L’occupation des 2/3 du territoire malien par les groupes terroristes et séparatistes, a nécessité, l’intervention française au Mali. En effet, face à l’avancée des forces obscurantistes vers Bamako, la France a lancé, le 11 janvier 2013, l’opération « Serval » à la demande des autorités de transition du Mali.
Un an après le déclenchement de cette opération, il est apparu nécessaire à la France et à la république du Mali de refonder le cadre juridique de leur coopération bilatérale en matière de défense. A titre de rappel, le Mali a signé un accord de coopération militaire technique avec la France le 6 mai 1985. Donc, l’objet du traité signé le 16 juillet 2014 entre les deux pays s’inscrit dans une vision de marquer dans la durée l’engagement de la coopération française avec le Mali en matière de défense. La mise en œuvre de ce traité a- t-elle des conséquences pour la France et pour le Mali ? Tout accord de coopération en matière de défense impact négativement ou positivement l’Etat d’accueil et l’Etat d’envoi. Les conséquences du traité sont d’ordre économique, financière, sociale. D’un point de vue économique, le traité offre des débouchés aux entreprises françaises dans le domaine de l’armement et de l’équipement des forces de sécurité. A travers cet accord, la France renforce son influence militaire pour sauvegarder ses intérêts. En 2014, juste après la signature du traité, les entreprises françaises ont réalisé un chiffre d’affaire d’un demi-milliard d’euro. Cependant l’accord impacte négativement l’économie malienne. Des centaines de milliard de nos francs ont été injectés dans la formation et l’équipement de nos forces armées de défense et de sécurité pour une meilleure sécurisation des échanges économiques sans pour autant produire de résultats. Ainsi, de 2014 à nos jours, la situation sécuritaire du Mali ne s’est guère améliorée singulièrement dans le centre du pays empêchant la reprise des activités économiques.
Cela a porté un coup sérieux à l’économie malienne encore fragile.
Au regard du volume financier, la coopération reste à un niveau à peu près à ce qu’elle est actuellement et n’alourdit pas davantage les finances publiques de la France. Le total des actions financées par le ministère français des affaires étrangères et du développement industriel pour la coopération structurelle de sécurité et de défense au Mali s’élevait en 2013 à 4 .625.702 euro traitements des coopérants inclus. En revanche les conséquences financières sont lourdes pour le budget du Mali qui par ailleurs a adopté une loi de programmation militaire pour un coût global de plus de mille milliard de nos francs en vue d’accélérer l’équipement et la formation de nos forces. Sur le plan fiscal, le Mali ne tire aucun bénéfice du traité. L’article 14 de l’accord prévoit le maintien de la domiciliation fiscale des personnels dans l’Etat d’envoi(France), ainsi que des personnes à charge lorsqu’elles n’exercent pas d’activité professionnelle. Outre le maintien de la résidence fiscale dans l’Etat d’envoi, cet article prévoit l’imposition, dans ce même Etat, des rémunérations perçues au titre des services rendus dans le cadre de l’accord de coopération en matière de défense, à l’exception des pensions. En outre, l’accord permet, l’importation en franchise de droits et taxes des biens et effets personnels des membres du personnel de la partie d’envoi à l’occasion de leur première prise de fonction. Il prévoit également des exonérations de droits et taxes pour l’importation de matériels et équipements destinés à l’usage exclusif des forces pouvant être présentes sur le territoire de l’Etat d’accueil. Sur le plan social, la signature du traité à contribuer à renforcer le sentiment de méfiance et le sentiment anti français du peuple malien. L’installation d’une base militaire française est perçue par les maliens comme un retour du temps de la colonisation et un empiétement de la souveraineté du Mali. Le soutien de la France aux groupes séparatistes est vu par les populations maliennes comme une stratégie pour accorder un statut particulier à la région de Kidal. Sur tout autre plan, l’alinéa 1 de l’article 23 relatif à la communication stipule que « toute installation de système de communication des forces armées de l’Etat d’origine(France) est soumise à une autorisation préalable de l’Etat d’accueil(Mali). Les demandes d’installation sont examinées avec bienveillance par les autorités compétentes de l’Etat d’accueil. Leur construction, entretien et utilisation s’effectuent dans les conditions agréées d’un commun accord entre les parties dans le cadre d’un arrangement technique spécifique au sens de l’article 4.2 ». En matière de communication et de renseignements militaires, le Mali ne dispose pas de matériels sophistiqués de dernière génération pour intercepter ou brouiller les communications de la France au cas où elles desservent les intérêts du Mali. A ce niveau, il ya un grand déséquilibre entre le Mali et la France de nature à permettre à l’Etat d’origine de violer l’accord de façon délibéré, sans éveiller le moindre soupçon de l’Etat d’accueil. L’alinéa 2 du même article suscité stipule que « les forces armées de l’Etat d’origine n’utilisent que les fréquences qui leur sont attribuées par les autorités de l’Etat d’accueil. Les procédures d’attribution et de restitution sont déterminées d’un commun accord entre les parties. Les parties coopèrent pour que l’utilisation des fréquences qui leur sont attribuées ne perturbe pas les transmissions locales ». Nos sources nous indiquent que les transmissions du Mali auraient été perturbées par la France. Les évènements de Kidal lors de la visite de l’ancien premier ministre Moussa Mara en 2014, attestent à fortiori ces sources compte dûment tenu de l’échec de l’opération des forces armées maliennes en vue de rétablir la souveraineté du Mali sur cette partie qui échappe à son contrôle.
Fousseini Ouattara
Source : LE HERON