L’artiste organise des séances de balafons sans balafons. Il mixe, sur les platines CD, les disques des parents et les rythmes électro composés dans les chambres
Ce groupe est fait de bric et de broc, serait-on tenté de dire. Mais en fait, il s’agit d’un concept emprunté à la rue bamakoise : le balani show. Pendant les congés scolaires, les quartiers de la capitale sont animés par des jeunes qui usent de toute sorte de musique à la mode. A travers un ordinateur, une table de mixage, un ampli et de puissants hauts parleurs. Un type d’animation très populaire. Il permet de jouer tous les sons grâce aux TIC.
Vous obtenez une animation originale made in Mali en récupérant ce concept et en y ajoutant quelques instruments de musique traditionnel comme un balafon, un n’goni, cinq taman et les calebasses. Le groupe, appelé Balani show, accompagné par une cantarice et un groupe de rap, qui donnent de la voix, est en train de parcourir les festivals européens. Le Balani Show Bizness est constitué de deux groupes de rap, Suprême Talent Show et Warawo, et de l’homme au cinq tamans, Cheickna Sissoko. « Le balani est le mot bambara qui désigne les rassemblements où on ne jouait que du balafon», explique Mo DJ, arborant des baskets, une casquette et un collier aux couleurs maliennes : rouge, noir, vert. Ce sont les bonnes qui venaient chercher du travail à Bamako qui ont institué ces fêtes de rue. En 2010, la fête a repris ses droits, et les jeunes rappeurs, de plus en plus nombreux au Mali, ont commencé à organiser des balani, cette fois-ci sans les balafons mais en mixant sur leurs platines CD, les disques de leurs parents et les rythmes électro composés dans leurs chambres. MC Waraba, Méléké Tchatcho, Ali Wesh, les trois MC du Balani Show Bizness racontent : « le balafon, ça ne colle pas avec notre génération. Alors, on louait des DJ, on entourait les lieux qu’on avait choisis avec des chaises et on mettait la musique. Pas besoin de faire de publicité, c’est la sono qui attirait du monde.
La guerre dans le Nord et l’état d’urgence ont malheureusement ralenti le mouvement. » Mo DJ animait les mariages et les baptêmes avant d’être repéré par le propriétaire d’une boîte de nuit, le Batama. Dans cette boîte, le comportement de ses compatriotes le choque. « Dès que je mettais de la musique malienne, les gens allaient s’asseoir. On aimait tout ce qui venait loin de chez nous. » Dans leur répertoire, ils ont des morceaux comme : Warawo – La Paix, sur la guerre avec les djihadistes, et Safinil’i, titre plus léger sur les filles – ou ceux de Suprême Talent Show (comme Tchatcho. Ce morceau dénonce l’usage des crèmes pour blanchir la peau. Il confie ses chansons au groupe de Cheickné Sissoko, les Cinq Tamans, pour les faire répéter pendant des mois par les rappeurs. Ce coaching intensif des musiciens virtuoses n’a pas étouffé l’énergie rythmique de ces balani. Ce n’est pas de l’afro trap, mais bien de l’afro rap.
Y. D.
Source :L ‘Essor