer la force sur un petit gamin ? Est-ce pour faire des blessés ou des morts afin d’être récompensé après coup par les « CHEFS » ?
En tout cas, ce geste ignoble n’est nullement justifiable et les auteurs de ce crime doivent tous être retrouvés par la justice auprès de leur hiérarchie et punis conformément à la loi en vigueur en matière de la loi pénale internationale. Surtout qu’à chaque fois, ce sont des budgets colossaux qui sont dégagés des caisses de l’État ou octroyés par les partenaires étrangers spécialisés pour organiser ou animer des séminaires et colloques de formations de nos porteurs d’uniformes dans le cadre de maintien d’ordre et le respect des droits de l’Homme en période de crise ou lors des manifestations pacifiques des citoyens non armés.
Aujourd’hui, le petit Dramane va légèrement mieux, c’est un miracle. Néanmoins, il a besoin d’un scanner pour que ses parents soient rassurés sur son état de santé. Quant aux traumatismes subis, il vivra avec cette angoisse durant des années. Le feu Président Burkinabé, Capitaine Thomas Sankara, n’avait-il pas raison quand il dit : « Un militaire sans formation politique et professionnelle n’est qu’un criminel en puissance » ? Tirer à bout portant sur mineur à terre, ne représentant aucun danger public ? Ainsi va notre Afrique du « Soleil des Indépendances » et de l’ère démocratique également !
Sadio Bathily
LE COMBAT