Le parrain de la rébellion ivoirienne dépose son baluchon à Yamoussoukro
L’usurpateur sanguinaire Blaise Compaoré hante depuis sa destitution l’une des plus prestigieux refuges de la Côte d’Ivoire sis à Yamoussoukro. Dans cette forteresse surnommée « Giscardium », splendide maison cernée de hauts murs surplombés de barbelés, inauguré par Valéry Giscard d’Estaing, rien ne semble bouge à l’intérieur à part le soupire du vent. En réalité, il s’y cache un renégat vomit par son peuple.
Alors au faîte de sa gloire, devenu persona non grata à Pô, annoncé au Ghana, Accra dément dès l’annonce de son arrivée. Alors, on le signale au Togo. C’est finalement Yamoussoukro que le convoi de 27 véhicules du dictateur hors du commun investit Yamoussoukro. Son arrivée fait balancer les cœurs. Les uns se montrent enthousiaste la où, les autres affichent leur hostilité.
Au pays d’Houphouët, tout le monde accuse Blaise Compaoré d’avoir soutenu la rébellion qui a porté Alassane Ouattara au pouvoir, après la crise post électorale de 2010-2011, qui fit plus de 3 000 morts en 5 mois.
« C’est le parrain de la rébellion en Côte d’Ivoire. « Donc, s’il s’agit de le sauver aujourd’hui, qu’il reste là-bas ou bien qu’il aille ailleurs ! », dénonce un certain Banhy, 60 ans.
« On ne veut pas de problème en Côte d’Ivoire. On vient de sortiir d’une crise post électorale. On ne veut pas encore répéter ça », supplie Demba Keïta.
La messe est dite !
Hollande exfiltre Compaoré
Peu bavard sur la crise burkinabè, François Hollande sort de sa réserve nuitamment pour exiger le transfert rapide du pouvoir aux civils non sans affirmer avoir joué un rôle dans le départ et l’exfiltration de son sbire, Blaise Compaoré. Contrairement à Washington, qui réclame, depuis le coup d’Etat, le retour du pouvoir aux civils. Quelques heures après la sortie du président de la France, le nouvel homme fort du Burkina Faso promet une transition «dans un cadre constitutionnel». François Hollande soutient, par ailleurs, que l’évacuation de Blaise Compaoré s’est déroulée sans drame sans qu’elle y participe directement. «Dès le début de cette crise, la France a joué son rôle et mis en garde», déclare M. Hollande qui affirme lui avoir conseillé par écrit «de ne pas engager (…) la révision de la Constitution. J’ai fait une déclaration demandant à Blaise Compaoré de prendre les bonnes décisions, c’est-à-dire de partir. C’est ce qu’il a fait dans les heures qui ont suivi», ajoute-t-il.
Suivant sa volonté de privilégier les «solutions africaines», la France souhaite laisser d’abord l’Union africaine s’exprimer. Laquelle donne un ultimatum deux semaines –il n’en reste qu’une- aux putschiste pour céder le pouvoir aux civils.
«Les institutions africaines doivent montrer les dents. C’est aux Africains de s’exprimer, pas à nous, après la mort de Françafrique, dont Blaise Compaoré fut l’un des piliers», rappelle l’expert indépendant ouest africain Gilles Yabi. Ce dictateur hors pair figurait parmi «les chefs d’Etat proches de la France, il a joué un rôle très important dans les médiations de conflits en Afrique de l’Ouest, notamment dans la crise ivoirienne et a rendu beaucoup de services pour des libérations d’otages», signale l’expert Gilles Yabi.
Quelque 3 500 Français vivent au Burkina Faso où, s’activent une quarantaine d’entreprises françaises. Paris demeure son principal bailleur de fonds. La France dispose d’une force spéciale au Burkina, pièce importante de Barkhane basé au Mali.
«Je ne pense pas que la France soit encore à la manœuvre au Burkina, ce n’est pas elle qui a les clés et les ressorts», estime le spécialiste de l’Afrique Antoine Glaser. D’après lui, «Paris n’a pas vu venir la crise, ni pris la mesure des désirs de changement de la population».
Enfin, le spécialiste de l’Afrique Antoine Glaser signale : «Pour certains en France, notamment chez les militaires, des chefs d’Etat comme Compaoré, Sassou N’guesso (Congo) et Idriss Deby (Tchad) sont toujours considérés comme des piliers de la stabilité régionale».
Un putschiste contesté sous pression continue
Contesté et pressé, le nouvel homme fort du Burkina Faso, le lieutenant-colonel Isaac Zida, entend se plier à la volonté de la rue et de la Communauté internationale. «Le pouvoir exécutif sera conduit par un organe de transition dans un cadre constitutionnel», promet le au corps diplomatique. Numéro 2 de la garde présidentielle, il bénéficie de la confiance de sa hiérarchie qui l’a placé aux commandes dès la démission de Blaise Compaoré.
A l’en croire, l’«organe de transition sera dirigé par une personnalité consensuelle désignée par tous les acteurs de la vie nationale dans un bref délai. Nous ne sommes pas là pour usurper (…) le pouvoir», assure-t-il.
Ablassé Ouédraogo, un leader de l’opposition, soutient qu’il «est bien disposé à remettre en vigueur la Constitution. Zida nous a clairement indiqué qu’il allait procéder à la levée de la suspension de la Constitution, ce qui ramènerait le Burkina Faso dans la légalité constitutionnelle» révèle M. Ouédraogo après son entretien avec le lieutenant-colonel, y été les autres dirigeants de l’opposition dimanche soir.
En tout cas, l’homme fort du Burkina Faso tempère l’ardeur des Etats-Unis quant à la transmission du pouvoir. Washington maintient pour le moment son aide. La lui emboîte le pas dans le but d’organiser des élections. L’Union européenne, l’Onu, l’Union africaine et la Cedeao entrent dans la danse.
85e client de la France
Les patrons des entreprises françaises protègent leurs précaution et leurs installations bien que «le risque matériel et l’enjeu économique restent réduits» après le putsch.
«Le risque est très limité. Pour l’instant, il n’y a pas de demande de départ. Les gens attendent que la situation se stabilise», témoigne Bernard Jacquemart, directeur de l’information de la société Scutum Security First, qui conseille plusieurs entreprises françaises présentes au Burkina Faso. «On leur dit de ne pas bouger, de ne pas se mêler aux manifestants, de faire profil bas. Ce qu’ils ont tous fait. Il n’y a pas d’agressivité vis-à-vis des étrangers», note M. Jacquemart.
Il existe 62 entreprises au Burkina Faso, dont Total avec ses 269 camions-citernes, une dizaine de dépôts d’hydrocarbures et 106 stations qui emploient 1 500 personnes. La filiale Sogea-Satom de Vinci fonctionne, quant à elle, avec environ dix expatriés.
A Air France, les vols à destination de Paris transitent désormais par Lomé en raison de la crise. Chez la Bnp Paribas, la Société générale et Bolloré, c’est silence radio total.
Loin derrière le Sénégal (plus de 700 millions d’euros) et la Côte d’Ivoire (plus d’un milliard d’euros), le Burkina Faso occupe la 85e place des clients de la France dans le monde, avec près de 332 millions d’euros d’exportations en 2013, environ 217, 592 milliards Fcfa.
Dossier réalisé par Mister NO