Après plusieurs réunions techniques pour baliser l’architecture institutionnelle de l’AES, les chefs d’Etats du Mali, du Burkina Faso et du Niger se sont enfin rencontrés pour la première fois en trio depuis la signature de la charte du Liptako Gourma, instituant l’Alliance des Etats du Sahel (AES), le 16 septembre 2023.
Un premier sommet aux couleurs d’une rencontre hautement historique qui visait à concrétiser une ambition longtemps voulue, non seulement par les pères fondateurs du panafricanisme en Afrique, mais aussi et récemment clamée par une grande majorité des populations de cet espace géographique commun. C’est pourquoi, dans son discours, le président de la transition du Mali, le col. Assimi Goïta a tenu à rappeler à ses homologues toute l’attente des populations des trois pays envers ce sommet. « Nous sommes invités à formaliser durant le présent sommet afin de répondre à l’attente pressante de nos populations qui aspirent à vivre ensemble, à vivre en paix, à vivre en communions et en harmonie dans un espace stable et prospère ».
Il faut rappeler que la dimension sécuritaire est à l’origine de la création de Alliance des Etats du Sahel (AES), mais pas que ça. Il s’agissait aussi de prendre leurs responsabilités afin de s’unir en tant qu’héritiers des pères fondateurs du panafricanisme en Afrique. « Nous honorons aujourd’hui à Niamey, notre rendez-vous avec l’histoire pour faire revivre avec notre confédération, l’esprit d’unité voulu par les pères fondateurs du panafricanisme en assumant notre part de responsabilité et de leadership dans cette œuvre exaltante et indispensable pour la région du Sahel, voire au-delà » a précisé le président Malien qui fut d’ailleurs désigné Président de la conférence des Chefs d’Etats de l’Alliance des Etats du Sahel pour un mandat d’un an.
Inspirés par les dérives et certains agissements « injustes et non amicaux » de l’ancienne organisation sous régionale commune (CEDEAO) à laquelle les tous trois pays étaient d’ailleurs membres, le président Assimi Goïta s’est particulièrement réjoui du maintien des valeurs de fraternité, de solidarité, de complémentarité, « des valeurs chères à nos cœurs » dans les documents de création de la confédération de l’AES. Une occasion pour le chef d’Etat Malien de mettre l’accent sur l’importance de placer et de garder cette fois-ci les populations au centre des actions de la confédération. Ainsi parallèlement à toutes les formes de coopération requises dans confédération de l’AES, une large fenêtre est gardée ouverte sur la libre circulation des personnes et des biens. « Je sais qu’avec mes frères, les présidents Tiani et Traoré, nous ne dirons bientôt plus les populations respectives de nos pays, mais plutôt nos populations de l’AES. Car l’AES que nous sommes en train de mettre en place est d’abord et avant tout l’AES des peuples » a indiqué le président Goïta tout en ajoutant qu’il s’agit d’ « une AES dans laquelle, les Burkinabè et les Nigériens seront chez eux au Mali et inversement, sans aucune forme de barrière bureaucratique ». En effet, Assimi Goïta a déploré que « trop souvent, les populations de nos États respectifs ont entendu prôner le principe de cette libre circulation sans qu’il ne soit une réalité vécue, tant les tracasseries administratives et routières ».
A croire le président Goïta, cette liberté de circulation sera sous-tendue, par une accélération des investissements dans le domaine des infrastructures routières, ferroviaires et aériennes et dans celui des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Toute chose qui catalysera l’approfondissement des investissements dans le domaine de la production agricole et dans celui des industries de transformation profitant ainsi de la complémentarité dans les économies de l’espace commun.
Déjà, parmi les grandes décisions prises lors de ce sommet, on note la création d’une Banque d’Investissement de l’AES et de la mise en place d’un Fonds de stabilisation suivie des instructions données aux différents Ministres des Affaires Etrangères et ceux en charge du Développement de prendre les dispositions urgentes pour leur opérationnalisation.
En outre, il faut rappeler que très tôt, le rapprochement entre les trois Etats faisant face au phénomène de l’insécurité au Sahel a su se traduire, selon le président Assimi Goïta, en actions concrètes de défense collective et d’assistance mutuelle avec des résultats probants dans la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes et la criminalité en bande organisée dans l’espace commun de l’AES.
« Je tiens à insister sur la notion d’espace commun pour saluer la clairvoyance de mes frères les présidents Tiani et Traoré qui avaient pris les mesures nécessaires pour autoriser les droits de poursuite sur leur territoire respectif afin de traquer efficacement les groupes armés terroristes sans contraintes liées aux frontières nationales ».
En ce qui concerne les Rapports de l’AES avec la CEDEAO qui espère toujours sur un éventuel retour Du Mali, du Burkina Faso et du Niger dans l’organisation, le général Tiani a tenu à lever tout équivoque « nos peuples ont irrévocablement tourné le dos à la CEDEAO. Il appartient aujourd’hui de faire la confédération Alliance des Etats du Sahel. Une alternative à tout regroupement régional factice en construisant une communauté souveraine des peuples, une communauté éloignée de la mainmise des puissances étrangères, une communauté de paix, de solidarité, de prospérité basée sur nos valeurs africaines. »
Il faut rappeler que dans leur communiqué final, les Chefs d’Etat se sont félicités de leur retrait irrévocable et sans délai, de la CEDEAO. Ils ont également-réaffirmé la pleine souveraineté de chacun des pays membres de l’AES dans les choix stratégiques concourant au bien-être de leurs populations. Dans la même lancée, ils ont instruit les Ministres compétents d’élaborer dans l’urgence, des projets de protocoles additionnels y relatif en vue de faire face aux implications liées aux retraits des Etats de l’AES de la CEDEAO.
Issa Djiguiba
Source : LE PAYS