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Allocution du Docteur Choguel Kokalla MAIGA, Premier ministre, Chef du Gouvernement

Honorables Représentants des populations de nos terroirs,
Messieurs les Dignitaires religieux,
Messieurs les Communicateurs dépositaires de la Tradition,
Au nom du Président de la Transition, Chef de l’Etat, Son Excellence
le colonel Assimi Goïta, je vous souhaite la bienvenue et vous invite à
vous sentir chez vous, cet après-midi, ici, au CICB :
A ni woula, a bissimilah, an bi koun.

Notre sagesse populaire enseigne : quand vous invitez les gens, si
vous ne leur donnez pas quelque chose, vous leur dites quelque chose.
J’ai choisi de vous dire quelque chose.
La cérémonie qui nous réunit aujourd’hui est une première dans les
annales de notre histoire nationale. Je ne dis pas que vous n’avez
jamais été associés à la gestion des affaires de l’Etat. Mais, au moment
des grandes décisions, vous avez dû le constater et vous sentir
légèrement offusqués, c’est surtout avec les hommes politiques que
des cadres d’échanges ont été organisés.

Qu’il s’agisse d’élaborer des textes fondamentaux pour orienter la vie
de la Nation ou restructurer l’organisation de l’Etat, c’est
essentiellement vers eux que les gouvernements se tournent, c’est
essentiellement avec eux que le dialogue est engagé, c’est
essentiellement avec eux que les compromis et les consensus
permettant de surmonter les difficultés sont trouvés.

Avec la rencontre de cet après-midi, comme avec celle qui suivra
demain avec le Président de la Transition, Chef de l’Etat, la volonté est
de rompre avec la tradition du dialogue vous tenant à l’écart des prises
de décision engageant le devenir de la Nation. Notre commune volonté
est de vous inviter, comme cela se passait autrefois, comme cela
continue de se passer encore, dans nos assemblées traditionnelles,
sous l’arbre à palabre, dans le vestibule, le togouna ou le weltaré, pour
vous édifier sur les réalités nationales du moment et vous charger
d’une mission.
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Mes propos sont pour vous édifier sur la situation qui prévaut
actuellement dans le pays en attendant que, demain, le Président de
la Transition, Chef de l’État, précise à votre intention ce qu’en la
circonstance, le pays attend de vous.

Que vous soyez représentants de familles fondatrices de villages, de
quartiers ou de villes, chefs coutumiers, dignitaires religieux ou
communicateurs détenteurs de la tradition orale, vous possédez,
chacun en ce qui vous concerne, des qualités qui façonnent votre
originalité. Les populations peuvent se lasser des hommes politiques
parce que ces derniers, pour diverses raisons, n’ont pas su honorer
des engagements pris. Les populations ne peuvent se lasser de vous
parce que vous incarnez les vertus qui fondent notre humanisme :
− le courage de se déterminer, de prendre position, quand les
circonstances l’exigent ;
− l’obligation de dire la vérité, quel que soit le lieu, quelle que soit la
circonstance ;
− la même attention prêtée aux propos tenus aussi bien par le plus
fort que par le plus modeste ;
− la justice, l’équité avec lesquelles vous tranchez les différends qui
vous sont soumis et,
− par-dessus tout, le sens de l’honneur, de la dignité, de l’intégrité;
la noblesse dans les manières de dire et de faire, le sens de la
mesure, de la retenue dans les propos. En un mot la noblesse au
sens large du terme

Loin de moi l’idée de jeter l’opprobre contre les hommes politiques. Je
l’aurais voulu que je ne pourrais le faire et pour cause, je suis moimême
un responsable politique. Je ne saurais donc être la négation de
ma propre personne. Je le reconnais et c’est le fondement de mon
engagement : le propre de l’homme politique est de gérer les affaires
de l’Etat au profit du grand nombre.
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Dans cette mission exaltante, il peut être confronté a des défis
inimaginables, mais en toutes circonstances, il doit à son peuple, tenir
le discours de la vérité, il ne doit pas chercher a le tromper, encore
moins le trahir.

Cependant, force m’est de reconnaître ce qui est évidence : l’homme
politique peut choir, déchoir, décevoir ; vous qui incarnez la
quintessence de nos vertus ne pouvez tomber. C’est en cela que vous
êtes des modèles et c’est pour cette raison que vous avez été invités
pour vous transmettre, au nom du Président de la transition, Chef de
l’Etat, Son Excellence le colonel Assimi Goïta, un message à relayer
auprès de nos populations.

Honorables Représentants des populations de nos terroirs,
Messieurs les Dignitaires religieux,
Messieurs les Communicateurs dépositaires de la Tradition,
Cela n’est un secret pour personne : la Mali traverse une des crises,
sinon, la crise la plus aiguë depuis son accession à la souveraineté
nationale et internationale. Les manifestations de cette crise sont de
plusieurs ordres. J’ai choisi d’en développer quatre, à votre intention.
Les deux premières manifestations de la crise sont les plus graves,
dans la mesure où elles constituent une réelle menace pour le Mali,
non seulement en tant qu’Etat, mais, pire, en tant que nation. Ces deux
manifestations sont : Les risques de partition de la Patrie et l’insécurité
généralisée.
Certes, avec la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation,
issu du processus d’Alger, les risques de partition semblent, en
apparence contenus : les Maliens ont cessé de se faire la guerre pour
se retrouver autour de la table de négociations et tracer les chemins
de l’avenir.
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Il n’en demeure pas moins que la vigilance reste de mise car, ceux qui
ont intérêt à cette partition, ce ne sont pas des Maliens, ceux qui ont
intérêt à cette partition, ce sont des forces obscures, tapies dans
l’ombre. Passées expertes dans l’art de diviser pour régner, elles nous
dressent les uns contre les autres pour assouvir leurs noirs desseins.
En tout lieu et en toute circonstance, il nous incombe d’être vigies et
vigiles pour les découvrir, les démasquer et les rendre inopérants,
faisant ainsi échec à leur projet funeste.
Si les Maliens ont choisi de dialoguer entre eux afin de donner un
contenu à la devise de la République – un Peuple, un But, une Foi – ils
ont à affronter les conséquences d’un radicalisme religieux : le
terrorisme et le banditisme.
Nés dans ce qu’il est convenu d’appeler le Nord et le Centre du Mali,
ils se sont propagés, comme par métastases, vers le Sud. A ce jour,
aucune région du pays n’est épargnée.
Outre le risque d’une résurgence du séparatisme et l’insécurité, nous
sommes confrontés à deux autres rigueurs de l’existence : les
mouvements de revendications perlés de certaines couches sociales
et la cherté de la vie.
Le gouvernement est conscient des manifestations de la crise. Il
s’emploie, œuvre pour la juguler. Cependant, et cela mérite d’être
rappelé à votre attention, pour réussir à éradiquer de manière efficace
les écueils qui freinent notre épanouissement, individuel comme
collectif, il nous faut remonter des effets aux causes.
Honorables Représentants des populations de nos terroirs,
Messieurs les Dignitaires religieux,
Messieurs les Communicateurs détenteurs de la Tradition,
Nous sommes tombés bien bas. Le Mali est devenu le vieil homme
malade de l’Afrique de l’Ouest. A son chevet se presse plus d’un pays,
africain comme extra-africain, dans le cadre d’une solidarité virile entre
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pays frères comme dans le cadre de desseins inavoués. Cela ne s’est
pas produit par hasard.
Vous vous souviendrez, il y a de cela un peu plus de trois décennies,
sous le couvert de l’instauration de la démocratie, qui a été présentée
comme une panacée contre le sous-développement, on a promis au
Peuple des lendemains qui chantent. Ce qu’il en a résulté est connu :
tous les leviers de l’Etat : les Forces de Défense et de Sécurité, l’Ecole,
l’Administration, la Justice se sont retrouvées vidées de leur substance.
La déliquescence progressive a atteint tous les secteurs de la vie de la
Nation. La corruption et l’impunité devenues monnaie courante ont
contribué à désarticuler les fondements de notre sécurité.
La gestion du pays est passée entre les mains des PTF et des ONG
et, le seul indiscutable bilan que la démocratie nous a légué est la
floraison des associations et des partis politiques. L’affaiblissement de
l’autorité centrale a eu, comme conséquence, la faillite de l’Etat avec
ses corollaires : précarité de l’unité du peuple et de l’intégrité du
territoire national, perte de la souveraineté, déliquescence des services
sociaux de base, insécurité ; en un mot, tout ce que le Peuple vit
aujourd’hui comme difficultés.
Des élections ont été organisées sur fond de fraude et d’achats de
consciences. Les maîtres du jour ont ignoré que le Peuple a cessé de
se laisser manipuler. Le Peuple s’est dressé comme un seul homme
et, au prix du sacrifice ultime de certains jeunes gens sur l’étendue du
territoire, a imposé le changement : la frange patriotique des Forces de
Défense et de Sécurité, alliée aux Forces politiques et sociales
acquises au changement, au renouveau, en un mot, les Forces
populaires et patriotiques, se sont installées au pouvoir pour une
période transitoire qu’elles entendent mettre à profit pour refonder
l’Etat.
Le 28 mai 2021, le colonel Assimi Goïta est reconnu Président de la
Transition, Chef de l’État par la Cour constitutionnelle. Il prête serment
devant la Cour suprême le 7 juin 2021 et, dans la foulée, le même jour,
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il m’investit de sa confiance et me nomme Premier ministre, Chef du
gouvernement. Sous son autorité, je forme, le 11 juin 2021, un
gouvernement. Le premier Conseil de Cabinet se tient le 13 juin 2021,
suivi, le 16 juin 2021, du premier Conseil de ministres.
Profitant de la tenue de ce premier conseil de ministres, le Président
de la Transition nous précise la mission à laquelle nous sommes
appelés à nous dévouer en ces termes :
Nous sommes dans un régime de transition. Aussi, et pour cette raison,
notre mission revêt une double dimension. En effet, il nous incombe
d’œuvrer pour faire sauter des verrous, lever des entraves, surmonter
des handicaps afin de recréer, de refonder et transmettre à nos
successeurs un Etat fort et des institutions stabilisées.
Dans la plus grande collégialité, il vous revient de capitaliser des acquis
car nul n’édifie sur table rase, de rompre avec des pratiques ayant
provoqué la défiance des populations vis-à-vis de l’Etat, de fédérer
l’ensemble des forces patriotiques et susciter leur adhésion ; le tout,
pour fonder l’Etat sur des institutions adaptées à nos réalités.
Avec ce passage de la déclaration liminaire du Chef de l’Etat, nous
retenons les termes « recréer », « refonder », « rompre avec des
pratiques ». En un mot, ce qu’il nous est donné comme instruction est
de mener et réussir une transition de rupture pour instaurer le
Nouveau-Mali : Mali Koura.
Cela m’a servi de source d’inspiration pour élaborer le Programme
d’Action du Gouvernement (PAG). Je l’ai voulu à la fois concis,
ambitieux tout en restant réaliste. Six semaines après mon entrée en
fonction, je me présentais devant l’organe législatif de la Transition, le
Conseil National de la Transition (CNT) et le présentais comme la
traduction de « la vision du Chef de l’Etat pour redresser notre pays,
asseoir les bases de la refondation, prendre en charge les aspirations
profondes de notre peuple au changement en vue de réaliser le
développement économique, social et culturel. »
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La mise en œuvre de ce Programme d’Action du Gouvernement se
traduira par « le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire
national, les réformes politiques et institutionnelles, l’organisation des
élections générales, la promotion de la bonne gouvernance et
l’adoption d’un pacte de stabilité. »
Honorables Représentants des populations de nos terroirs,
Messieurs les Dignitaires religieux,
Messieurs les Communicateurs détenteurs de la Tradition,
Tel était le message que je tenais à vous transmettre. Après audition
de ce message, ce qui est attendu de vous est un devoir patriotique.
Aider, soutenir la transition, faire des bénédictions pour les dirigeants
de la Transition, pour que Dieu le Tout Puissant guident leurs pas dans
le bon sens et qu’ils continuent d’être chevilles, corps et âmes, aux
seuls intérêts supérieurs du Peuple, de la Nation et de l’État Mali.
Pour restituer aux maliennes et maliens de l’intérieur et de la
Diaspora, leur honneur, leur dignité, leur fierté d’appartenir à une
seule et indivisible Nation.
En un mot, Ka mali dambe segui amma
Le Président de la transition, chef de l’État qui vous recevra demain ne
manquera pas de vous en dire plus et mieux
De nouveau, je réitère mes remerciements, mon obligeance envers les
légitimités que vous êtes et vous invite à multiplier les bénédictions
pour la réussite totale de la Transition, l’avènement du Nouveau-Mali
tant espéré.
Qu’Allah bénisse le Mali !
Bamako, le 11 novembre 2021

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