La répression violente de l’initiative pacifique de marche pour des élections libres et transparentes et pour la pluralité des opinions à la télévision nationale est symptomatique du rapport du pouvoir à la société malienne.
Ce samedi 2 Juin, le siège de l’ADP-Maliba a été ciblé délibérément par des tirs de gaz lacrymogènes et par ce qui apparait comme des tirs de balles en caoutchouc. Le gouvernement du Mali a donc assiégé et attaqué le siège de l’ADP-Maliba alors qu’aucun trouble à l’ordre public n’a été déploré. En agissant de la sorte, les autorités font une nouvelle fois la preuve de leur faiblesse.
Sous couvert de l’état d’urgence, notre initiative paisible et démocratique avait tout d’abord été abusivement interdite avant d’être violemment réprimée, malgré les appels de la Commission Nationale des Droits de l’Homme. L’intérêt supérieur de la nation commande que l’état d’urgence soit au service de la sécurité et de la tranquillité des maliens. Pourtant, aujourd’hui les autorités détournent et abusent de ce cadre à des fins purement politiques. L’Etat d’urgence est brandit comme argument de manière sélective pour réprimer les forces vives de la nation, particulièrement l’opposition au Président sortant.
Qui n’a pas le souvenir des campagnes électorales déguisées organisées à Koutiala ou à Ségou sur fonds publics pour promouvoir l’image du Président sortant et lui offrir les tribunes pour insulter des responsables politiques ? Dans ces moments, jamais il n’est question d’un quelconque état d’urgence.
Qui ne se souvient pas du dernier rassemblement organisé à Kangaba pour, soi-disant célébrer les paysans, tandis qu’à nouveau, le Chef de l’Etat sortant nous rappelait « qu’il ne lâchera le pouvoir pour le père de personne » ? Dans chacune de ces sorties, sans jamais faire référence à l’état d’urgence, ce sont nos propres enfants et nos petits-enfants qui sont contraints, manu-militari de sortir pour occuper les bordures de route.
N’est-il donc pas légitime pour nous de nous inquiéter de ces écarts de langage qui cachent mal l’arbitraire dans l’organisation des élections ?
N’avons-nous donc plus le droit de vouloir voter librement et dans des conditions réelles de transparence et de crédibilité ?
Si nous avons voulu marcher, c’est aussi parce que, en plus de la lecture partiale de la notion d’état d’urgence, les autorités usent des moyens de l’Etat pour faire leur seule et exclusive promotion sur la télévision nationale. Chacun des reportages sur les visites du Président occupent plus de la moitié du journal de l’ORTM. Sa déclaration de candidature a été diffusée durant près de 45 mn là où celle des autres candidats ne parait que durant 1 à 2 mns.
Ayant failli dans tous les domaines – sécurité, justice, développement économique, perspectives pour notre jeunesse, emploi – le système usé d’IBK semble désormais tenté par la fuite en avant.
Aussi, nous en appelons à toutes celles et tous ceux qui le soutenaient encore à se joindre au grand mouvement qui fera l’alternance politique et citoyenne tant attendue dans le pays. Quant à celles et ceux qui n’auront d’autres choix que de le soutenir envers et contre tout, nous les appelons à faire usage de leur sens du patriotisme pour qu’un terme immédiat soit mis à la violence et à la répression d’Etat.
Nous entendons, pour notre part, poursuivre dans la voie pacifique, démocratique et légale d’un changement de système, pour mettre un terme à la situation intolérable faite à notre peuple et à notre pays. Nous entendons incarner ce renouveau lors de l’élection présidentielle à venir.
Nous continuerons à exprimer notre inquiétude par rapport à la transparence et la crédibilité du scrutin. De la même manière, la mainmise d’un camp sur la télévision nationale restera intolérable.
J’adresse mes sincères félicitations aux braves hommes et femmes qui ont courageusement fait face à l’arbitraire.
Je souhaite prompt rétablissement aux blessés.
Qu’Allah bénisse le Mali !
Vive la République !
Bamako, le samedi 2 Juin 2018