«Malgré les efforts de l’ONU, malgré la présence de Barkhane, on voit qu’il y a un problème d’articulation et d’efficience. Lorsque les troupes des Nations Unies sont réduites à rester dans le camp en attente, que les ordres viennent de New York ou d’ailleurs, pendant que les malfaiteurs s’en donnent à cœur joie, il faut revoir la nature de la mission. C’est une question simplement de bon sens ». Ces propos très critiques et tranchants émanent du président sénégalais, Macky Sall, qui s’exprimait la semaine dernière, depuis la tribune du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique. Alors qu’au même moment, les projecteurs de l’actualité hexagonale étaient assez focalisés sur les commémorations de la première guerre mondiale (1914-1918) à Reims, où le Chef de l’Etat malien, Ibrahim Boubacar Keïta, était l’invité d’honneur du président Emmanuel Macron.
Mais lorsque le Chef de l’Etat du Sénégal doute de l’efficience des soldats de maintien de la paix en Afrique et ne se prive pas de l’exprimer plus haut, cela traduit un véritable pied-de-nez contre l’idée précédemment distillée par les puissances occidentales sur l’importance des forces internationales sur le continent noir. Des forces onusiennes de maintien de la paix qui sont présentes au Congo Démocratique depuis quasiment l’indépendance de ce pays en 1960, qui sont en Centrafrique depuis 2011 tout comme au Mali depuis 2013, sans que ces pays connaissent la moindre stabilisation ni la moindre paix.
La Mission des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali et au Sahel (Minusma) avec plus de 10 000 soldats et les forces françaises Barkhane avec ses milliers de soldats sont bien présentes au Mali depuis 2013. En dépit de cela, le terrorisme, le banditisme et les trafics illicites continuent constamment de frapper dans ce pays. Pourquoi alors autant de forces militaires regroupées dans une seule et même zone pour si peu de résultats ? N’est-ce pas une limite que la communauté internationale, la France en tête, doit comprendre pour cesser d’imposer sa seule vision pour le retour de la paix et de la stabilisation dans l’espace sahélien ?
L’histoire contemporaine a toujours prouvé que la sécurité d’un pays dépend en premier lieu de la capacité de réaction de ses propres forces. Quand bien même, la recherche de la stabilité est une situation régionale mise en place par un ensemble de pays voisins. Ainsi, s’il est une réalité que le Sahel est voisin de la France, car n’étant séparé que par la mer méditerranée, cette ancienne puissance coloniale n’y intervient pas par simple générosité. Elle joue volontiers un jeu subtil pour la préservation de ses intérêts économiques et géostratégiques. Et le Mali sert de pièce maîtresse à cette cause.
Ce qui est malheureusement le cas aujourd’hui, à travers le déploiement d’imposantes forces étrangères sur son territoire, notamment dans sa partie hexagonale, avec leur armada. Des forces qui n’œuvrent, en réalité, qu’à entretenir inlassablement le mythe de leur présence pour ne sauvegarder que les seuls intérêts français et occidentaux.
On impose alors au Mali la signature d’un accord de défense. En même temps que l’on s’évertue à tout faire pour que les Forces armées et de sécurité du Mali, à l’instar des autres Etats de la sous-région, demeurent fragilisées. Alors que ce pays sahélien n’a nullement besoin d’être sécurisé par des forces étrangères. Mais au contraire, il a tout simplement besoin que l’on ne s’immisce pas dans ses affaires de défense et de sécurité.
Gaoussou Madani Traoré
Source: Le Challenger