Refugié au Burkina Faso depuis février 2012, Aboubacrine Cissé affirme avoir, avec l’aide d’un de ses frères résidant en Arabie Saoudite, fait rapatrier à ce jour près de 1 700 volontaires Maliens, exilés au pays des hommes intègres au plus fort de la crise malienne. Convaincu que l’aide au retour des refugiés est un acte de paix, notre interlocuteur lance un cri de cœur aux autorités maliennes afin qu’elles accompagnent nos compatriotes qui, dit-il, ont hâte de revenir au Mali. Un pays auquel ils réaffirment leur attachement. Interview !
Le Prétoire: Voulez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
A C: Je suis Aboubacrine Cissé. Je suis réfugié au Burkina Faso depuis février 2012. Je suis sur le site de Sahinegho (aux environs de Ouagadougou) où résident 2380 refugiés maliens. Il y a au total trois (3) sites au Burkina : Gadebo (Dori), Sahinegho (Ouaga) et Mintaho (Djibo). Il y a également des sites non officiels.
Depuis 2013, je me charge du rapatriement des refugiés qui veulent rentrer au pays, mais qui manquent de moyens. Je fais ce travail avec l’appui d’un de mes frères qui réside en Arabie Saoudite. C’est lui le bailleur de fonds. Les candidats au retour me font une liste que je communique à mon frère de l’Arabie Saoudite qui réunit les moyens matériels et financiers.
J’ai en même temps des contacts avec l’Ambassade du Mali au Burkina, notamment le 1er Conseiller, Modibo Traoré. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour remercier ce dernier qui consent beaucoup d’efforts pour les refugiés maliens résidant au Faso.
Peut-on connaitre le nombre exact des Maliens qui ont trouvé refuge au Burkina Faso et ceux qui, à ce jour, sont retournés ?
Au début, nous étions au nombre de 100 000 refugiés. Par nos petits moyens et notre expérience, nous avons expatrié 1 700 personnes. Lorsque le ministre malien de la Solidarité est allé, le 9 de ce mois, pour signer un accord avec le Burkina et le HCR pour le retour volontaire des refugiés, le HCR a avancé un chiffre de 30 000 personnes.
En tout cas, beaucoup, notamment ceux de Gadebo et de Mintaho, ont envie de rentrer chez eux. Ils se disent profondément attachés au Mali et entendent, avec le plan de paix qui se dessine, venir contribuer au développement de leurs territoires respectifs. Mais nous rencontrons assez de problèmes.
Justement, quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?
Déjà, le simple fait de vivre hors de chez soi n’est pas facile. Le mot réfugié est très vilain. Le HCR donne aux refugiés 6 kilos de vivres et un prix de condiment de 3 500FCFA par mois et par personne. Cela est insuffisant à tout point de vue. Ça ne va pas !
Est-ce que l’Etat malien vous accompagne dans ce que vous êtes en train de faire, surtout quand les gens reviennent chez eux ?
Pour le moment, nous n’avons reçu aucune aide de la part de l’Etat. Je suis là pour que l’Etat sache que nous avons envie de rentrer. Il faut qu’il fasse quelque chose.
L’Etat n’a rien fait du tout?
Pour le moment, non !
Avez-vous approché les autorités pour demander leur accompagnement ?
Tout à fait ! Même hier [Ndlr, lundi 19 janvier) j’ai été au ministère de la Solidarité. La dernière fois, j’ai rencontré le ministre de la Réconciliation nationale, Zahabi. Ils savent les démarches que je fais. J’en ai aussi parlé au fils du président de la République, Bouba. En tout cas, je pense que les autorités savent le rôle que nous sommes en train de jouer. Nous le faisons pour aider notre pays.
Que vous ont promis les ministres que vous avez rencontrés ?
En tout cas, le ministre de la Solidarité nous a bien reçus et il dit avoir envie d’aider ses populations.
Avez-vous un appel à lancer aux autorités ?
Je leur demande de nous aider. Parce que même ceux qui sont retournés sont rentrés les mains vides alors qu’ils ont besoin de beaucoup de choses. Les gens veulent rentrer mais ils n’ont pas de moyens. D’autres attendent aussi la signature d’un accord dans le cadre des négociations d’Alger.
Nous allons quand même plaider pour le rapatriement de ceux qui en ont l’envie, mais qui manquent de moyens. Nous sommes des Maliens, des républicains qui veulent la paix et le développement. Que l’Etat aide les refugiés à retourner chez eux est déjà un acte de paix.
Est-ce que vous vous sentez justement concernés par les négociations d’Alger. Prennent-elles en comptent vos préoccupations ?
La majorité des refugiés du site de Gadebo dit que c’est une politique des mouvements armés. Ils pensent que tant qu’un accord n’est pas trouvé, il ne faut pas retourner. A Sahinegho et Mintaho, nous ne sommes pas dans cette logique-là. Nous ne conditionnons pas notre retour à la signature d’un quelconque accord.
Aujourd’hui, ce que nous demandons, c’est que l’Etat nous aide à rentrer chez nous. Qu’il comprenne que nous sommes des républicains et que nous voulons aider notre pays.
Ceux qui attendent qu’il y ait un terrain d’entente entre l’Etat malien et les groupes armés, c’est leur problème. Nous sommes Maliens à 100% et nous ne sommes pas de ceux-là qui réclament la partition de notre pays, genre fédéralisme ou autonomie. Nous avons envie de rentrer et nous voulons que l’Etat nous aide. C’est tout !
Réalisée par Bakary SOGODOGO
Source: Le Prétoire