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Au Mali, un non-voyant devenu Kinésithérapeute contre vents et marées

Kinésithérapeute, Abdoulaye Diallo, 66 ans, traite avec son équipe, en moyenne, une centaine de patients par jour dans son cabinet privé à Bamako.

Faladiè. Il est 9heures. Ciel dégagé, le soleil commence à luire. Dans la grande cour de l’Union malienne des aveugles (UMAV), un calme. L’endroit abrite le cabinet d’un Kinésithérapeute très sollicité. Son nom : Abdoulaye Diallo. Ce jour-là, plusieurs dizaines de patients sont présents. Certains ont parcouru de longues distances et d’autres ont passé la nuit sur la terrasse du centre de santé. Chaque jour, le Kiné et son équipe traitent au moins une centaine de malades.

Mais pour en arriver à ce stade, le Kinésithérapeute de 66 ans, a surmonté plusieurs obstacles.

Très brillant dans les matières scientifiques, en 1969, après le cycle fondamental, il quitte son petit village natal de la région de Sikasso, pour intégrer le collège à Markala, dans la région de Ségou. «A l’époque, au DEF dans chaque école, seuls les dix meilleurs étaient sélectionnés pour le lycée. Il y avait très peu de lycées encore au Mali», se souvient-il. Mais à partir de la classe de 11e, Abdoulaye est confronté à un problème de santé. Il a, de plus en plus, du mal à lire correctement. Celui qui fréquentait, alors le même lycée que l’actuel président de la Cour suprême, Nouhoum Tapily, est trahi par ses yeux. «Au début, quand j’étais à l’école, je voyais mal. Mais en période de vacances la vue revenait un peu à la normale. J’ai fait quelques allers retours au centre de santé, sans succès. Le proviseur m’a même grondé une fois», raconte-t-il.

Aventure

Désespéré, Abdoulaye Diallo abandonne l’école. Et  prend le chemin de l’aventure avec 1 500 francs maliens en poche. «J’ai pris le train pour partir à Dakar. Je voulais partir le plus loin possible pour que mes camarades de classe ne me voient pas un jour et ne se moquent pas de moi. J’étais 1er de ma classe, j’avais honte de terminé ainsi», se remémore Abdoulaye.

Dans la ville sénégalaise de Kaolac où il trouve refuge, il fait des petits boulots durant quelques mois. Mais craignant de croiser une de ses connaissances au Sénégal, il rejoint la Gambie.

«Je partais chercher des bois de chauffage en brousse que je revenais vendre en ville. Mais les femmes prenaient à crédit. Quand je leur demande de payer, au lieu de l’argent elles me proposent de la nourriture. Quand je prends le repas, elles ne remboursent plus ma dette. Je n’avais donc pas de choix. A défaut de l’argent, j’étais obligé de prendre la nourriture pour ne pas mourir de faim», rappelle-t-il. Au bout de trois ans, il devient complètement aveugle.

Depuis la Gambie, il apprend une nouvelle à la radio : la création de l’Association malienne pour la promotion sociale des aveugles (AMPS). Elle est créée en 1974 par feu Ismaël Konaté, aussi non voyant et père de l’ex ministre de la Justice et avocat Mamadou Konaté.

De retour au Mali, Abdoulaye apprend alors l’écriture en braille et bénéficie de la première bourse obtenue par l’association pour la Tunisie. Après avoir passé, trois années en vadrouille entre le Sénégal et la Gambie, il reprend le lycée au niveau 10ème et décroche le baccalauréat avec mention Très-bien.

Blocage

Mais l’homme n’est pas encore au bout de ses peines. À son retour au pays pour les vacances, le destin lui joue, à nouveau un mauvais tour. Il apprend qu’il ne pourra plus continuer ses études supérieures en Tunisie.

«Ils m’ont fait savoir que j’étais un perturbateur en Tunisie. Alors que c’était tout le contraire. J’appelais les élèves au calme quand ils faisaient des mouvements. Je disais aux Tunisiens qu’ils avaient de la chance d’avoir des établissements d’une telle qualité. Car chez moi au Mali, il y en avait très peu», raconte-t-il.

Bloqué avec son diplôme de Bac, Abdoulaye est recruté à l’Institut des jeunes aveugles (IJA) pour servir de maître du second cycle. Avec dévouement, il enseignera dans cet établissement les sciences naturelles et le français mais tient toujours à aller plus loin dans ses études. San relâche, il continue de toquer les portes. Au bout de trois ans, la chance lui sourit, à nouveau. Avec l’aide d’une coopérante française basée au Mali et l’une de ses connaissances mal voyant en poste au ministère de l’Intérieur, Abdoulaye regagne de nouveau la Tunisie. Cette fois-ci pour les études de kinésithérapie.

Rebond

Malgré les années perdues, il dame encore les pions à ses camarades, décroche une licence professionnelle et devient le major de sa promotion.

Après quelques mois de stage pratique, il intègre la fonction publique en 1983. Mais quatre ans plus tard, le Kinésithérapeute jette l’éponge. En 1987, il fait partie de la première vague de partants volontaires à la retraite. «Je quittais ma maison à Niamakoro à 5 heures du matin. J’amenais mon premier garçon-aujourd’hui âgé de 38 ans-au jardin d’enfants. À 6 heures, 7 heures, je commençais déjà à travailler, alors que les autres collègues ne sont pas encore arrivés. Le soir, j’étais le dernier à quitter le travail», raconte le toubib. « Je me suis dis: vu l’effort que je fournis, pour être utile à la nation, il va falloir que j’ouvre un cabinet privé. Ce n’est pas parce que le salaire était bas, mais parce que j’avais assez d’énergie. Et je voulais servir d’exemple aux autres handicapés», ajoute-t-il.

Commence alors pour Abdoulaye, une nouvelle aventure dont les débuts ne seront pas très prometteurs. «Quand je commençais, les patients venaient au compte goutte», affirme-t-il.

Pour joindre les deux bouts, il cultive dans la cour de l’UMAV où il a installé son cabinet, d’abord dans une petite cabane. A l’époque, témoigne le kinésithérapeute, il n’y avait pas encore assez de maisons. «Je vendais aussi de l’eau fraîche portant la blouse blanche », rappelle-t-il.

Mais tout cela, n’est plus qu’un souvenir. Celui qui emploie, aujourd’hui, une dizaine de personnes dans son cabinet de soin, Abdoulaye Diallo, l’un des meilleurs Kinésithérapeutes au Mali l’évoque avec fierté.

Source : le Jalon

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