Jeudi 2 mai 2019, La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a publié les résultats de son enquête sur l’attaque survenue à Ogossagou le 23 mars dernier et qui a fait 160 morts. Ces enquêtes prouvent qu’à cette date une bavure qualifiable de crime contre l’humanité a été commise dans ce village.
Déployée sur le terrain du 25 au 29 mars 2019, la mission d’enquête de la MINUSMA apporte les conclusions de ses enquêtes. «Au terme de l’enquête, la MINUSMA est en mesure de conclure que le samedi 23 mars 2019, aux alentours de 5h du matin, un groupe composé d’au moins une centaine d’hommes armés, identifiés comme des chasseurs traditionnels (dojos) et accompagnés par une dizaine d’hommes en tenue militaire et d’autres en tenue civile, a mené une attaque planifiée, organisée et coordonnée sur la partie peule du village d’Ogossagou », lit-on dans le communiqué de presse de la MINUSMA.
Dans ce communiqué, nous pouvons passer en revue la manière dont cette attaque a eu lieu. Il s’agit d’une attaque armée ayant opposé les « dojos » à un groupe d’autodéfense peul. La supériorité en nombre et en arme de feu a fait sourire la chance au groupe de chasseur, précise ledit communiqué avant d’indiquer que 157 membres de la communauté peule ont trouvé la mort, dont 12 membres du groupe d’autodéfense peule. « Parmi les victimes, il convient de noter la présence de déplacés peuls qui avaient fui les violences dans d’autres localités du cercle de Bankass, y compris des survivants de l’attaque de la partie peule du village de Koulogon du 1er janvier 2019 », déplore la MINUSMA à travers son communiqué.
Cette enquête a permis de comprendre que les assaillants ont tué à balles réelles la majorité des victimes, brûlé 220 cases et blessé 65 personnes parmi lesquels 17 enfants. « L’équipe a pu localiser et confirmer l’existence d’au moins trois fosses communes contenant au moins 40 corps dans chacune des deux premières, et au moins 70 corps dans la troisième », lit-on dans le communiqué de presse de la mission onusienne au Mali.
À en croire au communiqué, depuis 2018, 37 cas d’atteintes aux droits de l’homme et 115 morts ont été attribués aux groupes d’autodéfense communautaire présents dans la région de Mopti. « Selon la Division des droits de l’homme et de la protection de la MINUSMA, l’impunité dont bénéficient les groupes d’autodéfense depuis un certain moment au centre du Mali alimente davantage le cycle des violences et d’atteintes aux droits de l’homme commises à l’égard des populations civiles », indique ledit communiqué qui précise que l’attaque contre Ogossagou-peul est qualifiable de « crime contre l’humanité » s’elle est prise dans son contexte.
Lors du point de presse bimensuel de la MINUSMA le 2 mai dernier, le Directeur de la Division des droits de l’homme de la MINUSMA, M. Guillaume Ngefa, a tenu a exposé toute la méthodologie utilisée dans le cadre de cette enquête. À ses dires, cette conclusion d’enquête est le résultat de plusieurs entretiens avec des survivantes. Au total, 90 personnes de plusieurs catégories ont été écoutées. Quant à l’implication de Dan Nan Amassagou, il rappelle : « Le 20 mars, soit trois jours avant l’attaque, un communiqué du groupe de chasseurs Dan Nan Ambassagou faisait état « d’attaques des bandits armés habillés en tenue militaire » qui menacent le « pays Dogon », et de la détermination du groupe à y répondre. »
À l’en croire, des armes à feu automatiques de type AK47, des fusils de chasse traditionnels, des machettes et des couteaux ont été utilisés au cours de cette attaque. « Les quelques 1351 douilles recueillies sur les lieux par les experts de police scientifique d’UNPOL et les nombreuses habitations criblées de balles, bien supérieures aux nombres de douilles retrouvées après les attaques sur Koulogon-Peul, Minima Maoudé-Peul et Libé-Peul, témoignent de l’ampleur et de l’intensité de l’attaque, et confortent ainsi la confrontation entre les dojos et les éléments peuls armés basés dans le village », précise M. Ngefa qui indique également l’état désastreux des puits après cette attaque. « Je tiens donc à rappeler que les atteintes aux droits de l’homme constatées dans le cadre de cette enquête sont prohibées par le droit international des droits de l’homme et le droit national malien, et pourraient, si jugées devant un tribunal compétent, constituées des crimes contre l’humanité », conclut-il.
Fousseni TOGOLA