Le candidat indépendant Ahmoudène Ag Iknass a été élu député dans la circonscription électorale de Kidal. Cet ancien militant et responsable du Cnid dans la région de Kidal dit avoir été déçu par son parti. C’est pourquoi il a décidé d’être indépendant. Nous l’avons rencontré dès son arrivée à Bamako, afin d’échanger avec lui sur son élection, son parcours et la situation à Kidal. Tenez-le pour dit : «Je ne changerai jamais. Je préfère dire la vérité et garder la confiance de ma population que de mentir. Je suis élu député indépendant, les partis politiques me faisaient la cour, mais je ne donne pas comme ça ma parole». En clair, il était sûr de sa victoire, c’est-à-dire être élu député à Kidal dès le premier tour des législatives. Il le fut avec 67,60 % des voix !
Ahmoudène Ag Iknass est originaire de la région mais surtout de la ville de Kidal. Il appartient à la communauté de Kidal. Il est «rebelle» par le verbe : «Je suis rebelle avec le verbe mais jamais avec les armes. Nous, nous sommes des Maliens, c’est pourquoi quand ils ont pris la ville de Kidal, je l’ai quittée. Je suis parti dans mon campement avec ma famille. Via le Niger, je venais prendre mon salaire pour retourner dans mon campement. Nous avons fait savoir aux rebelles que nous sommes du Mali et nous resterons au Mali». Ahmoudène Ag Iknass, Tamasheq bon teint, a choisi de rester dans la République du Mali. «Je n’ai jamais cru en la République de l’Azawad», affirme-t-il, sans ambigüité.
Par ailleurs, il a eu à occuper différents postes dans la région de Kidal bien avant la création de cette région. Il n’a par contre connu qu’un seul parti politique, le Cnid. Et hormis «le président Mountaga Tall et Hamidou Diabaté, quand il était au Cnid, rares sont les militants qui me connaissent. Mais c’est avec la crise de 2012 que j’ai quitté le parti, sinon j’étais le secrétaire général de la section de Kidal». D’ailleurs, c’est sous la bannière du Cnid qu’il a été élu conseiller municipal à Kidal à la faveur des élections communales de 2009. Le nouveau député de Kidal est aussi syndicaliste, pour avoir été secrétaire général de la section kidaloise de l’Union nationale des travailleurs du Mali. C’est aussi le coordinateur des Imghad ; il est de la fraction que dirige le général El Hadj Gamou.
Parlant de la situation actuelle à Kidal, Ahmoudène Ag Iknass s’insurge contre le fait que les groupes armés soient devenus les maîtres de Kidal. «Le gouvernement doit tout faire pour établir le dialogue même si on sait que ces groupes ne représentent pas les Touaregs, encore moins toutes les populations de Kidal», soutient-il. Pour lui, son élection en est une illustration concrète. Lui qui n’a jamais pris des armes encore moins participé à une rébellion. Mieux, trois de ses enfants sont dans l’armée malienne. Fait important, cela n’a pas empêché les populations de Kidal de le choisir comme leur représentant à l’Assemblée nationale. Alors qu’en face de lui, il y avait des candidats soutenus par des groupes armés.
S’il a une conviction, c’est que l’autorité de l’Etat doit être restaurée et sera exercée à Kidal. En tout cas, «c’est à cela que je vais travailler», déclare-t-il. Aussi, pense-t-il, «la Minusma doit changer sa méthode de travail. Ce n’est pas de cette façon qu’ils pourront ramener la paix et la stabilité. Le jour du vote, des jeunes ont jeté des cailloux sur les militaires de la Minusma et ils ont fui. Ces jeunes ont cassé des voitures y compris la mienne. Mais ils doivent avoir des manières dissuasives, sans quoi ils ne pourront pas sécuriser la ville. Ça nous fait très mal de voir notre région dans cette situation».
Ce qui remplit par ailleurs d’amertume Ahmoudène Ag Iknass, c’est la fermeture depuis 3 ans des écoles à Kidal. Encore que, estime-t-il, l’artisanat, la culture, l’économie, en un mot, les activités qui permettent aux populations de vivre, ne fonctionnent plus. Il dit et redit qu’il n’y aura pas de paix à Kidal tant que l’autorité de l’Etat ne sera pas restaurée, et que la paix et la réconciliation doivent se faire avec l’accompagnement et la présence de l’autorité de l’Etat malien.
Si Ahmoudène Ag Iknass, après les évènements de 2012, a démissionné de son parti, c’est en ayant compris que les orientations de son parti ne correspondaient plus à ses convictions profondes. Quant à sa position au sein de la prochaine Assemblée nationale, il compte aller du côté de la mouvance présidentielle. Et pour cause : «Je dois dire que pour la présidentielle, j’ai soutenu la candidature du président Ibrahim Boubacar Keïta. Dans cette logique, je compte donc soutenir son action en travaillant avec le RPM». Le député de Kidal est déterminé à faire savoir partout où il aura l’occasion que les groupes armés qui sévissent à Kidal ne représentent guère les Touaregs, encore moins la Région de Kidal. Il soutient mordicus que «Kidal doit être et sera ce que l’Etat décidera. Pas ce qu’un groupe d’individus décrètera. Cette question est sans équivoque. C’est avec ce slogan que j’ai été élu et je le défendrai jusqu’à ce que Kidal retrouve toute sa place au sein d’un Mali uni, réconcilié et prospère», a-t-il conclu.
Kassim TRAORE
SOURCE: Le Reporter