Les relations entre Bamako et Alger connaissent une période de tensions croissantes, exacerbées par l’incident récent où un drone malien a été abattu par l’armée algérienne. Cet événement, qui a suscité de vives réactions, renforce les inquiétudes d’une possible escalade militaire entre les deux pays, une situation qui pourrait déstabiliser toute la région sahélienne.
Dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, l’armée algérienne a abattu un drone malien près de Tinzawaten, une zone frontalière sensible. Selon Alger, le drone, armé et en mission de reconnaissance, aurait violé son espace aérien de deux kilomètres.
Bamako, pour sa part, soutient que l’appareil était en mission de surveillance sur son propre territoire. Bien que les autorités maliennes reconnaissent que le drone leur appartient, elles démentent toute tentative d’intrusion et ont ouvert une enquête pour éclaircir les faits.
Cet incident intervient dans un contexte marqué par des différends historiques et politiques. La rupture des accords d’Alger en 2023 et l’expulsion de l’ambassadeur algérien du Mali en 2024 ont fortement ébranlé les relations diplomatiques.
Alger est régulièrement accusée par Bamako de soutenir des groupes armés opérant dans le Nord du Mali, tandis que l’Algérie critique la stratégie militaire malienne et son rapprochement avec la Russie.
Au sein de l’opinion publique malienne, cet incident est perçu comme une provocation et des voix s’élèvent pour inciter les autorités à adopter une posture plus ferme vis-à-vis de l’Algérie. Du côté algérien, la justification de l’abattage du drone met en lumière une volonté de protéger son territoire contre toute potentielle menace.
Enjeux géopolitiques et géostratégiques
La frontière entre le Mali et l’Algérie demeure une zone névralgique, caractérisée par des défis sécuritaires complexes. Cette région est le théâtre d’activités criminelles, de trafics transfrontaliers et d’affrontements avec des groupes armés. Sa gestion est au cœur des divergences entre les deux pays, chacun cherchant à asseoir son influence.
Historiquement médiatrice dans les crises sahéliennes, l’Algérie voit son rôle remis en question par le Mali, qui noue désormais des alliances stratégiques avec la Russie et le Maroc. Cette concurrence géopolitique alimente les tensions.
Les différends bilatéraux perturbent les échanges commerciaux, notamment l’approvisionnement des régions nord du Mali en produits algériens. Par ailleurs, la montée en puissance des produits marocains dans cette région accentue la pression sur Alger.
Toute escalade militaire entre Bamako et Alger pourrait avoir des répercussions graves pour le Sahel, en exacerbant les conflits locaux et en compromettant les efforts de lutte contre le terrorisme.
Malgré l’incident, cet événement offre une opportunité de dialogue pour les deux nations. Une enquête approfondie pourrait permettre de clarifier les responsabilités, apaiser les tensions, et éventuellement renforcer les mécanismes de coordination sécuritaire. Le contexte actuel exige des actions diplomatiques mesurées pour éviter un conflit ouvert. Alger et Bamako pourraient également solliciter des partenaires régionaux ou internationaux pour médiatiser leurs différends.
Une stabilisation des relations entre ces deux pays serait bénéfique pour toute la région sahélienne, où les défis sécuritaires et économiques nécessitent une coopération accrue.
Ousmane Mahamane
Source: Mali Tribune