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Armée tchadienne-MNLA-MIA… : en chiens de faïence

Nous nous en sommes rendu compte, quelques minutes après notre arrivée à Kidal. Pour pouvoir passer le check-point sud de la ville, contrôlé par les éléments du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), nous avons demandé à une autochtone de contacter l’armée tchadienne. Chose faite, le samedi 13 avril, vers 15 heures, nous avons été accueillis par deux pick-up tchadiens. En passant devant certains combattants du MNLA, nous pouvions lire dans leur regard le sentiment d’amertume qu’ils avaient vis-à-vis des Tchadiens.

Des officiers tchadiens, le 7 février à Kidal. | REUTERS

Des officiers tchadiens, le 7 février à Kidal. | REUTERS

«Si vous n’aviez pas eu la clairvoyance de nous faire appel, ces bandits allaient vous faire disparaître. Ils sont très faux dans leur façon de faire. Ils ne disent jamais la vérité et ils côtoient tous les trafiquants de drogue de la ville. En tout cas, je sais que tout cela va prendre fin dans peu de temps. Dans très peu de temps», nous a confié un adjudant des FAT (Forces Armées Tchadiennes).

 

Nous décidons d’aller faire un tour en ville. La présence de l’armée tchadienne est forte. On les voit un peu partout sur le qui-vive. Un caporal tchadien, qui nous tient compagnie, nous explique que «la troupe tchadienne installée, au camp 2 de l’armée malienne, avait établi un périmètre de sécurité autour du marché depuis l’attentat kamikaze perpétré vendredi 12 avril et qui a fait quatre morts dans ses rangs».

 

Au gouvernorat de Kidal, ou pour ce qui en reste encore, quelques éléments armés (du MNLA nous dira-t-on plus tard), font du  thé certainement désœuvrés. A notre approche, ils essaient de nous stopper. Le militaire tchadien leur fait signe pour leur signifier que nous sommes ensemble. Mais les jeunes insistent et nous nous arrêtons. Fou de rage le Tchadien retourne et vocifère sur les chétifs combattants du MNLA : «vous êtes malades ? Je vous ai fait signe et vous ne comprenez pas ? Vous voulez la bagarre ou quoi ?» lance-t-il, la main sur la gâchette de son 12,7.  Rapidement, un chef des jeunes combattants vient et supplie le militaire tchadien. En nous éloignant nous entendons le combattant du MNLA insulter ses subordonnés.

 

Sur les hauteurs d’Etambar, les bureaux du PIDRK, des Direction régionales de l’hydraulique, de la douane, pour ne citer que ces structures, sont en ruines. Ce sont des endroits fréquentés par les ânes. Vers le côté nord de la ville, le lycée, le camp de la gendarmerie, le tribunal…sont des bâtiments fantômes. Quant aux chantiers de la prison et du nouveau palais de justice, ils sont devenus un refuge pour les lézards.

 

Le 27 février 2013, un attentat (le second de la ville) frappait Kidal, vers la sortie conduisant à Ménaka. «J’ai d’abord vu une grande bulle de lueur dorée au ras du sol, puis une corolle orange sombre, qui monte dans l’obscurité. Après quelques minutes d’hésitation, j’ai compris qu’un nouvel attentat venait de frapper notre localité », nous a confié un jeune Kidalois.

 

En compagnie des militaires tchadiens, nous sommes retournés sur les lieux. Les traces du spectacle macabre perpétré par l’un des nombreux candidats au martyr. Selon des riverains que nous avons trouvés sur place, les hommes qui tenaient ce poste ont été fauchés à la fois par l’explosion, les éclats divers et la projection dans leur direction du bloc moteur du véhicule pulvérisé. En ce début de soirée, affirment nos interlocuteurs, les jeunes étaient groupés, occupés à découper une chèvre tout juste égorgée pour le dîner, avant une nuit de veille. Un pick-up est arrivé depuis l’intérieur de Kidal. A une dizaine de mètres, le kamikaze a actionné le dispositif explosif. Selon une source bien informée, à Kidal, «il y avait du TNT dans le Land Cruiser, pas de l’explosif artisanal fabriqué à partir d’engrais».

 

A une dizaine de mètres du pick-up broyé, on a enterré, dans une fosse commune, les dépouilles en lambeaux des six hommes  emportés par l’explosion et celle du kamikaze. Seuls restent les noms des malheureux hachés par l’explosion. Des détails sur le kamikaze, on en sait que peu : «Il avait les cheveux longs», affirme en hésitant un autochtone. Chiche indice. Touareg ou Arabe, étranger ? On n’en saura pas plus.

 

A Kidal, rien n’est jamais loin. Le danger surtout. «Ici, on doit se méfier de tout le monde», lance un responsable de l’armée tchadienne. Avant d’ajouter : «Le MNLA est très flou. On ne sait pas ce qu’il veut réellement. Nous sommes ici et nous savons qu’ils nous observent. Nous ne sommes pas dupes. Nous sommes prêts…». Prêts à quoi? Avec un sourire plutôt crispé, le militaire ne lâchera  plus un mot.

 

Il faut reconnaître que «l’entassement de forces» dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas ne donne pas encore la grille de lecture de Kidal. Et bien de questions restent en suspens : que va devenir le MNLA et quels sont ses objectifs ? Combien de temps l’armée malienne, qui n’a pas dépassé la limite d’Anefif (170 kilomètres plus au sud), peut-elle renoncer à poursuivre la «reconquête du nord» promise par la France en se voyant interdite d’accès à une vaste partie de ce même nord ? A quoi joue l’armée française qui reste murée au camp 2, voire invisible dans cette ville de Kidal ?

 

Quelques heures après avoir fait un tour en ville, il fallait plier bagages, l’atmosphère étant devenue trop lourde. Jusqu’à ce qu’une solution définitive soit trouvée pour la huitième région du Mali, Kidal restera une ville pétrie d’ambigüité.

 

Paul Mben, envoyé spécial.

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