L’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé en mai-juin 2015 entre le gouvernement et les groupes armés avait suscité de réels espoirs chez les Maliens, mais aussi au sein de la communauté internationale, au vu du long chemin parcouru (pour y parvenir) depuis le début, en 2012, de la grave crise politico-sécuritaire qui secoue le pays et ses conséquences sur toute la bande sahélo saharienne. Mais cette joie s’estompe au fil des mois parce que la mise en œuvre de l’Accord bute sur des obstacles que les acteurs n’arrivent pas à surmonter. Principal goulot d’étranglement: le cantonnement des ex-rebelles.
A l’heure actuelle, on s’enfonce dans des accusations mutuelles, chacune des parties signataires voulant mettre le blocage du processus à l’actif de l’autre. Pourtant, tout avait si bien commencé. Au terme d’un an (Juillet 2014-Juin 2015) de pourparlers inclusifs inter-maliens sous l’égide d’une médiation internationale dont l’Algérie était le chef de file, le gouvernement malien et les groupes armés avaient signé l’Accord de paix et de réconciliation au Mali.
Cet accord, qui constitue une étape essentielle sur la voie de l’instauration d’une paix et d’une réconciliation durables au Mali, avait été signé le 15 mai 2015 par le gouvernement, les mouvements alliés de la Plateforme et l’équipe de la médiation internationale, et le 20 juin par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
Cette étape franchie, le grand enjeu restait désormais la mise en œuvre de cet accord. A titre de rappel, le document contient toutes les dimensions pour parvenir à une solution définitive de la crise, y compris les réformes politiques et institutionnelles, de défense et de sécurité. Il comprend également les volets relatifs aux aspects : humanitaire, économique, social, de la justice et de la réconciliation. Et tout avait bien commencé dans le meilleur des cas.
Après deux réunions émaillées de divergences sur la participation de quelques groupes armés (qui n’avaient ni combattu, ni participé activement aux pourparlers), le Comité international de suivi et d’évaluation de l’Accord de paix, installé juste après la signature de l’accord par la Cma, a adopté lors de sa troisième réunion son règlement intérieur. Le Comité de suivi de l’Accord (présidé par l’Algérie) a tenu plusieurs sessions jusqu’à l’attentat terroriste perpétré contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako.
Au chapitre des acquis, plusieurs initiatives ont été enregistrées dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord de paix, notamment la tenue des rencontres intra et intercommunautaires d’Anefis, l’absence d’incidents majeurs sur le terrain, la tenue de la Conférence de Paris d’aide au Mali, le début du rétablissement des services sociaux de base dans le Nord et le lancement du processus de cantonnement et de déploiement des patrouilles mixtes.
Situation sécuritaire et humanitaire toujours précaire
Mais, comme le dit l’adage : “L’arbre ne doit pas cacher la forêt “. En effet, le calendrier de mise en œuvre de l’Accord de paix a été vite perturbé par des violations du cessez-le-feu, des actions des groupes terroristes et des activités liées au trafic de tous genres. Par conséquent, la situation sécuritaire et humanitaire est toujours précaire et la menace posée par les groupes terroristes et djihadistes sur l’ensemble du pays demeure alarmante. Comme l’ont montré les attentats contre le Byblos à Sévaré et le Radisson à Bamako (au total 35 morts), ainsi que les assassinats à l’intérieur du pays, les attaques des camps des casques bleus dans le nord du pays.
Pas plus tard que le vendredi dernier, l’attaque d’un camp de la Minusma à Tombouctou a fait 3 morts dont le jeune commandant Karim Niang qui dirigeait le Groupement tactique interarmes (Gtia) Al Farouk. Encore plus près, mardi, un véhicule de l’armée malienne a sauté sur une mine, faisant 3 militaires morts. Concernant les droits de l’Homme au Mali, la Minusma a signalé récemment, dans un rapport adressé au Conseil de sécurité de l’Onu, de graves violations partout dans ce pays. Par ailleurs, environ 137 500 réfugiés maliens se trouvent toujours dans les pays voisins, dont 33 400 au Burkina Faso, 52 000 en Mauritanie, et quelque 50 000 au Niger, alors que l’Accord prend en compte tous ces aspects. Mais, le plus grand obstacle que rencontre aujourd’hui la mise en œuvre de l’Accord de pays, c’est le cantonnement des ex-rebelles.
Le chef de la Minusma, le Comité de suivi de l’Accord et le ministre de la Défense et des anciens combattants, Tiéman Hubert Coulibaly, ont tous rappelé l’urgence de procéder au cantonnement des éléments des groupes armés, comme stipulé dans l’Accord de paix. Le cantonnement est considéré comme une première étape devant amorcer la mise en œuvre des mécanismes prévus, notamment les patrouilles mixtes dont la mission aura un indéniable impact sur la situation sécuritaire actuellement caractérisée par la recrudescence des attentats terroristes et le retour dans le nord des groupes djihadistes.
Une première liste de sites devant accueillir les cantonnements avait été élaborée, mais n’avait pas été acceptée par les groupes armés. De leur côté, ceux-ci accusent le gouvernement de tergiverser et d’entraver par sa lenteur le processus de mise en œuvre de l’Accord, prolongeant ainsi les souffrances des populations du Nord.Pour faire mal au gouvernement, ces groupes armés, divisés au départ, font désormais un seul bloc. Ils viennent de se retrouver dans une sorte d’alliance de cogestion de Kidal. Nulle part, un tel scénario n’est évoqué dans l’Accord de paix dont l’avenir devient du coup hypothétique.
A.B. HAÏDARA
Source: Aujourd’hui-Mali