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Bart Ouvry : « c’est un signal politique par rapport à la présence d’éléments russes au Mali »

Le 11 avril dernier, l’Union Européenne au Mali a décidé de suspendre certaines missions d’entraînements menées depuis 2015 par l’EUTM au profit de Forces armées et de sécurité maliennes. Dans cette interview, son Ambassadeur au Mali, M. Bart Ouvry, nous donne plus d’éclaircissements.    

 

L’UE a annoncé lundi 11 avril l’arrêt de ses formations militaires au profit des FAMa, qu’est ce qui a motivé cette décision ? 

 

Il est important de bien situer la décision. On a annoncé la décision de ne plus continuer certaines formations. Nous allons par exemple continuer à entraîner les entraîneurs. C’est d’ailleurs une demande des FAMa. Nous allons continuer plusieurs activités avec les FAMa, avec la garde nationale, la gendarmerie et la police. Donc je crois qu’il faut nuancer. C’est un signal politique par rapport à la présence d’éléments russes au centre du pays. Dès le début, nous avons été clairs que la coopération avec ses éléments russes est pour nous quelque chose de très délicat.  La décision est principalement motivée par cela. Mais, il est très important de clairement dire que nous sommes très décidés à rester aux côtés des Maliens. Nous voulons montrer notre solidarité parce que la relation entre l’UE et le Mali est une relation qui remonte à très longtemps. C’est une relation où nous voulons surtout être à l’appui de la stabilisation du pays. Ainsi donc, nous maintenons l’essentiel de nos activités en appui des Maliens et en appui au développement et à la stabilisation du pays.

 

EUCAP Sahel est-il aussi concerné par cette décision ?

 

Certaines activités de l’EUCAP Sahel qui sont au profit des FAMa ne seront plus possibles mais beaucoup d’autres activités le resteront. Par exemple, tout ce qui est l’appui à ce qu’on appelle la prévôté à la capacité des gendarmes, des gardes pour enquêter sur le terrain est maintenu ainsi que beaucoup d’autres appuis. D’ailleurs dans les jours à venir, nous allons discuter avec nos homologues du Ministère de la sécurité ; du Ministère de la défense et celui de l’Administration territoriale pour bien fixer le programme dans le but d’augmenter les capacités des forces de sécurité. Parce que nous ne voulons pas nous substituer aux Maliens et aux forces de sécurité. Notre volonté est d’augmenter les capacités des forces de sécurité à aller sur le terrain et de le faire dans le respect de l’État de droit. C’est important et c’est quelque chose qu’il faut établir comme une règle. Les bavures, c’est quelque chose qu’on ne peut jamais exclure totalement. Mais quand il y a des bavures, il faut établir des enquêtes et surtout nous demandons aux autorités de permettre à la MINUSMA de mener des enquêtes comme inclus dans leur mandat. C’est la manière la plus claire possible de nous rassurer que les actions des forces de sécurité se font dans le respect des règles de l’état de droit.

 

Quelles sont concrètement les actions de l’EUTM et de l’ EUCAP qui seront suspendues ?

 

Ce sont des entraînements avec des compagnies constituées des FAMa et des gardes qui, après, risquent de se retrouver sur le terrain avec des éléments russes. C’est quelque chose qui, pour nous, pose problème. Et c’est ce que nos autorités à Bruxelles ont décidé avec nos états-membres de ne plus faire.

 

L’UE a tout de même annoncé rester engagé dans le Sahel, n’est-ce pas antinomique, sachant que la stabilité de la région est liée à celle du Mali ?

 

Notre volonté est d’assurer la stabilité de toute la région. Ça n’inclut pas seulement le Sahel, c’est aussi tous les pays côtiers. Nous savons qu’aujourd’hui, les groupes armés ont tendance à aller partout au Sahel et particulièrement aussi les pays côtiers. Notre stratégie pour le Sahel reste d’actualité et le Mali en fait partie aussi. Je tiens encore à souligner que nous voulons rester présent également au Mali parce que ça n’a aucun sens d’avoir une activité de stabilisation dans un pays voisin et de ne pas être présent dans ce pays. Pour nous, on ne peut pas circonscrire les problèmes à un seul pays d’où notre volonté d’être actif dans toute la région.

 

Les pays occidentaux parlent de la présence de Wagner sur le terrain et l’UE justifie l’arrêt de sa formation en partie à cause de cela, toutefois les autorités maliennes ne cessent de clamer une coopération avec la Russie, y’a-t-il au-delà des articles ou déclarations, à votre niveau des preuves matérielles qui confirment la présence de ces paramilitaires sur le sol malien ?

 

De mon côté je parle d’éléments russes. Est-ce que ce sont ces éléments qui sont sous le commandement des autorités russes directement ou est-ce que c’est une société privée, je crois que ce n’est pas l’essentiel de la discussion. Il faut savoir qu’aujourd’hui, la Russie mène une agression contre l’Ukraine qui est un pays très proche et ami de l’UE. Dès le début nous avons été très claire que faire appel à la Russie pour des activités sur le terrain posait problème de notre point de vue. La décision qui a été prise lundi est dans la logique de ces messages que nous passons depuis plusieurs mois à notre partenaire malien.

 

Les autorités maliennes disent très souvent payer leur choix politique, notamment le fait de se tourner vers la Russie, est-il possible de dire que le Mali paie aussi pour la guerre en Ukraine, au vu de l’enchaînement des évènements jusqu’à l’annonce de l’arrêt ? 

 

Depuis longtemps le Mali a des relations de coopération militaire avec la Russie. Notamment dans la livraison de matériels militaires. C’est quand même autre chose que de faire appel à des éléments russes qui en accompagnement des forces maliennes, selon plusieurs rapports, sont accusés d’exactions. C’est là-dessus que nous voudrions avoir des clarifications. La décision qui a été prise à Bruxelles est réversible. Il faut qu’on arrive à clarifier ce qui a été fait à Moura et à d’autres endroits où, selon les rapports, il y aurait eu des exactions. Nous voudrions que la MINUSMA soit en position de clarifier la situation. C’est pourquoi la décision qu’on a prise est une suspension et non un arrêt de nos activités.

 

Après 9 ans de présence de l’EUTM au Mali, quel bilan faites-vous de leurs opérations ?

 

Depuis ces 9 ans, il y a une montée en puissance importante des FAMa. Je crois qu’il y a 10 ans les FAMa étaient 7 mille à 8 mille, aujourd’hui on a une force nettement plus importante. Je crois qu’on parle des chiffres allant jusqu’à 40 mille FAMa. Donc il y a une montée en puissance non seulement en nombre, mais aussi en termes d’équipements mais surtout d’entraînements.Il y a aussi des efforts pour mieux organiser les FAMa parce qu’au final c’est l’effectivité des FAMa qu’il faut assurer. Je crois que là nous avons fait d’énormes progrès. Mais je rappelle quand même que pour résoudre la crise au Mali, il faut des efforts multiples : des efforts de développement au delà de la sécurité. Sans sécurité il n’ y a pas de développement, mais sans développement, il n’ y a pas non plus de sécurité. Et cela est un engagement très fort de l’UE comme partenaire du Mali.

 

Est-ce que les mêmes motifs qui ont poussé à l’arrêt des opérations de l’EUTM peuvent pousser à l’arrêt des coopérations entre l’UE et le Mali dans d’autres domaines ?

 

Je viens de remettre il y a quelques jours aux autorités une proposition de contrat de 33 milliards de FCFA pour travailler avec le Mali dans le domaine de la sécurité alimentaire. C’est un terrain qui pour nous est prioritaire. Nous voulons aussi cette année travailler sur le retour des services publics sur tout le territoire du Mali. Nous sommes en train de faire de grands efforts pour appuyer la sécurité dans le sud du pays et particulièrement le long des frontières. Beaucoup d’activités sont en cours et restent d’actualité. Aujourd’hui, nous avons envoyé un signal politique clair aux autorités. Nous espérons qu’elles vont enfin finir par rétablir la relation avec la CEDEAO et parvenir à un chronogramme de la transition accepté largement dans la région. Et si on arrive à faire tout cela, je crois que notre relation pourra progresser.

 

Les échanges se poursuivent entre l’UE et le Mali, vous-même rencontré plusieurs fois le ministre des Affaires étrangères, pourquoi les positions ne sont plus alignées ?

 

Le dialogue est là et surtout nous encourageons les autorités des transitions à rétablir la relation avec les pays voisins parce que nous sommes conscients des effets précaires des mesures imposées par la CEDEAO.Je crois que la meilleure solution est de retrouver un consensus sur le chronogramme et sur la manière dont on mène la transition.

 

Les FAMa ont annoncé mardi avoir arrêté 5 suspects dont trois ressortissants européens? Avez-vous des infos ?  

 

Non. Je n’en ai pas.

 

Propos recueillis par Aly Asmane Ascofaré

Source : Journal du Mali

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