Y a-t-il des activistes et des lanceurs d’alerte au Mali ? Nos concitoyens sont divisés sur la question. Il est vrai que, ceux qui font office, ont souvent été difficiles à lire, à situer ou à rester cohérents. Mali Tribune a tenté une enquête sur la question dont les résultats en disent long sur l’opinion des Maliens sur nos activistes justement. On en a vu tourner casaque, on n’en a vu soutenir aujourd’hui ce qu’ils pourfendaient hier.
L’autre pas de la question, de la compréhension des Maliens est celui-ci : le métier nourrit-il son homme ? Est-ce une profession ou juste une conviction pour se battre pour ou contre des causes en étant capables de rester sans rien prendre en nature ?
Dans tous les cas, l’unanimité qui se dégage est que, oui, notre pays regorge de jeunes qui ont sur élever la voix au-delà de tohu-bohu collectif pour dénoncer, marquer leur état d’âme sur les réseaux sociaux, les radios et d’autres moyens de communication.
Ils ont leurs partisans et adversaires, ont souvent su faire quitter des combats du domaine du virtuel pour mobiliser les gens. Nos activismes ont eu leurs heures de gloire. Ils ont souvent gagné des combats. Mais, pour autant, le prochain combat qu’il leur revient de mener est d’avoir l’adhésion et la confiance des Malien.
Une vraie gageure !
A. K.
Abdoul Niang, Activiste :
“L’activisme au Mali est devenu un mercenariat”
Crise au nord et au centre du pays, révision constitutionnelle, élection présidentielle 2018… La toile malienne n’a cessé d’être aminée ces dernières années par des activistes. Un moyen pour “changer les choses”, selon eux. Dans cette interview, Abdoul Niang, un des jeunes activistes maliens très suivi sur les réseaux sociaux, se prononce sur l’évolution actuelle du mouvement au Mali, sur l’activisme et la politique. Il s’explique aussi les motivations de leur rapprochement avec le régime en place.
Mali tribune : L’activisme représente quoi pour vous ?
Abdoul Niang : C’est de lutter pour des causes dans différents domaines, venir sur le terrain politique, affronter l’Etat s’il le faut de façon directe et parfois avec la violence verbale sans impolitesse dans le respect de la dignité de chacun. C’est un instrument pour nous pour changer les choses.
Mali Tribune : On constate, depuis un moment, au virage de certains activistes maliens dans la politique. D’autres affichent ouvertement leur appartenance politique. Est-ce que l’activisme et la politique riment ensemble ?
A N.: Absolument. Quand tu t’engages pour la justice, la transparence des élections, la bonne gouvernance, l’emploi, le développement et la sécurité, tu es forcément sur le terrain politique et en face des acteurs politiques. Même si nous ne sommes pas des politiciens, ce que nous faisons est politique.
Mali Tribune : Beaucoup pensent que les activistes au Mali sont de plus en plus manipulés par l’argent des hommes politiques ou le pouvoir en place. Partagez-vous cet avis ?
A N.: La plupart des activistes au Mali malheureusement, sont des mercenaires. Ils sont payés pour une mission bien déterminée. Ils s’exécutent. Pour preuve, des gens qui avaient dit qu’IBK était pire pour le Mali et juré d’empêcher la révision constitutionnelle au motif que l’insécurité est là, les mêmes personnes se trouvent aujourd’hui avec le président juste après l’élection. C’est quand même du mercenariat. Il en est de même pour certains qui viennent soutenir le régime pour des intérêts.
Mali Tribune : Vous faites l’exception ?
A N.: Il n’y a pas de deal entre nous et un homme politique ou le régime en place. J’étais porte-parole dans l’équipe de campagne d’IBK. Je n’ai pas reçu un seul sous pour battre campagne jusqu’à la fin du processus et j’ai mené la mission jusqu’au bout. Quand on a terminé, je n’ai pas été nommé, ni récompensé. Pour moi, c’était un devoir parce que le travail de président était menacé, l’Etat aussi dans son existence. Nous avons mis au défi quiconque avant les élections, le défi demeure encore, de venir sortir deux propos contradictoires qu’Abdoul Niang a déclarés sur un même sujet. Ça n’existe pas.
Mali Tribune : Quand vous employez le pronom personnel “nous“, vous faites allusion à qui précisément ?
A N.: Je suis un leader avec des partisans et partenaires. Ils sont un peu partout au Mali et à travers le monde. Nous avons aussi notre association Faso ni dembé. Elle a été créée après l’élection présidentielle de 2018. L’association a remplacé le mouvement Révolution citoyenne parce que beaucoup considèrent le mot révolutioncomme des gens aigris et qui veulent renverser le pouvoir.
Mali tribune : Etant plus proche du pouvoir maintenant, est-ce que cet activisme dur et engagé énoncé n’est-il pas déjà cadré par les gouvernants ?
A N.: Nous avons affiché notre soutien au président IBK en 2018, c’est la suite du combat qu’on avait commencé depuis 2017.
Sous prétexte de lutter pour le respect des principes républicains, de la constitution, certains voulaient reverser l’Etat. En tant que partisans de la démocratie, de l’ordre social et de la paix nous nous sommes engagés corps et âme pour empêcher ce projet de subversion. Et c’était clair : ceux qui veulent avoir la magistrature suprême du pays qu’ils se préparent pour l’élection présidentielle, mais il n’était pas question de permettre à quelqu’un de renverser les institutions. Ça a créé un rapprochement entre nous et le pouvoir. On est entré dans la phase électorale avec ces réalités. Le camp de l’opposition s’est retrouvé avec son candidat et nous avec IBK.
Sinon on est plus dur avec le régime qu’avec quiconque. On ne soutient pas l’Etat en tout et en toute circonstance.
Par exemple, les problèmes au centre et au nord, nous ne voyons pas de raison de combattre l’Etat parce que c’est plus dû à des facteurs exogènes qu’endogènes. Ce sont les puissances extérieures qui influent sur ce problème. Un pays qui se bat contre le terrorisme, cherche à combattre et à affaiblir le régime dans cette circonstance c’est faire le jeu des terroristes et les aider consciemment ou inconsciemment. Par contre, sur le chapitre de la corruption on ne transige pas. Toute affaire concernant la corruption, nous sommes engagés on ne soutient pas l’Etat sur du faux.
Mali Tribune : Vos dernières révélations ont porté sur quoi ?
A N.: C’est nombreux. Je peux citer les passeports maliens qu’on délivrait aux Syriens. On a dénoncé et fait des révélations avec des preuves à l’appui. Aussi, à Kayes, quand l’ancien gouverneur avait mis en prison 92 innocents injustement. Nous avons haussé le ton. Le gouverneur a été relevé et les 92 personnes toutes libérés les deux semaines qui ont suivi. Également quand le ministre des Infrastructures et de l’Equipement, Mme Traoré Zeïnabou Diop, a récemment tenu deux langages différents à propos des travaux de la route de Kati. Nous avons dénoncé et nous sommes en train de demander sa démission.
Recueillis par
Kadiatou Mouyi Doumbia
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Denis Koné, Journaliste :
“L’activisme est une sorte de militantisme”
Selon Denis Koné, journaliste au quotidien national “L’Essor”, l’activiste poursuit des causes nobles et dans ce cas elle devrait avoir une valeur positive dans la société.
Mali Tribune : Qu’est-ce qu’un activiste et quel est son rôle ?
Denis Koné : Un activiste est une personne engagée dans la défense d’une cause noble, le plus souvent sociale ou politique. Mais en réalité, il faut savoir qu’il y a autant d’activistes dans le social, le politique comme dans tous les autres domaines de la vie politique, économique et sociale.
Généralement, les activistes politiques sont les plus en vue. Ils désignent la cause de leur engagement politique qui privilégie l’action. L’activisme est donc une sorte de militantisme dont l’une des modalités peut être bravée loin de son pays en agissant à travers des actions qui peuvent parfois être considérées comme violentes et aussi avec des méthodes non violentes comme le faisait Gandhi.
Il s’exprime également à travers des actions comme la désobéissance civile ou encore des interpositions des expulsions contre des logements ou de territoire ou l’on voit dans les pays européens des chaines humaines se forme comme bouclier au force de l’ordre.
Elle se manifeste également à travers des grèves de la faim. A ce propos, les USA avaient animé la chronique avec ce scientifique qui, pour protester contre la course à l’armement du président Ronald Reagan avec son programme de guerres des étoiles, n’avait pas cessé d’ériger une tente non loin de la maison blanche.
Mali Tribune : Quels doivent être les valeurs d’un activiste ?
D.K : L’activiste en général poursuit des causes nobles et dans ce cas il devrait avoir une valeur positive dans la société.
Mais, s’il s’agit des opérations dirigées contre le pouvoir en place, cela est perçu d’un mauvais œil. C’est pourquoi, il n’est pas rare de constater dans le monde les réprimandes des autorités et du pouvoir à travers leurs structures de répression à s’abattre sur les activistes. On l’a vu au Mali avec les cas de Rast Bath ou encore de “Maréchal Madou“ dit Madou Kanté qui affirme avoir été victime de tentative d’assassinat.
Mali Tribune : Pensez-vous qu’il y a un ou des activistes au Mali ? Quelle analyse faites-vous de l’activisme au Mali comparé aux autres pays ?
D.K : Dans toute société, il y a des activistes. Certes il y a aussi un leader qui enclenche le mouvement. Les conditions socio politiques n’étant pas les mêmes dans chaque pays, je suis tenté de dire que l’activisme varie d’un pays à un autre, selon la nature des révoltes, les pouvoirs ou régimes en place. Forcément, je crois que l’activisme politique est l’arme naturelle de dernier recours lorsque le système politique ne permet pas l’expression légale de la contestation ou d’idées différentes.
Aïchatou Konaré
activisme au Mali :
Ce qu’en pensent les internautes
Salif Tall (juriste):
“Nous avons des acteurs des réseaux sociaux surtout. Nous avons peu d’activistes, mais je considère Ras bath comme un activiste plus que les autres”.
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Ibrahima Tiocary (journaliste) :
“Acteurs des réseaux sociaux, nous en avons. Le vrai activiste mène un combat qu’il croit noble et avec conviction. Il n’a pas besoin de faire l’apologie des gens pour bénéficier de prébendes. Rien ne le dévie de son objectif. Il est un éclaireur et défend les opprimés. Chez nous nous avons des caméléons”.
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Abdoulaye Koné (journaliste) :
“Nous avons bien sûr un activiste : Ras Bath, car il lutte pour l’intérêt même s’il n’est pas parfois compris. Son caractère versatile s’explique toujours par la quête du meilleur pour le pays et non pour lui. C’est la manière de voir les choses. Il mène un combat. S’il y a une satisfaction ou si les accusés ne changent pas, il met un peu d’eau dans son vin”.
Aba Coulibaly (journaliste) :
“Les activistes, nous en avons sûrement. Mais ils sont rares et même très rares. Mais, bon je ne suis pas non plus surtout du fait qu’il y a plus de plaisantins et de profiteurs que d’activistes”.
Samba Gassama (expatrié) :
“Je ne vois pas d’activistes au Mali. Il faudra les appeler autrement”.
Bakary Sarré (magistrat) :
“La société civile a été dépassée par la grave crise de 2012. Les religieux ont été politisés et les politiciens ont perdu tout crédit. De ces cendres sont nés des beaux parleurs dénonciateurs profitant de la misère des populations en les faisant rêver. Se rendant compte du monopole de toutes les richesses par ces hommes politiques et ces religieux et étant affamés, ces beaux parleurs sont devenus des mercenaires-activistes. Ils vendent leurs prestations. Tu sais critiquer, tu as un produit ou une arme à vendre”.
Propos recueillis par
Sory I. Konaté
Source: Mali Tribune