Le « Ristournegate » (l’attribut que nous avons donné à l’affaire des ristournes de coton) n’a pas encore fini de révéler tous ses secrets. Le Bureau du vérificateur général aurait escamoté, pour 60 millions de F CFA, une vérification de la C-SCPC.
Entre avril et mai 2019, lors d’un contrôle de routine du Bureau du vérificateur général à la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton (C-SCPC), des dossiers qui manquaient aux pièces comptables avaient été demandés par les vérificateurs envoyés en mission.
Puisque ces documents demandés n’existaient pas du tout et qu’ils étaient fondamentaux et essentiels à la vérification, il fallait trouver les voies et moyens pour que les vérificateurs ferment les yeux dessus. Bakary Togola, pour fermer les yeux aux vérificateurs, les a achetés. Le deal a été conclu à 60 millions de F CFA.
L’argent, naturellement, a été payé en liquide, à travers un stratagème digne d’un film western. Le lieu du rendez-vous a été fixé à Yirimadio, au carrefour dit de « Warabatjacho » en Commune VI. L’émissaire de Bakary Togola est venu dans une voiture banalisée, tenant en main un gros sachet noir contenant 60 millions de F CFA en grosses coupures de billets. Le vérificateur ou celui qui est venu recevoir le magot est resté à bord de son véhicule, un gros 4×4 garé au bord de la route. Il a pris le soin d’ouvrir la vitre latérale arrière et le sachet noir y a été directement balancé. Tout s’est passé très rapidement et chacun a aussitôt continué son chemin.
Selon nos investigations, ce n’est pas la seule affaire où le BVG est trempé. Des enquêtes de vérification sont restées improductives dans plusieurs autres structures. La procédure frauduleuse consiste à effectuer des vérifications, dont les résultats seront fonction de votre bon cœur, ou de votre capacité à payer, naturellement rubis sur ongle. C’est comme les jugements de cour qui vous rendent blanc ou noir selon que vous êtes puissant ou faible, selon Jean de la Fontaine.
Des enquêtes de vérifications improductives
Il revient au Vérificateur général en personne de nettoyer les écuries d’Augias. La question est de savoir pour le moment si toutes les autres structures de contrôle publiques se comportent de la sorte au Mali.
Sans jeter l’anathème ou l’opprobre sur toutes les structures, la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite a encore de beaux jours devant elle.
Toutefois, ceux qui ont pris les 60 millions de la C-SCPC, servis par un mandataire de Bakary Togola, se connaissent entre eux. Il revient au Bureau du Végal de faire le grand ménage pour découvrir le fameux mouton noir en son sein.
Si les structures de vérifications avaient fait correctement leurs missions, le procureur n’allait pas avoir à investiguer pour se rendre compte qu’il manque au C-SCPC 9,462 milliards F CFA.
Abdrahamane Dicko
30Minutes