Le chef de l’ex-junte, le général Amadou Haya Sanogo, inculpé la semaine dernière selon le communiqué gouvernemental pour tentative d’enlèvement risque gros si les faits qui lui sont reprochés sont fondés. Les chefs d’inculpation pourront s’élargir si jamais la justice parvient à apporter l’implication de Sanogo dans le charnier des 21 corps de bérets rouges découvert à Diago.
L’arrestation de Sanogo suscite beaucoup de débats et continue à alimenter les causeries dans notre pays. Considéré par certains comme le sauveur du Mali et par d’autres comme l’homme par qui tout le malheur s’est abattu sur le pays, l’ex homme fort de Kati passe du statut de héro à celui d’inculpé. Il est aujourd’hui dans de beaux draps, une situation pas du tout enviable. La gloire de Sanogo a été éphémère. De l’ascension, il a connu une chute vertigineuse. En attendant la fin de l’instruction et éventuellement le jugement, Sanogo est en train de se morfondre au fond de sa cellule. Ce qui nous intéresse dans cet article, c’est l’aspect juridique de la question. N’étant pas dans le secret de l’instruction, Amadou Haya Sanogo pourra être inculpé aussi de meurtre et d’assassinat ou de complicité de meurtre ou d’assassinat eu égard à certains indices. S’il est reconnu coupable, Sanogo pourra être condamné à la peine de mort.
Responsabilité de Sanogo :
La découverte d’un charnier à Diago près de Kati complique davantage les choses à Sanogo et à ses avocats. Au total, les enquêteurs ont retrouvés 21 corps sans vie dans une grande fosse. La question qui se pose est de savoir si Sanogo était étranger à l’enlèvement des bérets rouges nuitamment dans leur cellule. Ceux qui étaient enlevés, et amenés à une destination inconnue ne revenaient plus. Etant l’homme fort de Kati, Sanogo était censé être informé des agissements des hommes qui étaient sous son contrôle. Qui donnait l’ordre d’exécuter les bérets rouges ? Un moment donné, une partie de la presse nationale appelait Sanogo ‘’le boucher de Kati’’. De plus en plus, des échos parvenaient de Kati faisant état des massacres dans la garnison.
Complicité d’enlèvement :
En droit, l’enlèvement consiste à s’emparer de quelqu’un par la force, contre sa volonté. Selon l’article 240 de la loi n°01-079 du 20 aout 2001 portant Code Pénal ‘’quiconque par fraude, violence ou menaces, enlèvera un individu du lieu où il aura été placé par ceux à l’autorité desquels il était soumis ou confié, sera puni de cinq à vingt ans de réclusion et facultativement d’un an à vingt ans d’interdiction de séjour.
Il faut se rapporter à l’article 24 du code Pénal pour avoir une idée claire de la complicité. En la matière il y a la complicité active et la complicité passive. La complicité passive se traduit généralement par l’abstention d’intervenir afin d’éviter un crime ou délit ou de s’abstenir à dénoncer les auteurs. ‘’Sont également complices d’un crime ou délit ceux qui sans risque pour eux et pour les leurs, y ayant assisté, se sont abstenus d’intervenir pour empêcher sa perpétration ou qui, en ayant eu connaissance, se sont abstenus d’en dénoncer les auteurs ou complices’’ (article 24 du code pénal).
La responsabilité de Sanogo va au-delà de la simple passivité. Le code pénal malien est très clair sur ce point en son article 24 alinéa3, il dispose ‘’ ceux qui auront, avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action dans les faits, qui l’auront préparé ou facilité ou dans ceux qui l’auront consommée, sans préjudice des peines qui seront spécialement portées par le présent code contre les auteurs des complots ou attentats contre la sûreté de l’Etat, même dans le cas où le crime qui était le but des conspirateurs ou des provocateurs n’aurait pas été commis. Et l’alinéa 6 d’ajouter ’’les auteurs des faits de complicité seront punis des mêmes peines que les auteurs du crime ou du délit dont ils se sont rendus complices. Le législateur a dit précisément que le complice d’un crime ou délit sera puni de la même manière que les principaux auteurs. Donc la complicité active se traduit soit par aider, assister l’auteur de l’infraction ou même préparer ou faciliter sa perpétration. Eu égard à sa personnalité, à son rang au sein de la junte, Sanogo ne pouvait pas dire que même s’il n’a pas donné expressément l’ordre à ses subalternes d’exécuter ses confrères d’armes, qu’il ignorait les pratiques horribles auxquels ces derniers faisaient l’objet.
Amadou Haya Sanogo inculpé bientôt d’assassinat et de meurtre?
Le malheur ne venant jamais seul, une semaine après son inculpation, voila que le juge d’instruction vient de découvrir un charnier contenant le corps de 21 militaires maliens tous du régiment des commandos parachutistes appelés communément les bérets rouges. Les interrogatoires du juge Karambé porteront certainement sur ce charnier. D’autres militaires étant inculpés pour les mêmes faits ont déjà fait des révélations devant le juge. Elles n’épargneront certainement pas Sanogo. Les ex-compagnons de l’ex chef de la junte en tirant la couverture sur eux vont dire tout. Ce qui n’arrange aujourd’hui aucun ancien membre des tombeurs d’Amadou Toumani Touré.
Si Sanogo n’était poursuivi que pour tentative d’enlèvement, les données vont changer avec cette découverte macabre qui ne laisse personne indifférent. Le juge va certainement retenir contre lui de nouvelles charges. Et il sera poursuivi aussi pour meurtre et assassinat.
Une personne poursuivie pour enlèvement sera poursuivie pour meurtre ou assassinat dès que le corps sans vie de la personne enlevée a été retrouvé. Si on part sur cette hypothèse, Amadou Haya sera poursuivi pour meurtre et assassinat. C’est un véritable homicide que la bande à Sanogo s’est livrée contre tous ceux qui se sont opposés au coup de force. La peine encourue par Sanogo s’avère lourde si l’on va sur la base du meurtre ou de l’assassinat.
L’article 199 du code pénal dispose : ‘’l’homicide commis volontairement est qualifié de meurtre. Tout meurtre commis avec préméditation ou guet-apens est qualifié d’assassinat’’.
Le législateur a tenu à définir la préméditation. Elle consiste dans le dessein formé, avant l’action, d’attenter à la personne d’un individu, ou même de celui qui sera trouvé ou rencontré quand même ce dessein serait dépendant de quelque circonstance ou de quelque question. Le guet-apens consiste à attendre plus ou moins de temps, dans un ou divers lieux, un individu, soit pour lui donner la mort, soit pour exercer sur lui des actes de violence.
Il est important de savoir que si Sanogo est poursuivi pour meurtre ou assassinat, il sera condamné à la peine de mort. En outre, il pourra lui être interdit d’exercer définitivement l’activité militaire. Il faut rappeler que le juge d’instruction conformément aux dispositions du Code de Procédure pénale instruit à charge et à décharge. La personne poursuivie bénéficie de la présomption d’innocence. La dernière instruction a toujours lieu à la barre. Compte tenu de la gravité des faits et de la complexité du dossier, l’affaire sera certainement jugé par une cour d’assisses.
Birama Fall
Source: Le Prétoire