Les fausses promesses, le goût prononcé pour les modèles récents de téléphones portables, la folie des grandeurs précipitent les séparations.
L’élégante Mme Kadidiatou, cheffe de division dans une banque de la place, mène une heureuse vie de couple. L’air innocent, la démarche soignée, le teint rayonnant, cette élégante dame est habillée en robe bazin de couleur beige. Elle porte un beau collier autour du cou. Son visage affiche la sérénité et son regard rieur rassure les personnes qu’elle reçoit dans son bureau.
Le destin est imprévisible. Cette pimpante banquière a eu une tumultueuse enfance. Elle a souffert pendant son enfance des affres du divorce.
Elle était comme une orpheline parce qu’elle a été élevée en dehors de la protection d’un papa et d’une maman. Ils vivaient pourtant dans ce monde. Elle assure que vivre l’adolescence loin de ses deux géniteurs est un effroyable orphelinat.
Nous avons eu un entretien avec celle qui revient de loin le 30 Août 2019, dans son bureau, aux environs de 14heures. L’évocation de son enfance difficile efface momentanément la gaieté. Elle pose sur moi pendant près d’une minute, des yeux tristes. Comme si elle revivait un souvenir douloureux et inoubliable de son enfance. Le sourire revient.
Le ton calme Kadidiatou égrène le récit de son passé. Elle révèle qu’elle avait environ quatre ans quand ses parents ont divorcé. Elle sera confiée à la garde de sa mère. « Je suis restée avec ma maman durant trois ans avant qu’elle ne décide d’émigrer vers l’Europe.
Elle est retournée auprès de son père resté célibataire. Il confiera la petite Kadidiatou à sa cousine qui n’avait pas d’enfant après plusieurs années de mariage. « L’absence de mes parents pesait lourd sur moi, parce que je ne recevais aucune affection de ma tutrice. Malgré mon jeune âge, je faisais le ménage. J’allais tous les jours acheter les condiments au marché. J’étais chargée de toutes les commissions longue distance. Les punitions pleuvaient sur moi pour un « oui » ou pour un « non », a-t-elle confié.
Les phrases sortaient difficilement de la bouche de la banquière. Le récit était entrecoupé de longs silences. Dans un soupir Kadi se redresse, me regarde droit dans les yeux et lâche : « même le petit déjeuner était un luxe pour moi, la maltraitance était mon quotidien. Tous les voisins me prenaient en pitié, mais personne ne faisait rien pour améliorer mon sort. » a-t-elle déploré
« Les plus sensibles me consolaient, en cachette, parce que j’avais droit au fouet soit au réveil soit au coucher, parfois tard dans la nuit. Surtout en l’absence du mari de la cousine de son père. La petite Kadidiatou souffrait d’une maladie qui fait couler du sang des narines. Elle rappelle qu’après chaque séance de violence corporelle, le devant de sa tenue était tachée de sang ».
Au moment où les autres enfants allaient à l’école, « Kadi » vendait des feuilles de menthes et des citrons dans les rues de Bamako. Un jour, suite à un énième coup de bâton, elle a pris la fuite et s’est réfugiée chez sa grand-mère.
Cette dernière, fut terrifiée en constatant les marques de coups que sa petite fille portait sur le corps. Elle a décidé de la garder auprès d’elle. La rentrée scolaire suivante, « Kadi » été inscrite à l’école. Elle avait dix ans. Elle fera preuve d’une grande intelligence en classe. Elle remontera la pente et réussira un cursus sans faute.
Cet exploit lui a valu son actuel poste de haut cadre dans le monde des finances. Aujourd’hui Kadidiatou ne juge pas ses parents géniteurs. Mais elle reconnaît qu’elle a été victime du mauvais choix de son père et de sa mère de se marier dans la précipitation. Les conjoints n’avaient pas pris le temps de se connaître comme il faut. La banquière fait tout pour évier à ses mômes de vivre les conséquences du divorce.
Les enfants de Fatimata n’auront pas cette chance. Cette divorcée a donné la vie à trois garçons. Le premier vit avec son père et a participé aux épreuves du Diplôme d’Etudes Fondamentales (DEF) de cette année. Le second, est en classe. Le troisième qui n’a que dix ans a déjà abandonné les bancs. Les deux derniers vivent avec leur mère. C’est une lourde responsabilité pour elle..
Trop de divorces
L’histoire de ces deux divorces ne cache pas la forêt touffue des divorces dans le District de Bamako. Le centre secondaire d’état-civil No1 de la mairie de la commune IV, en 2018, a enregistré environ 392 mariages. Et le tribunal de grande instance de la même commune a prononcé 410 divorces. Ces unions sacrées n’ont pas tenu plus de dix ans. Quelles sont les raisons de ce taux élevé de divorces de jeunes couples.
Le Greffier en chef du tribunal de Grande Instance de la commune IV, Boubacar Sanogo a égrené une série de griefs qui soutiennent les plaintes des conjoints. Ce sont les fausses promesses, la mauvaise compagnie. Certaines nouvelles mariées dépensent sans compter. Le téléphone portable, le goût démesuré de choses éphémères ont souvent tué l’amour réciproque.
La mauvaise éducation se traduit par le manque de respect à l’égard du mari ou de l’épouse. Le plus déplorable est le manque de communication. La maire du centre secondaire d’état-civil No1 de la Commune IV, Mme Dangnoko Fanta N. Dansira, déplore la rapidité et la pléthore des divorces .
« Avant d’aller au tribunal, beaucoup de jeunes femmes viennent récupérer leurs actes de mariage ici, Au moment de leur remettre le document, je leur demande toujours qu’elle utilisation vont elles en faire. Je tente de les dissuader de divorcer si telle est leur intention.»
Elle a déploré la naïveté des filles et l’implication des mamans dans la gestion des foyers de leurs enfants. L’élue suggère aux mamans de mieux éduquer leurs filles. Selon elle, les imams doivent exiger la présence des époux à la mosquée lors de la célébration des mariages religieux. Les nouveaux maris y apprendront les causes des divorces. Cette méthode est appliquée à l’église.
Mme Dangnoko relève que notre code de mariage ne détaille pas les droits fondamentaux de l’enfant. Pour combler cette lacune, l’édile mère de famille conseille et sensibilise les jeunes couples.
Elle leur donne la recette de vivre heureux, de donner de l’affection et la protection aux enfants.
En suivant ces conseils les nouveaux couples faciliteront leur développement personnel. «Je suis mère de 9 enfants dont un seul garçon. J’ai réussi à les canaliser et aujourd’hui, elles sont toutes stabilisées dans leurs foyers. Ce succès dans ma famille me pousse à conseiller les filles pour les aider à réussir leur mariage», a confié l’édile Mme Dangnoko. La vie conjugale de tout le monde a besoin d’affection du berceau à la tombe.
Maïmouna SOW
Source: L’Essor-Mali