Vivre de son art est avant tout une conduite de dignité et d’honnêteté avec soi-même. Trois de nos artistes, qui ont pignon sur rue, l’ont prouvé suffisamment à l’occasion des élections législatives de ce 29 mars qui se sont déroulées dans un fiasco sanitaire aux conséquences imprévisibles.
Ils sont humoristes en ce qui concerne Kanté et Alima Dioba Togola, et rappeur pour ce qui est de Galedo Master Soumy. Trois artistes de grande notoriété, adulés jusqu’au-delà de nos frontières. Trois artistes, trois voix patriotiques qui, sur la douloureuse question de tenir ou non les dernières élections législatives jugées sataniques par l’écrasante majorité du peuple, ne sont pas demeurés sur la réserve; ils sont résolument montés au front pour le salut public, en se dressant héroïquement contre l’insouciance étatique. Quitte à se voir honnir, ils ont préféré en appeler à la conscience des dirigeants et du peuple quant aux multiples dangers inhérents à une pandémie mondiale dont le terreau de prédilection pour une grande contagion est justement les regroupements humains. Être humouriste ou musicien n’est pas qu’animer des spectacles, tenant en haleine des foules hilarantes, mais inconscientes des dangers qui les guettent, rien que pour empêcher de substantiels cachets et rouler dans des voitures rutilantes. Non, nos trois soldats ont choisi la voix de leurs consciences, l’intérêt général, la responsabilité de chacun vis-à-vis de la communauté, de la nation. Ils ont refusé de jouer aux boute-en-train, personnages sans autre vision qu’amuser les gens, sorte de dindon populaire, pour ne pas dire de dindon de la farce. Pendant que de prétendus dignitaires religieux relayaient les messages suicidaires des gouvernants pour un vote massif, Kanté, Alima et Master Soumy ont appelé au report des législatives pour épargner au peuple les assauts nuisibles du Coronavirus. Il faut avoir du courage pour le faire, de l’esprit patriotique, de l’exigence citoyenne. Ils ont sauvé l’honneur de la culture malienne, l’honneur de la culture africaine, contrairement à un IBK, porte-drapeau de la culture africaine au nom de l’Union Africaine mais qui, en la circonstance, a fait preuve d’un mépris condamnable pour ses concitoyens. La reconnaissance de la patrie sied bien à ceux qui ont souci de leurs concitoyens. En attendant, l’abstention massive aux couleurs de boycott et de rejet des législatives est déjà une couronne pour les trois dignes ambassadeurs de la culture.
Jules Diawara
LE COMBAT