Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, et son Premier ministre, Boubou Cissé, doivent se rendre mardi dans le village dogon où 95 personnes ont été tuées dimanche soir.
Le président du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, qui doit rentrer dans la journée de Suisse où il se trouvait pour le sommet de l’Organisation internationale du travail (OIT), a annoncé qu’il se rendrait, mardi 11 juin, à Sangha, dans le village dogon où 95 personnes ont été massacrées dimanche soir. Son Premier ministre, Boubou Cissé, a également annoncé qu’il se rendrait sur place, accompagné des ministres de la Défense et de l’Administration territoriale, selon la Primature.
Les assaillants ont mis le feu au village et abattu tous ceux qui essayaient de sortir des habitations, a précisé le maire de Sangha, joint au téléphone par France 24. “Le village est en grande partie détruit”, a-t-il déclaré.
Selon le maire de Sangha, 108 personnes sont revenues, sur les 300 habitants environ que compte le village. Elles ont été installées dans une école de Koundou, le village voisin. Beaucoup se cachaient en brousse jusque-là.
Par ailleurs, le maire assure avoir prévenu les autorités la veille de l’attaque, qui a eu lieu selon lui de 19h à minuit, mais les forces maliennes, pourtant situées à une vingtaine de kilomètres, ne sont arrivées que le matin.
Des corps réduits en cendres
Le maire de Sangha assure que 95 corps calcinés ont été retrouvés pour le moment. Un bilan qui pourrait selon lui augmenter. De son côté, le ministère malien de la Défense a confirmé la découverte de 95 corps et annoncé que 19 personnes étaient portées disparues.
Un autre bilan, communiqué plus tard par le ministre de la Communication, évoque 35 morts sur la base des corps qui auraient été identifiés par le gouverneur de Mopti. Mais le bilan plus élevé de 95 morts a été confirmé par le poste de sécurité de Diankabou, qui a réalisé une mission sur les lieux avec le maire de Sangha, et par la Mission de l’ONU au Mali (Minusma).
Les 35 morts évoqués par le ministre sont les corps qu’ils ont pu inhumer, affirme le maire de Sangha, les autres corps étant réduits en cendres et pouvant se confondre avec les cases brûlées selon lui. Le maire dit avoir fait le décompte, notamment avec les survivants, pour savoir qui était dans chaque case. Il accuse les autorités de vouloir minimiser l’attaque.
Des zones sous la coupe de groupes jihadistes
“Selon les civils, ce sont des hommes armés qui sont venus tirer, piller et brûler. C’est un village de 300 habitants. C’est vraiment la désolation”, a déclaré, sous couvert d’anonymat, un élu de la commune de Koundou, où se situe le village.
Le nord du Mali était tombé en mars 2012 sous la coupe de groupes jihadistes, en grande partie dispersés par une intervention militaire, lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France [Serval], qui se poursuit. Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU, malgré la signature en 2015 d’un accord de paix censé isoler définitivement les jihadistes, dont l’application accumule les retards.
91 violations des droits de l’homme
Depuis 2015, ces violences se sont propagées du nord au centre du pays, voire parfois au sud. Elles se concentrent surtout dans le centre, se mêlant très souvent à des conflits intercommunautaires. Ces violences ont culminé le 23 mars 2019 avec le massacre à Ogossagou, près de la frontière burkinabè, de quelque 160 villageois peuls par des membres présumés de groupes de chasseurs dogons.
Depuis janvier 2018, la division des droits de l’homme et de la protection de la Minusma a documenté 91 violations des droits de l’homme, commises par des chasseurs traditionnels contre des membres civils de la population peule, dans les régions de Mopti et de Ségou. Ces violences ont fait au moins 488 morts et 110 blessés, indiquait le 16 mai la Minusma, lors d’un point de presse.
Avec AFP