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Assétou Gologo dite Tétou : Créatrice dans l’âme

Titulaire d’un DEA en langues, elle est partie d’une expérience de la vie pour se lancer dans la fabrication des bijoux traditionnels

 

Sourire aux lèvres, assise devant un tas de perles, Assétou Gologo dite Tétou est plongée dans ce qui la passionne le plus : la création de bijoux traditionnels africains. Dans son atelier, le visiteur est plongé dans un univers de beaux bijoux de perles. Les colliers et bracelets sont inspirés de la tradition revisitée par cette créatrice. Elle y ajoute sa touche personnelle tout en continuant à utiliser des perles contemporaines. La cinquantaine révolue, notre artiste, avant de se lancer dans l’univers de la bijouterie, a eu un parcours professionnel atypique.

Titulaire d’un DEA en langues, obtenu en Russie en 1992, Tétou a quitté son dernier emploi dans une multinationale, il y a une quinzaine d’années pour mettre sur pied « Tamacali », cette petite entreprise artisanale malienne qui produit des bijoux de perles. L’artisane, maman et grand-mère, réussit des mariages harmonieux. Le résultat est merveilleux.

Cette passionnée explique : « Quand je crée, il s’agit du mariage harmonieux, entre la voix intérieure, et ce que je vois. J’ai beaucoup d’imagination. Et l’imagination se nourrit surtout des sensations que nous procure le monde extérieur. J’utilise les perles traditionnelles pour faire du contemporain avec de l’ancien. Je m’exprime en créant. Chaque jour porte un message nouveau ».

C’est un coup du sort qui a révélé les talents de cette artisane innée. Elle raconte en souriant le choc qui a libéré son génie artistique : « Un chagrin d’amour a fait de moi une artiste. En fait, je suis artiste dans l’âme. Il y a eu ce déclic, qui m’a permis de m’assumer. Je n’ai pas appris à le faire. J’ai juste suivi ma passion. Fort heureusement, j’ai pu réunir une petite équipe aussi passionnée que moi ». Les Maliennes portent-elles ses créations ? Notre interlocutrice répond par l’affirmative. Elle soutient que ses plus anciennes et fidèles clientes sont des Maliennes.

« Ma clientèle est surtout africaine, et les Maliennes sont majoritaires. Ce sont des femmes ayant voyagé, ou ayant vécu ailleurs. J’ai aussi des clientes de condition modeste.

Quand quelqu’un craque pour Tamacali, Tamacali craque pour cette personne », lance-t-elle. Porter du « Tamacali », c’est assumer le regard. Les clientes sont sûres d’elles et aiment être admirées pour leur originalité.

Dans son atelier, Tétou offre une gamme de colliers à partir de 2.500 Fcfa. Certains bijoux coûtent 100.000 Fcfa ou plus. Le prix, précise-t-elle, dépend de la matière et du temps de travail. « La cliente arrive avec 10.000 Fcfa, et ressort avec une jolie parure, présentée dans une pochette en tissu de la COMATEX et une carte de garantie », dit-elle.

Malgré la crise économique du moment, notre artiste garde son légendaire sourire et l’espoir d’un lendemain meilleur. Le secteur de l’artisanat est au ralenti depuis l’éclatement de la crise dans notre pays en 2012. Le pays est classé dans la zone orange. L’impact est dur. Il y a moins de touristes, moins de ventes, moins de contacts, moins d’envie d’organiser des expositions, de participer à des événements, etc.

L’APPUI DE L’ÉTAT- Tétou évoque aussi la difficulté d’approvisionnement en matières premières. « Certaines perles que nous utilisons viennent de la Région de Mopti. C’est de plus en plus difficile et cher de les trouver. De nombreux secteurs sont touchés. Et parfois le moral baisse, mais on tient bon », indique-t-elle. La créatrice pense que les structures ont besoin d’être mieux accompagnées pour avoir un meilleur accès aux points de vente.

à ce niveau Tétou propose d’ouvrir une boutique qui vend les œuvres des créateurs maliens, à l’aéroport, dans les grands hôtels, etc. « Les créateurs ont besoin d’être accompagnés dans ce sens, suggère-t-elle. Pourquoi pas par les services compétents de l’état ? Un répertoire national pourrait rendre visibles tous les créateurs.

Ce document serait distribué dans tous les ministères. Les services publics seraient vivement encouragés à acheter chez nous, les cadeaux par exemple. L’ancien Premier ministre, Oumar Tatam Ly, avait sorti un décret dans ce sens. Il y a des pistes, mais il s’agit comme on le dit de « volonté politique ». Nous produisons de manière autonome, mais la commercialisation peut être difficile. »

En plus d’être une artisane experte, Tetou est engagée dans la promotion du genre et la sauvegarde des valeurs socioculturelles positives. Ses héros sont ses modèles. Feu son père, était un compagnon de lutte du président Modibo Keïta. Il était aussi écrivain, médecin, journaliste, politicien très engagé pour le Mali, et sa souveraineté.

Sa mère, paix à son âme, a eu une vie, à laquelle elle n’était pas préparée, en tant que fille de « garibou », mais elle a su y faire face.
Cependant, le mot genre, pour définir la femme ou l’homme dérange notre interlocutrice. Cela fait penser, qu’il existe aussi un genre « neutre ». Elle précise sa vision de la sauvegarde des valeurs socioculturelles positives en ces termes : « La lecture, le questionnement, l’observation, les coups, bons comme mauvais encaissés dans la vie, m’ont permis d’avoir une autre lecture de notre culture, de nos traditions ».

Tétou est-elle une femme émancipée ? « Emancipée de qui ?», s’interroge celle qui se dit femme africaine ; un être humain qui cherche sa voie et cherche à faire son travail, dans le respect des valeurs. Les problèmes auxquels elle fait face dans cette vie, sont liés au monde actuel et à son mode de fonctionnement, qui tend à proposer une clé pour ouvrir toutes les serrures. C’est non seulement inutile mais vain. Les peuples vivent, ont une histoire, et pensent à leur futur. Donc, si elle est une femme émancipée, c’est peut-être de ce monde. Elle est émancipée ou tente de l’être.

Comment voit-elle l’avenir ? « Une question très difficile pour moi aujourd’hui. J’aurais dit beaucoup de choses en réponse à cette question, il y a quelques années. Mais aujourd’hui, avec toutes les incertitudes, j’ai du mal à le faire. La crise dans le pays s’aggrave. Tous les secteurs sont touchés, et maintenant il y a le coronavirus… Pas facile de rêver rose… Déjà, j’ai deux événements auxquels j’étais invitée à l’étranger et ici. Ils viennent d’être annulés. Je pense qu’on va essayer de positiver, ne pas baisser les bras, garder notre sens de l’humour, avoir beaucoup d’amour, et ainsi contribuer au retour de la sérénité dans le pays », soutient-elle, le visage pas triste mais grave.

L’artisane nous invite à aimer ce que nous sommes et à nous aimer les uns les autres. Tetou conseille : « Nous devons réapprendre à aimer, afin que l’intolérance et la violence omniprésentes retournent aux oubliettes ».

Mariam A. Traoré

Source : L’ESSOR

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