(Dakar, le 6 février 2014) – Le 8 février 2013, les Chambres africaines extraordinaires étaient inaugurées au Palais de Justice de Dakar. La création de cette juridiction spéciale marquait un tournant dans l’affaire de l’ancien Président du Tchad Hissène Habré et un signe d’espoir sans précédent pour les milliers de victimes de son régime.
En tant qu’avocats de très nombreuses victimes du régime de Hissène Habré, nous nous félicitons du chemin déjà parcouru par les Chambres. Ce tribunal doit poursuivre tous ses efforts pour qu’un procès se tienne aussi rapidement que possible et pour que justice soit enfin rendue.
Nous sommes convaincus que les Chambres africaines extraordinaires se montreront à hauteur de leur tâche. En effet, depuis leur inauguration, elles ont agi avec diligence et promptitude : Hissène Habré a été inculpé pour crimes contre l’humanité, torture et crimes de guerre et placé sous mandat de dépôt. Cinq autres personnes ont par ailleurs également été inculpées, et deux commissions rogatoires internationales au Tchad ont permis aux juges d’instruction d’entendre des milliers de victimes et des témoins clefs.
Les victimes se félicitent des investigations en cours et ont confiance dans la capacité des juges des Chambres africaines extraordinaires à mener une instruction efficace, impartiale, exhaustive et respectueuse des droits de toutes les parties. En ce sens, les expertises ordonnées par les Chambres pour la troisième commission rogatoire sont encourageantes.
En tant que femmes et hommes de droit, nous renouvelons notre attachement au respect des normes internationales en matière de justice. Hissène Habré et ses complices doivent répondre de leurs actes et les victimes obtenir réparations selon une procédure juste et équitable dans le respect des droits de l’Homme.
Les attaques calomnieuses répétées des avocats de Hissène Habré contre les Chambres africaines extraordinaires et contre les parties civiles et leurs représentants ne parviendront pas à entacher la confiance placée dans cette procédure en cours. L’opinion publique n’est pas dupe : l’ancien Président tchadien ainsi que les autres personnes inculpées doivent répondre devant les juges de leurs actes. Il faudra aussi que les biens mal acquis au fil des ans servent à indemniser les victimes si les personnes inculpées sont reconnues coupables des charges émises contre elles.
Le collectif des avocats salue également la mise en place d’un programme de sensibilisation assurant la pédagogie d’un tel procès au Sénégal, au Tchad, en Afrique et dans le monde.
La procédure devant les Chambres africaines extraordinaires lancera au monde le message que l’Afrique peut poursuivre elle-même les personnes accusées sur son continent des crimes les plus graves et devraient servir également au renforcement d’un Etat de droit au Tchad, et à la réconciliation entre les tchadiens. Pour cela, et quel que soit l’issue du procès qui se tiendra devant les Chambres africaines extraordinaires, nous appelons le gouvernement tchadien à indemniser les victimes, soutenir l’action de la justice tchadienne relative aux plaintes déposées par les victimes contre les complices de Habré, et mettre en œuvre les recommandations de la Commission d’Enquête nationale préconisant des mesures publiques à la mémoire des victimes de la répression Habré.
Me Jacqueline MOUDEINA, avocate au Barreau de N’Djamena,
Me Assane Dioma NDIAYE, avocat au Barreau de Dakar,
Me Georges-Henri BEAUTHIER, avocat au Barreau de Bruxelles,
Me William BOURDON, avocat au Barreau de Paris
Me Soulgan LAMBI, avocat au Barreau de N’Djamena
Me Delphine K. DJIRAIBE, avocate au Barreau de N’Djamena
Me Alain WERNER, avocat au Barreau de Genève