J’ai rencontré Issa Hayatou pour la première fois en décembre 1989 à Bamako lors de l’une de ses missions d’inspection des associations membres de la Confédération africaine de football. A cette occasion, nous avons fait la connaissance et depuis ce jour jusqu’à son dernier souffle, nous sommes restés ensemble.
Il est important de dire que ma relation avec Issa Hayatou était professionnelle, mais au fil du temps cela s’est transformée en une relation fraternelle. Il y a eu tellement d’appréciation et d’estime entre nous que nous sommes devenus comme des parents. Dès que nous avions des événements, il venait à Bamako afin que nous puissions le faire ensemble et vice-versa.
Pendant ces 30 ans de collaboration, j’ai retenu un homme extraordinaire par sa capacité de compréhension et de décision. Il n’a jamais failli pour prendre une décision parce que cela va faire mal à une personne ou à un pays. En plus de cela, il avait une analyse très aiguë des problèmes de football africain et mondial. Nous avons travaillé ensemble au comité exécutif de la Confédération africaine de football (Caf), mais c’était toujours le même homme avec une attitude courageuse et appréhendant les problèmes de façon objective et tranchante. La disparition d’Issa Hayatou est une perte immense pour le football africain et mondial.
Il faut également dire qu’Issa Hayatou a beaucoup apporté au football africain et mondial. D’abord, lorsqu’il venait la Caf était une institution connue, mais pas respectée. Il a apporté des améliorations à travers la transformation de la Coupe d’Afrique des nations (Can), les compétitions des clubs africains, l’augmentation de nombre d’équipes africaine à la Coupe du monde, l’organisation de la Coupe du monde en Afrique pour la première fois. Tout cela, était des luttes qu’il a menées durant sa carrière à la Caf.
L’organisation de la Coupe du monde de football se faisait par vote au niveau du comité exécutif de la Fifa, c’est-à-dire les Européens avaient huit (8) voix, les Africains avaient quatre (4) voix, les Asiatiques avaient quatre (4) voix et les autres avaient six (6) voix. Pour toute décision importante, les Européens l’emportaient parce qu’ils étaient majoritaires.
Cependant, Issa Hayatou avait lutté pour qu’il ait une rotation dans l’organisation de la Coupe du monde, c’est-à-dire qu’à chaque édition, c’était un continent seul qui peut se présenter et il était sûr qu’avec ce système, l’Afrique pouvait organiser une Coupe du monde de football. Il a pu imposer ce système et à travers ce système que l’Afrique a pu organiser une Coupe du monde de football en Afrique du Sud. Mais juste après nous, ils ont mis fin à cela, ce n’est plus la rotation, mais l’attribution se décide désormais à l’Assemblée générale de la Fifa. Désormais, il va être difficile qu’un seul pays africain organise la Coupe du monde. C’est vrai que le Maroc vient de l’avoir, mais c’est une co-organisation avec un autre pays européen.
Issa Hayatou a transformé le football africain. Avec lui, nous sommes entrés dans une nouvelle ère. Il était un homme extraordinaire et personnellement, j’ai beaucoup appris auprès de lui en m’inspirant de sa manière de gérer, de prendre des décisions et d’analyser le problème. Il m’a vraiment adopté parce qu’il m’écoutait toujours. Très souvent, il épousait mes analyses et il avait beaucoup de respect pour moi. Son amitié pour le Mali ne souffrait d’aucune contestation. Lorsque le Mali avait postulé pour l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations en 2002, nous n’étions pas du tout favoris parce qu’il y avait l’Egypte et l’Algérie et nous n’avions aucune chance d’obtenir l’organisation de la Can-2002, mais Issa Hayatou nous a aidé à l’obtenir l’organisation.
Depuis qu’il nous a attribué l’organisation de la Can-2002 partout dans le monde, les gens lui ont dit de chercher un plan B parce que le Mali ne pourrait pas organiser cette Can. Il m’avait dit qu’il a été interpellé même par des Maliens que le Mali ne pouvait pas organiser cette Can. Il a répondu à ces gens qu’il a confiance à Amadou et au Mali pour l’organisation de cette Can. Malgré cette critique, il a tenu à nous accompagner, c’est pour dire que sans Issa Hayatou, la Can-2002 n’aurait jamais eu lieu au Mali parce qu’ils ont tout fait pour l’en dissuader. Dieu merci, nous avons fait et cela a été l’une des Can la plus réussite”.
Propos recueillis par Mahamadou Traoré
Source : Aujourd’hui-Mali