Signé depuis 2015 entre l’État malien et les groupes armés, l’application de l’accord pour paix et la réconciliation issu du processus d’Alger peine à se concrétiser pour plusieurs raisons.
Mahamat Saleh Annadif, l’ancien chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA), avant de quitter le Mali, a pour sa part tenu à dire ce qu’il pense des maux qui entravent l’application de cet accord. Selon le diplomate tchadien, l’accord pour la paix a souffert de deux péchés originels : l’Accord pour la paix, après sa signature aurait dû être le plus médiatisé possible et devait être présenté au niveau de l’Assemblée nationale pour en parler, pour l’expliquer et pour que la session soit radiotélévisée. « Je le dis parce que je viens d’un pays qui s’appelle le Tchad où j’étais ministre des Affaires étrangères où je suis parti signer des accords de ce genre et j’ai fait un tel exercice. Chaque fois que j’arrive, je me présentais devant l’Assemblée nationale, j’expliquais le contenu de l’accord ». Ce qui n’a pas été fait.
En réalité beaucoup de Maliens ignorent fondamentalement ce qui été conclu entre l’État et les groupes armés.
Pour Annadif, «contrairement à ce que les gens disent, ce n’est pas pour ratifier un accord, c’est pour que chacun l’écoute, intériorise son contenu et que toutes les populations s’engagent à sa mise en œuvre. En général, on finit par une résolution ou l’Assemblée prend acte de l’accord. Ce qui faciliterait sa mise en œuvre. Et personne ne pourra venir dire je ne connais rien de l’accord’ comme on le voit ici au Mali ». Il ajoutera qu’un accord comporte toujours une clause transitoire qui permet d’amorcer les réformes nécessaires. « Dans les accords que j’ai eu à signer, il y a toujours une clause qu’on appelle clause transitoire, provisoire qui indique qu’on a signé l’accord, quand on va commencer les réformes politiques et institutionnelles, les réformes de défense et de sécurité, le processus de réconciliation, le processus socio-économique. Passé un tel délai, les mouvements signataires de l’accord doivent choisir, soit de fusionner avec certains partis politiques existants, soit de se transformer en partis politiques parce qu’ils abandonnent la lutte armée et ils peuvent revendiquer des valeurs, des objectifs par voie démocratique. Cette clause leur permet de se déconnecter de l’outil militaire et d’être des acteurs politiques sur le terrain ».
L’ancien chef de la Minusma a aussi déploré l’attitude de certains groupes signataires qui restent dotés de leurs ailes militaires, tout en siégeant au gouvernement. « Ça n’a pas été le cas au Mali. Nous avons été contraints, en 2018, de signer le Pacte pour la paix pour les encourager à aller vers le champ politique pacifique, civil. Ce qui fait qu’on a des acteurs qui participent aujourd’hui au gouvernement, on a des acteurs qui négocient mais qui, malheureusement, ont encore une aile militaire. Cela fait partie des choses qui auraient pu être évitées ».
Zié Coulibaly
Source : La Plume