En marge du Forum pour l’investissement en Afrique 2019 qui se tient du 11 au 13 novembre à Johannesburg, en Afrique du Sud, le président de la Banque africaine de développement s’est exprimé sur quelques ambitions et projets phares de l’institution qu’il dirige.
Quelles sont les cinq priorités de la Banque africaine de développement ?
Les cinq priorités de la Banque africaine de développement sont les suivantes : éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie, nourrir l’Afrique, industrialiser l’Afrique, intégrer l’Afrique et améliorer la qualité de vie des populations.
Cela passe par quoi ?
S’agissant de la première priorité, nous travaillons pour qu’il y ait un accès universel de la population africaine à l’énergie. L’Afrique détient beaucoup de potentialités en énergie qu’il faudra développer que ce soit l’énergie solaire, hydraulique ou thermique. Je peux vous le dire très clairement : pendant les quatre dernières années, nous avons déjà connecté 16 millions d’Africains à l’électricité.
Concernant le deuxième volet qui est nourrir l’Afrique : ça passe par l’augmentation de la productivité du secteur agricole ; le rendre plus rentable de sorte que les fermiers puissent avoir suffisamment de ressources et de profits pour eux-mêmes. Sans oublier le développement de la chaîne de valeur et la transformation des produits agricoles.
A titre d’exemple, la Côte d’Ivoire et le Ghana représentent 65% de la production globale de cacao. Le marché du chocolat global fait 120 milliards $. Mais l’Afrique qui produit globalement 75% de toutes les fèves de cacao ne capte que 2% des revenus. C’est inadmissible !
Nous avons décidé à la Banque africaine de développement de faire un investissement de 25 milliards $ dans l’agriculture car c’est l’avantage comparatif de l’Afrique.
Pendant les quatre dernières années, nous avons à travers notre investissement, permis à 70 millions de personnes d’accéder aux technologies qui ont amélioré la productivité agricole et favorisé l’autosuffisance alimentaire.
Le troisième volet qui a trait à l’industrialisation de l’Afrique revient au secteur privé. Mais il ne peut y arriver sans accès aux financements. Les quatre dernières années, nous avons, au niveau de la BAD, permis à 9 millions de personnes d’avoir accès aux financements à travers des compagnies du secteur privé.
Sur le plan des infrastructures et de l’intégration régionale, nous avons connecté 55 millions de personnes, les quatre dernières années. Nous avons en outre, pu connecter 31 millions de personnes, grâce aux investissements dans l’eau et l’assainissement.
M. le président de la BAD, revenons sur le volet de l’intégration. La Banque africaine de développement a mené une étude récente en zone Cemac. Sur le corridor Douala (Cameroun)-Bangui (Centrafrique) et le corridor Douala-N’djamena (Tchad), il a été constaté toute sorte de blocages à travers une multiplicité des barrières douanières légales et illégales. Quelles sont les propositions de la BAD pour que le commerce transfrontalier puisse se faire sans heurts ?
En Afrique, les coûts de transactions, les douanes, l’impôt non officiel, font 14% de tous les coûts du commerce.
Ce qu’il faut, c’est d’abord la transparence au niveau de tous les impôts pratiqués. Deuxièmement, il faut aider les gens qui sont dans le secteur informel. Aujourd’hui, les femmes représentent 75% des acteurs dans les marchés frontaliers, mais elles ne sont pas suffisamment informées et formées. Il faut donc mettre en place un système pour soutenir la grande majorité de ces acteurs du secteur informel.
Troisièmement, il faut une tolérance zéro contre la corruption. On ne peut pas avoir une situation où les gens profitent des commerçants. Je propose donc la transparence, la traçabilité au niveau des recettes douanières puis l’institution du guichet unique pour le paiement de certaines taxes réglementaires.
Parlant des énergies renouvelables, la BAD affirme qu’elle veut être leader. Quel est votre objectif d’ici 2030 dans ce domaine ?
La BAD est déjà le leader des énergies renouvelables. Selon le magazine Forbes, le ranking classe la BAD leader parmi toutes les banques de développement. Mais ça ne veut pas dire qu’on est arrivé. Il faut plus d’efforts. J’avais dit que l’avenir de l’Afrique c’est dans les énergies renouvelables. On va continuer à investir dans ce domaine.
Propos recueillis par Sylvain Andzongo, à Johannesburg
Agence Ecofin