Face à des allégations de spéculations sur l’approvisionnement des paysans, le chef du département a jugé utile de faire une sévère mise au point.
« Je veux un parcours sans faute pour la délivrance des cautions techniques et la livraison des engrais aux paysans », a martelé le ministre de l’Agriculture, Kassoum Denon, hier, devant tous les directeurs régionaux de l’agriculture réunis dans la salle de conférence de la Direction nationale de l’agriculture.
Lors d’une sortie musclée, le ministre Denon, s’exprimant dans un langage de fermeté sur l’approvisionnement des paysans en engrais, a ajouté qu’il y a « trop de dérapages et de malversations qui (lui) sont rapportés chaque jour ». « Je veux que ces pratiques malsaines cessent et les agents de terrain, y compris vous les responsables régionaux respectifs qui se rendront complices de ces pratiques encourront les sanctions pénales qui s’imposent », a-t-il prévenu devant tous les directeurs régionaux, à l’exception de celui de Kidal, convoqués in extremis à Bamako pour leur transmettre ce message sous forme de coup de semonce.
« J’ai instruit à tous les responsables nationaux et régionaux des structures d’encadrement de mettre fin aux spéculations sur la délivrance des engrais aux paysans. Le mode opératoire de l’approvisionnement des paysans en engrais doit changer. J’ai approuvé une liste restreinte de 12 fournisseurs (au lieu de 97 dans le précédent marché) qui seront habilités à soumissionner pour le marché de la deuxième tranche d’engrais », a poursuivi M. Denon.
« Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, a accepté à titre exceptionnel d’apporter une enveloppe supplémentaire de 5 milliards de Fcfa au budget pour l’approvisionnement des paysans en engrais cette année, compte tenu de l’engouement que cette initiative a suscité », a rappelé le ministre Kassoum Denon qui s’est dit « peiné d’apprendre que des agents s’adonnent à des spéculations sur la délivrance des cautions techniques qui ouvrent l’accès des paysans aux engrais ».
Le chef du département a, par ailleurs, rappelé qu’il n’a pas apprécié qu’une instruction confidentielle qui ramène le nombre de fournisseurs de 97 à 12 soit divulguée sur la place publique. A la suite de quoi, son département est assailli de toutes parts par les autres fournisseurs qui demandent à faire partie de la liste. « Au Tchad, un seul fournisseur approvisionne le pays en engrais contre 4 au Burkina Faso, le même nombre au Sénégal et 6 en Côte d’Ivoire », a-t-il fait remarquer.
Désormais, la taille des fournisseurs sera réduite au maximum et les postulants doivent répondre aux critères édictés dans l’avis de manifestation d’intérêt et un appel d’offres international sera ouvert. Le fournisseur qui ne justifiera pas d’un chiffre d’affaires de 10 milliards de Fcfa par an vérifiable dans une banque et celui qui ne disposera pas de 1 milliard de Fcfa de chiffres d’affaires vérifiable également dans une banque pour les produits phytosanitaires ne pourront pas postuler pour le marché ni des engrais, ni des produits phytosanitaires au Mali, a martelé le ministre de l’Agriculture.
Les 5 milliards de Fcfa supplémentaires qui seront débloqués représentent une quantité de 35.000 tonnes additionnelles d’engrais soit 20.000 tonnes de DAP et 15.000 tonnes d’urée que le Président de la République Ibrahim Boubacar Kéita a accepté de mettre à la disposition des paysans. « Nous avons le devoir de faire honneur à l’engagement du Président de la République à soutenir l’agriculture. Car, la croissance du PIB du Mali est due en grande partie aux résultats de l’agriculture », a rappelé le chef du département.
Il a engagé le directeur national et tous les directeurs régionaux à assainir l’approvisionnement des paysans en engrais. Car, a-t-il rappelé aux agents, « la caution technique qui est donnée au fournisseur pour les quantités délivrées vaut valeur de chèque que l’intéressé empochera auprès du Trésor public ».
Il a demandé à ce que les agents vérifient, personnellement, toutes les quantités et l’état physique des stocks déclarés et que les cautions données reflètent impérativement les quantités déclarées. « L’agent doit être présent au moment de l’enlèvement des engrais du magasin et vérifier la mise effective dans le champ, » a souligné le ministre aux directeurs. « Utiliser les radios de proximité et tous les canaux possibles de communication pour véhiculer les informations relatives à la délivrance des cautions, aux quantités d’engrais livrées et encourager la mise effective des engrais dans les champs », a-t-il suggéré.
Sur les allégations de malversations dans la gestion des engrais dans les régions de Sikasso et de Koulikoro, le ministre a souhaité avoir dans les plus brefs délais des clarifications. Le directeur régional de l’Agriculture de la région de Sikasso, Philippe Togo, et celui de la région de Koulikoro, Oumar Tamboura, ont aussitôt demandé la parole pour éclairer la lanterne du ministre.
Tous les deux ont reconnu des difficultés relatives aux quantités insuffisantes d’engrais subventionnés pour leurs régions respectives par rapport à la très forte pression sur ces intrants. Ces inquiétudes ont été partagées par leurs collègues des régions de Ségou, du District de Bamako et de Tombouctou.
De façon unanime, les directeurs régionaux ont tous apprécié la démarche du département d’assainir le secteur des engrais et ils ont promis de fournir, dans les plus brefs délais, comme le ministre l’a souhaité, un état des lieux sur toute la problématique des engrais dans leur région.
Avant de mettre fin à la réunion, Kassoum Denon « a insisté sur l’intégrité, l’équité et la sincérité dont doit faire preuve tout agent impliqué de près et de loin dans la gestion des engrais subventionnés ». Il a également insisté sur le fait qu’il déploierait toute son énergie pour punir tout agent contrevenant, afin que ce dernier « serve d’exemple aux autres ». « Ce geste sera le seul moyen de couper l’herbe sous les pieds des détracteurs », a conclu le ministre Denon.
M. COULIBALY
Source : L’Essor