Pour les législatives de 2020, la proclamation des résultats définitifs par la cour constitutionnelle entraine une crise post-électorale. Courant jeudi 30 avril, il a fallu attendre l’arrêt infernal de l’institution pour assister au secouement du pays. Déni de justice, ou erreur impardonnable qu’il soit, l’arrêt de la cour a fait pleuvoir des manifestations à Bamako, Sikasso, Yanfolila, Kati, Bougouni et bien d’autres circonscriptions électorales du pays.
Encore une fois, la cour constitutionnelle du Mali a fait parler d’elle. Compétente pour le dernier mot des élections au Mali, l’institution dirigée par Manassa Dagnoko s’est fait désobéir par le peuple. Même si l’arrêt de la cour demeure irrévocable en matière électorale, la proclamation de ses résultats du deuxième tour des législatives de 2020 est loin d’être admise par moult Maliens. De ce fait, depuis jeudi 30 avril, jusqu’à ce lundi 4 mai, des partisans politiques comme simples citoyens expriment leurs émois. Ils exigent la restitution de leurs voix « enlevées » par la cour constitutionnelle.
Dans la circonscription électorale de Kati, des manifestants ont contesté l’arrêt de la cour constitutionnelle. Conformément aux résultats provisoires qui ont été donnés par le ministère de l’Administration territoriale, ils estiment que leurs candidats sont élus députés pour le cercle de Kati. Des jeunes de Kati menaçant de paralyser le pays brûlaient des pneus sur les lieux publics. « Nous demandons au président IBK, nous savons à qui nous nous adressons, notre victoire ne nous sera pas retirée. Nous ne sortons pas dans le hasard, nous prenons tout le temps qu’il faut pour bien viser l’ennemi. Nous demandons à tous les endroits où il y a eu de l’injustice de la part de la cour constitutionnelle de nous mobiliser. Nous ne sommes pas là pour sauver un individu, mais pour sauver le pays. Nous n’allons pas accepter que notre victoire soit volée. Nous allons sortir pour paralyser le pays », explique Adama Ben Diarra dit le cerveau, parlant au nom des manifestants de Kati.
Dans le cercle de Yanfolila, les mêmes scénarios de consumer des pneus se produisait. Suivant les propos d’un manifestant, « le ministre porte-parole du Gouvernement Yaya Sangaré n’a pas gagné à Yanfolila. C’est son adversaire politique qui a gagné les élections avec un écart de plus de 3.000 voix. Mais la cour constitutionnelle a modifié les résultats en sa faveur et Wassolo s’oppose. Nous voulons qu’elle mette nos voix à leur place sinon nous détruisons tous les bureaux des sous-préfets en plus de ceux des administrations ».
Devant le gouvernorat de Sikasso, ils étaient nombreux à manifester leur mécontentement. En plus de couper l’axe Bamako-Sikasso, les Sikassois brûlaient également des pneus au milieu du goudron.
« Il n’y a pas de justice au Mali. Dans cette élection, nous avons risqué tout. Nous avons travaillé d’arrache-pied pour cette victoire, injectant tout notre argent. Ici à Sevaré, nous ne sommes pas d’accord avec les résultats de la cour constitutionnelle. Tout le monde doit se tenir debout pour réclamer cette victoire. Manassa elle-même sait pertinemment qu’elle n’a pas dit la vérité de ces résultats. Nous voulons que les sous-préfets et les préfets partent de chez nous, ils ont tout mélangé. On se demande si c’est l’élection ou la nomination des députés ? », tel reste le message de certains manifestants de Sevaré, dans la région de Mopti.
À Bougouni, les partisans de l’alliance RPM-URD- MPM de Bakary Togola et ses colistiers ont manifesté. Femmes comme hommes, chaque manifestant exprimait son désarroi, coupant la route nationale (RN7). Habillé en rouge, signe de colère, un jeune s’est exprimé : « Le pacifisme des gens de Bougouni devient une autre chose. Nous sommes sortis pour réclamer notre victoire. La cour constitutionnelle doit être impartiale, tel n’est pas le cas. Nous réclamons la victoire de Bakary Togola et ses colistiers. Le pays n’appartient pas à Manassa qui manipule la voix des gens comme elle le souhaite ».
Suivant Moussa Koné, un manifestant de Bougouni, « les Maliens ne vivent plus dans un État ». Pour sortir Bakary Togola de la prison, dit-il, des gens qui n’ont jamais connu les urnes ont voté cette année. Il maudit IBK et tous les complices de la cour, estimant que le régime veut ainsi maintenir « Bakary Togola dans la prison ».
À Doumanzana, en commune I, ainsi qu’en commune II, V, et VI du district de Bamako, des citoyens ont contesté l’arrêt de la cour constitutionnelle, réclamant le triomphe de leurs candidats. Selon les informations, des balles réelles ont été tirées lors de la manifestation de Doumanzana. Aussi, une dizaine de personnes ont été interpellées à Bougouni par la police. Ce lundi 4 mai, une géante manifestation est, selon les annonces, prévue en commune I.
Mamadou Diarra