Le pape François s’est donné trois jours et demi, à partir de jeudi, pour convaincre les chefs de l’Eglise catholique dans le monde de leur responsabilité individuelle face aux agressions sexuelles sur mineurs, mais les victimes en colère réclament un électrochoc.
L’Eglise, dont la crédibilité a été sévèrement entachée en 2018 par la révélation de nouveaux scandales à grande échelle, au Chili, aux Etats-Unis ou encore en Allemagne, sait qu’elle doit agir au risque de couler.
Le pape jésuite, qui doit donner le coup d’envoi de la réunion jeudi matin, veut réveiller les consciences dans ses rangs avec une méthode collégiale éducative, faite de discours, de petits groupes linguistiques de travail, entrecoupés de prières mais aussi de quelques poignants témoignages de victimes du clergé.
Ainsi mieux éduqués et sensibilisés, les 114 présidents des épiscopats venus de tous les continents rentreront ensuite chez eux avec des idées claires, à transmettre à leur tour aux évêques et prêtres, juge le pape François, qui sait que certains épiscopats -notamment en Asie et en Afrique- sont encore dans un profond déni sur les violences faites aux mineurs.
« J’espère que cette réunion sera vue comme un tournant, pas une fin de partie », formule le cardinal américain Blase Cupich, homme de confiance du pape aux Etats-Unis et l’un des quatre organisateurs choisis.
« Nous allons tout faire pour que les gens soient conscients de leur responsabilité et de leur obligation de rendre des comptes et qu’il y ait aussi de la transparence », a-t-il résumé. Ces trois éléments – qui seront analysés tour à tour par les 190 participants – assureront la sécurité des enfants, juge l’archevêque de Chicago.
– « Retoucher les lois » –
Les organisateurs insistent beaucoup sur l’après-sommet, qui donnera lieu à certaines réformes du système, à court, moyen et long terme, comme celle de « retoucher » des lois de l’Eglise qui en auraient besoin, précise l’un d’eux, l’archevêque maltais Charles Scicluna.
Une description qui hérisse déjà Anne Barrett Doyle, co-directrice de BishopAccountability.org, une banque de données publique américaine documentant les enquêtes sur les prêtres soupçonnés de crimes sexuels. « Le droit canon doit être changé, non pas juste retouché ou modifié, mais fondamentalement changé pour cesser de donner la priorité aux prêtres sur les hommes et la vie des enfants et adultes vulnérables qui sont agressés sexuellement », a-t-elle assené devant la presse, à Rome.
« L’Eglise est très loin d’avoir arrêté l’épidémie », selon Mme Barrett Doyle, qui dresse un portrait peu flatteur de l’action des épiscopats des plus grands pays catholiques, du Brésil, en passant par le Mexique, la Colombie, les Philippines ou le Congo.
Et pour François Devaux, co-fondateur de l’association française de victimes de prêtres pédophiles « La parole libérée » reçu mercredi au Vatican par les organisateurs du sommet, « la crédibilité de l’Eglise, du Vatican et du pape est arrivée à un état apocalyptique ».
« Convoquer la direction de l’Eglise à Rome est en soi un message très important », plaide Mgr Scicluna, qui annonce « un jour nouveau en matière de transparence ».
L’homme fut pendant dix ans le procureur du tribunal du Vatican chargé d’enquêter sur les cas de pédophilie chez les prêtres. C’est lui que François a envoyé l’an dernier au Chili pour entendre les victimes d’un vieux prêtre ayant bénéficié du silence d’une grande partie de l’épiscopat du pays.
Il estime que le silence, l’omerta ou l’état de déni sont des interdits. « Le déni », un réflexe naturel, « est un mécanisme primitif dont nous devons nous éloigner », fustige-t-il.
L’archevêque maltais mise beaucoup sur la troisième journée de réflexion, samedi, consacrée à la transparence. « Nous devons nous confronter aux faits, car seule la vérité nous libérera », a jugé ce spécialiste.
Mais c’est le pape argentin qui concluera les travaux de ce sommet inédit par un discours dimanche, très attendu.
AFP