Largement tributaire des excédents de blé importé d’Ukraine par l’Europe, l’Afrique va souffrir de la récente décision de Moscou. En effet, le lundi 17 juillet 2023, la Russie a mis fin à l’accord permettant à l’Ukraine d’exporter ses céréales par la mer Noire. En dépit du conflit, ce corridor maritime, mis en place il y a un an, a permis de sortir près de 33 millions de tonnes de céréales des ports ukrainiens. Pourtant, le président turc était confiant pour son maintien. Alors, que s’est-il passé pour que Moscou mette fin à ce précieux accord ?
Le 16 mai 2023, après de longues journées de négociation entre la Turquie, l’Onu, la Russie et l’Ukraine, les parties s’entendent, in extremis, pour prolonger de deux mois l’accord céréalier en Mer noire. Ce qui a occasionné un soulagement pour toutes les parties. Mais trois semaines plus tard, le 6 juin, un pipeline d’ammoniac russe (Togliatti-Odessa), essentiel pour l’exportation des engrais russes, a été ‘’saboté’’ selon toute vraisemblance par les forces otano-ukrainiennes.
Dès le lendemain du ‘’sabotage’’, le porte-parole du Kremlin a annoncé des conséquences «négatives» pour cet acte. Tout porte à croire que cet incident malheureux motive la décision de Moscou. Les diplomaties turque et onusienne ne sont pas parvenues à convaincre le Kremlin à prolonger l’accord céréalier, de surcroît que Moscou réclame plus de garanties pour ses propres exportations d’engrais et de blé.
Le mécanisme d’approvisionnement mondial en blé ukrainien est complexe. C’est l’Union européenne qui en pour d’abord approvisionner son marché intérieur. Le surplus est stocké puis réexporté dans le reste du monde et l’Afrique. De sorte que, à l’échelle internationale, le blocus maritime de la Russie contre les navires d’exportation du blé ukrainien va occasionner, à terme, des pénuries d’approvisionnement de blé.
Toutefois, c’est notamment, l’Afrique, en particulier du Nord, qui en sera la plus impactée. Ne pouvant s’approvisionner directement sur le marché ukrainien, elle reste largement dépendante des réexportations de l’Union européenne. Pour rappel, il y a un mois, le 17 juin, une délégation de chefs d’Etat africains s’est rendue en Russie. S’ils ont plaidé auprès de Vladimir Poutine pour la fin de la guerre en Ukraine, c’était surtout pour le maintien de l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes, que Moscou menaçait de quitter. La présidence de l’Afrique du Sud avait notamment défendu, par la voix de son porte-parole, l’« importance des livraisons de céréales à l’Afrique pour atténuer l’insécurité alimentaire ».
Manifestement, le plaidoyer des Chefs d’Etats africains n’a pas porté fruit, à partir du moment où le Kremlin a préféré se servir de l’arme céréalière pour se faire entendre, en annonçant, le lundi dernier, son retrait de l’accord signé en juillet 2022. Une décision que l’on peut caricaturer comme telle : «Sans garantie internationale pour les exportations d’engrais et de blé russes, pas d’exportations ukrainiennes ! ».
Gaoussou Madani Traoré
Le Challenger